La reconnaissance de tamazight comme langue officielle ne doit pas se faire sous la pression d'une conjoncture électoraliste où bien dans une dynamique de «rafistolage» identitaire, estiment des chercheurs en la matière qui préconisent, par ailleurs, une prise en charge effective. Amar Laoufi, enseignant au département de langue et culture amazighes de Bouira précise que «nos décideurs ne doivent pas avoir toujours un complexe envers tamazight. Depuis sa constitutionnalisation comme langue nationale en 2002, rien n'a été fait pour la promouvoir contrairement à l'autre langue nationale, l'arabe en l'occurrence. Il n'y a pas d'académie, ni centre de recherche. Nous avons seulement le HCA, haut commissariat à l'Amazighité, dont le poste de président est vacant depuis 2014 après la mort d'Idir Ait Amrane tandis qu'au conseil supérieur de la langue arabe, tout marche sans aucune vacance», nous-a-t-il ajouté. Pour le même chercheur, le centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (CNPLET) crée, il y a plus de dix ans, n'a, «à mon sens aucune utilité dans le domaine de la recherche. Même ses productions (actes de colloques, par exemple) n'arrivent pas aux universitaires qui ne sont pas associés aux travaux du CNPLET», nous a-t-il souligné, plaidant, par la même, pour la dépolitisation de la question. M. Laoufi appréhende, par ailleurs, un avenir peu reluisant pour l'enseignement de Tamazight s'il n'est pas généralisé jusqu'au préscolaire. A ce propos, il dira justement que «la situation est grave. Il y a une forte demande sociale, notamment en Kabylie contrairement à ce que déclare le ministre de l'éducation. Ce responsable Il doit seulement assurer un enseignement efficace. D'ailleurs, faut-il le souligner, en dehors de la Kabylie, l'enseignement de Tamazight n'existe quasiment pas». Pour ce qui est de la transcription de tamazight, le même chercheur ne voit pas l'inconvénient d'opter pour l'autonomie linguistique s'il est nécessaire, l'essentiel que cette langue soit sérieusement prise en charge. Toutefois, il soutient que le Latin doit être le caractère de référence. Et pour cause, explique-t-il, il y a un travail scientifique qui a été fait dans ce sens. Il suffit seulement de le développer davantage. «Nous pouvons adopter le caractère latin sur le plan scientifique et le Tifinagh sur le plan symbolique. Par contre, ceux qui préconisent le caractère arabe n'ont malheureusement rien produit. C'est juste un choix idéologique. C'est juste pour bloquer la promotion de la langue amazigh», nous a-t-il précisé. Par ailleurs, le même universitaire, citant le cas du Maroc, estime que même avec sa constitutionnalisation comme langue officielle, la langue tamazight n'est pas sérieusement prise en charge. «L'officialisation de la langue amazighe au Maroc est venue juste pour calmer les esprits sans pour autant voir des mécanismes de sa promotion suivre sa décision. Je veux dire aussi que les Marocains ont peut être capitalisé également le combat identitaire en Algérie pour arriver à mettre la pression sur leurs décideurs afin d'aboutir à cette consécration», nous a-t-il souligné. De son côté, Kamel Bouamara, professeur au département de langue et culture amazighes de l'université Abderahmane Mira de Bejaia, nous a précisé que «les usagers de la langue ont tranché sur sa transcription depuis long temps, notamment en Kabylie. La transcription de tamazight est un faux problème qui se pose peut-être ailleurs, dans d'autre région du pays où le tamazight n'a pas encore disparu. Il y a un travail de plus d'un siècle qui a été fait. Il y a un consensus sur ce point», nous a-t-il affirmé. Selon lui, la langue amazighe peut être, dans un premier temps, semi-officielle. «On peut cibler les institutions de l'Etat où on peut la mettre en application avant de faire des projection à l'avenir. C'est le cas, d'ailleurs, de la langue arabe qui n'est pas officielle dans tous les secteurs de la vie sociale et économique en Algérie», nous a-t-il ajouté.