Du shaman au fin fond de la steppe, au médecin de la Rome antique, jusqu'aux grandes firmes internationales de produits pharmaceutiques et cosmétiques des temps modernes, les plantes ont toujours accompagné l'homme dans sa quête de la santé et de la jeunesse éternelle. Tantôt salvatrices, d'autres fois mortelles, les plantes médicinales finissent souvent par dévoiler leurs secrets. Et il n'est pas fortuit qu'elles soient à la base de la pharmacologie moderne qui se développe en fonction de l'apparition de nouveaux maux. «L'émergence des maladies est foncièrement liée à l'environnement et surtout à l'industrie agro-alimentaire. C'est surtout ce qu'on mange qui détermine notre santé», estime Taïbi Nadia, chercheur et directrice de la division santé du Centre de recherche scientifique et technique en analyse physico-chimique (CRAPC) de Bou Ismaïl. Au cœur de cette division, une équipe constituée de jeunes chercheurs chevronnés, dirigée par le Dr Taïbi, a mis en évidence en décembre 2013 les bienfaits de l'«Artémisia». Cette plante médicinale a un effet thérapeutique avéré contre le paludisme, affirment les chercheurs. Largement répandue à travers le monde, cette maladie qui développe des résistances aux traitements antipaludiques est responsable de formes cliniques potentiellement fatales. Mais cela n'a pas découragé l'équipe du Crapc qui tente de prouver, si besoin est, que les plantes ont encore à révéler des bienfaits médicinaux dans un monde où les principes actifs chimiques envahissent la pharmacologie. Par ailleurs, prouver l'efficacité des plantes médicinales pour l'usage pharmacologique n'est pas une tâche aisée et passe par plusieurs étapes d'études et d'analyses physico-chimiques. Mais comment procède-t-on à cette forme de recherche dont l'intérêt est de faire renaître les anciennes méthodes de traitement pour faire de nouvelles découvertes ? Le Dr Taïbi et son équipe expliquent minutieusement les différentes démarches du domaine de la recherche et de l'analyse des produits naturels. «L'équipe travaille sur les produits naturels, entre autres les plantes dans une perspective de valorisation des plantes algériennes, notamment celles qui ont des caractéristiques thérapeutiques et aromatiques», indique la directrice. Des analyses méticuleuses L'analyse physico-chimique d'une plante médicinale exige un travail d'application et une persévérance absolus. Dans les laboratoires du CRAPC, une multitude de matériels et de logiciels qui vont du plus simple et accessible au plus complexe et sophistiqué sont à la portée de tous les chercheurs. «Le CRAPC a mis à notre disposition un matériel très performant en vue d'affiner les recherches et les analyses», s'en félicite la directrice. L'analyse physico-chimique des plantes médicinales comprend plusieurs étapes. «La première phase consiste à extraire les huiles essentielles (HE) d'une plante choisie par la technique de l'hydrodistillation dans laquelle la plante est en contact direct avec l'eau bouillante. On utilise aussi l'extraction assistée par micro-onde», précise le Dr Taïbi. Après avoir récolté la matière (HE), le noble présent gracieusement offert par la plante, l'équipe procède à la deuxième étape qui est l'analyse physico-chimique. «Cette étape comprend la caractérisation des (HE)», complète-t-elle. Amraoui Rachid, chercheur spécialiste en développement analytique, explique plus clairement cette étape : «Les HE sont des composés volatiles (légers). Pour détecter leur composition, on utilise la chromatographie en phase gazeuse. Cette technique est idéale pour l'analyse et la caractérisation de ce genre d'échantillons». «A dire vrai, déceler une composition chimique n'est point facile», avoue le chercheur en ajoutant qu'en plus de cette technique, il existe un logiciel appelé «spectromètre de masse» qui permet aux chercheurs de relever l'empreinte des échantillons tout en caractérisant leur structure de masse. Dans le laboratoire des analyses microbiologiques, les chercheurs font des tests pour prouver l'activité antibactérienne du composé analysé. «L'extrait est analysé en vue de caractériser son activité inhibitrice. L'objectif de l'analyse microbiologique est en effet de déterminer la présence ou pas de l'activité antibactérienne de sa substance chimique», explique Boumehira Ali Zineddine, attaché de recherche au Crapc. «Ces analyses assurent l'existence de l'effet thérapeutique de la plante médicinale. Car l'activité inhibitrice agit significativement contre la croissance des champignons», ajoute-t-il. Après ces multiples étapes d'études et d'analyses qui affirment au final la possibilité de l'utilisation de l'extrait dans la production pharmaceutique, arrive l'étape de la valorisation du produit naturel qui conclut le travail laborieux de l'équipe de recherche. «En effet, la valorisation de l'extrait consiste à contacter des partenaires locaux ou étrangers afin de mettre en valeur son efficacité. Ce qui nous permettra au final de fabriquer un produit pharmaceutique ou cosmétique», conclut le Dr Taïbi. Or, avec les problèmes constants et les obstacles insurmontables qui freinent l'avancement de la recherche scientifique en Algérie, on constate que malgré le développement et la mise en place de différents laboratoires et centres de recherches, les résultats obtenus — certainement valables pour être concrétisés — demeurent résolument théoriques. Ce qui sort des prérogatives de nos chercheurs.