Quoi qu'il arrive dans le futur proche sur le plan social, il est des leçons à tirer du spectacle qui nous fut donné, cette semaine, du fonctionnement des centres de décision au sommet de l'Etat. Pour les uns, les leçons sont déplaisantes, pour d'autres, les dividendes politiques sont évidents. L'ancien chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, soutenu au départ par le chef de l'Etat, s'est opposé, au nom du « réalisme » et de la « rigueur économique », à la revalorisation des salaires tant , à son avis, les indices macroéconomiques n'étaient pas encore favorables. Mais tandis que le patron du RND exhortait les Algériens d'en-bas à se serrer la ceinture, Abdelaziz Belkhadem, se servant du populisme comme ingrédient de base, estimait, dans un grand tapage médiatique, qu'il était possible d'améliorer le revenu mensuel des travailleurs pour peu qu'on ait la volonté nécessaire. Dans ce duel entre les deux hommes, l'arbitre d'El Mouradia, tout heureux de se poser en juge suprême, a fini par prendre fait et cause pour le secrétaire général du FLN qu'il nommera, juste après, chef du gouvernement. D'aucuns estiment que c'est le chef de l'Etat en personne qui, en habile calculateur, a échafaudé plan sur plan pour tirer le tapis sous les pieds de l'ambitieux Ahmed Ouyahia soupçonné, à tort ou à raison, de vouloir briguer, en 2009, la présidence de la République. Ceux qui connaissent bien Bouteflika disent qu'il est redoutable quand il veut discréditer ou écarter de son passage toute personne qui refuse de s'inscrire dans la logique de ses desseins. Maintenant qu'on a annoncé officiellement l'augmentation des salaires et des pensions ainsi que le relèvement du SNMG, on voit le piège se renfermer sur Ouyahia. Belkhadem a tenu sa promesse et il en a bien soigné son image et celle de son parti. Toutefois, c'est Bouteflika, sans aucun doute, qui en a récolté la belle moisson. L'issue de la bataille n'arrange certainement pas l'avenir politique d'Ahmed Ouyahia qui vient de recevoir une belle raclée. Mais au-delà de la dérive individuelle du patron du RND, dont l'orgueil et l'ambition ne manqueront pas d'en souffrir, c'est la crédibilité de sa formation politique qui serait compromise. La logique voudrait que le fait de porter un coup contre l'un, ne pourrait pas être sans effet pour l'autre. Les cadres du RND, de leur côté, ne devraient pas ignorer que leur premier responsable a entraîné dans sa chute son parti, déjà fortement mis à mal par son rival le FLN qui a tiré tout le bénéfice d'un fonds de commerce très juteux : l'augmentation des salaires. Les citoyens, eux, n'ont pas la mémoire courte. Ils savent que derrière les ponctions sur salaires, la dissolution des entreprises publiques, la chasse aux cadres, la fraude électorale... il y a un seul homme et il s'appelle Ahmed Ouyahia. Partant, il serait difficile de remettre en selle le RND avec à sa tête un secrétaire général essuyant défaite après défaite. En mal de popularité, le parti risque, dans un proche avenir, de jouer les seconds rôles et d'occuper des postes de seconde zone.