La stèle de Saïd Mekbel à Béjaïa a été inaugurée à nouveau hier, par les journalistes locaux, à l'occasion de la Journée internationale de la liberté d'expression qui coïncide avec le 3 mai, en présence de la famille du journaliste assassiné. Elle est désormais baptisée «place Saïd Mekbel de la liberté de la presse». Une grande émotion a caractérisé cette cérémonie qui avait un double objectif : célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse, mais surtout rectifier l'«impair» que fut l'inauguration «contre nature» de cette même place, le 16 avril dernier, par le wali de Béjaïa à seulement deux semaines du 3 mai. Une inauguration à la veille de l'élection, coïncidant avec Youm el îlm (Journée du savoir) qui a attribué une symbolique qui n'est pas sienne à la mémoire de celui dont la plume a servi l'information, donc le peuple et la liberté d'expression, raison pour laquelle les partisans de l'obscurantisme et de la soumission l'on fait taire à jamais. Pour les journalistes, en particulier ceux à l'origine de l'idée de cette stèle à l'effigie de «Mesmar Djeha», il n'est pas meilleure journée pour l'inaugurer que celle de la liberté d'expression. C'est désormais chose faite. «Il y a deux semaines, à la veille de l'élection, le wali l'a inaugurée dans la précipitation pour être au rendez-vous du 16 avril. On a voulu associer Youm el îlm à la mémoire d'un journaliste mort pour sa liberté d'expression. De ce fait, nous estimons que l'inauguration le 16 avril trahit la mémoire de Saïd Mekbel», ont dénoncé les journalistes de Béjaïa dans une déclaration lue sur place. Quatre gerbes de fleurs ont été déposées sur le socle de la stèle : celle des journalistes, puis celles des militants du Mouvement culturel berbère, du Rassemblement pour la culture et la démocratie, de l'association ADIC pour la défense des consommateurs qui ont rallié l'événement. La cérémonie s'est déroulée sous le regard fier de la famille Mekbel, qui était absente, il faut le rappeler, à l'inauguration du 16 avril par le wali. L'assistance a été priée d'observer une minute de silence à la mémoire du journaliste lâchement assassiné et de tous ceux qui ont payé de leur vie le droit à l'expression libre. Après un bref rappel de celui qui fut le premier à perdre la vie dans l'exercice de son métier de journaliste, l'auteur de la célèbre maxime : «Si tu parles tu meurs, si tu te tais tu meurs, alors parles et meurs !», le regretté Tahar Djaout, a été évoqué. Dans leur déclaration, les journalistes ont réitéré : «Nous sommes tous là certes pour le 3 Mai, mais ce rassemblement est aussi pour honorer la mémoire de Saïd Mekbel que la bêtise humaine a assassiné il y a 20 ans. Nous rendons hommage à l'Ogre, à El Ghoul, à Mesmar Djeha pour combattre l'oubli et dire le journaliste talentueux et engagé qu'il était. L'obscurantisme islamiste qui l'a raté en mars 1994 l'a assassiné neuf mois plus tard, le 3 décembre, pour faire taire sa plume, sa clairvoyance et son engagement.» Le RCD a, de son côté, rendu hommage au journaliste et dénoncé dans sa déclaration, également lue sur place par un responsable local du parti, «la honteuse inauguration» du 16 avril, qui a eu lieu «en catimini» à la veille du «montage électoral du 17 avril 2014». Même son de cloche chez les militants du MCB, qui ont pris la parole pour dénoncer la «récupération» par les autorités de la mémoire de Saïd Mekbel.