C'est sur un terrain économique miné par la désindustrialisation, le recours excessif aux importations et la dépendance de la rente d'hydrocarbures, que l'ancien nouveau Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est surtout attendu, tant la situation économique du pays est, à bien des égards, désastreuse et de surcroît vulnérable à de graves difficultés à venir. Mais que peut-on espérer d'une équipe gouvernementale condamnée à disparaître à brève échéance du fait de la révision de la Constitution programmée pour la prochaine rentrée sociale et de la formation d'une nouvelle Assemblée nationale d'où émanera un nouveau gouvernement, qui interviendra sans doute juste après. Evidemment pas grand-chose, tant la durée du prochain gouvernement que Bouteflika mettra sans doute, comme à son habitude, beaucoup de temps à constituer, sera nécessairement courte (moins de 6 mois) et, de surcroît, chahutée par les soubresauts d'une élection présidentielle ouvertement contestée par l'écrasante majorité des partis politiques et de larges pans de la société civile. La contestation sociale promet également d'être forte tant les promesses faites lors de la campagne électorale ont été nombreuses et, dans bien des cas, impossibles à tenir. Toutes les parties ayant soutenu Bouteflika pour un quatrième mandat, les entrepreneurs privés y compris, attendent leur part du gâteau. Il ne sera évidemment pas facile de toutes les satisfaire vu la difficulté budgétaire qui a déjà commencé à poindre au regard des récents chiffres publiés par la Banque d'Algérie et le ministère des Finances. La nouvelle équipe gouvernementale n'aura certainement pas les coudées franches pour trancher les vraies questions qui minent le développement économique et social — pour certaines depuis des décennies —, ni même la possibilité de travailler dans la sérénité durant cette période propice aux intrigues politiciennes et aux épreuves des rapports de force. Il ne faudrait, aussi et surtout, pas perdre de vue que bien que fortement handicapé par ses problèmes de santé, le président Bouteflika concentre tous les pouvoirs et que Abdelmalek Sellal ne dispose que des attributs de Premier ministre uniquement chargé de la coordination d'un gouvernement constitué par le chef de l'Etat. Des réformes qui s'éternisent Il restera évidemment aux technocrates du prochain gouvernement une large possibilité de manœuvre sur le terrain de l'économie où il reste beaucoup à faire, tant le mal qui ronge l'appareil national de production est profond. Dans un pays où la construction d'une économie de marché s'éternise et où les recettes d'hydrocarbures continuent à financer l'essentiel des besoins économiques et sociaux de la population, on ne peut effectivement pas se permettre de perdre encore du temps, notamment lorsque l'on sait que les données relatives à l'explosion de la demande sociale et au déclin à plus ou moins brève échéance de la rente pétrolière sont vraiment inquiétantes. Le chemin à parcourir pour arrimer l'économie algérienne à l'économie mondiale sera évidemment long et fastidieux, tant les réformes ont accusé du retard. Il faudra pratiquement tout faire et, dans bien des cas, refaire des réformes aujourd'hui dépassées. Il faut en effet se rendre à l'évidence que depuis l'année de l'adoption de l'économie de marché par la constitution de 1989, les autorités politiques algériennes qui se sont succédé à la tête du pays n'ont mis aucun des outils de l'économie moderne en place. L'Algérie ne dispose pas, à ce jour, d'un authentique marché du change, ni d'un marché boursier, ni d'un marché immobilier, ni même de moyens de paiement modernes susceptibles de lui permettre d'enclencher sur de bonnes bases la dynamique de développement industriel souhaitée. Dans l'état actuel de son organisation, l'économie algérienne ne peut compter, comme au temps du socialisme, que sur le budget de l'Etat, la contribution des partenaires privés au développement économique et social étant difficile à concrétiser dans le cadre actuel de la réglementation. A la traîne, l'Algérie a pourtant plus que jamais besoin d'un gouvernement fort, en mesure de gérer autrement qu'au moyen de la rente pétrolière son économie et d'un exécutif qui aille plus vite et plus résolument dans les réformes devant préparer l'outil national de production à la compétitivité. Les réformes à mettre en œuvre pour doter le pays d'un authentique système de marché et redémarrer sur de nouvelles bases l'industrie nationale devraient, de ce fait, figurer parmi les toutes premières priorités du prochain gouvernement. On se souvient qu'un certain nombre de décisions avaient été prises à cet effet à l'occasion d'une réunion tripartite présidée par ce même Premier ministre. Sera-t-il en mesure de les mettre en application, compte tenu de la limite de ses pouvoirs qui ne peuvent en aucun cas outrepasser ceux du président Bouteflika ? Rien n'est moins sûr !