Le chef du gouvernement de la Cyrénaïque, Abd Rabou Al Baraassi, a appelé à organiser une nouvelle élection. C'est très mal parti pour Ahmed Miitig, le nouveau Premier ministre libyen. La raison ? A peine a-t-il été élu qu'il se voit fortement contesté. Les rebelles autonomistes de l'Est libyen ont, en effet, affirmé qu'ils ne le reconnaissaient pas. «Nous refusons de traiter avec M. Miitig parce que son élection a été illégale», a déclaré, mercredi à la chaîne Al-Nabaa, Ali Al Hassi, un porte-parole du gouvernement autoproclamé de la Cyrénaïque, bras politique des rebelles. Le chef du gouvernement de la Cyrénaïque, Abd Rabou Al Baraassi, a quant à lui appelé carrément à organiser une nouvelle élection. Le Congrès général national, le parlement libyen, a, rappelle-t-on, ratifié lundi la nomination d'Ahmed Miitig comme Premier ministre par une décision signée par son président, au lendemain d'un vote chaotique qualifié d'«illégal» par plusieurs députés. Il y en a qui reprochent même à certains de leurs collègues de leur avoir forcé la main le jour du vote. Si rien n'est fait pour remédier à la situation, il est à craindre maintenant que l'accord annoncé le 6 avril entre les rebelles et le gouvernement intérimaire de Abdallah Al Theni, prévoyant la levée progressive du blocage de quatre terminaux pétroliers, soit remis en cause. A genoux économiquement, la Libye risquerait alors d'être privée d'une importante source de revenus. Les ports de l'Est sont bloqués depuis juillet 2013 par des gardes des installations pétrolières, partisans de l'autonomie, empêchant toute exportation de brut. Ce blocage a provoqué une chute de la production à moins de 250 000 barils par jour. En temps normal, la Libye produisait 1,5 million b/j. L'enjeu du pétrole Durant son intervention télévisée, M. Al Baraassi a dénoncé, par ailleurs, «l'atermoiement» du gouvernement dans l'application des termes de l'accord qui prévoit notamment le paiement des salaires des gardes depuis le début de leur mouvement. Il a rappelé avoir prouvé leur «bonne intention», en ouvrant en avril les ports d'Al Hariga (110 000 barils/jour) et de Zwitina (100 000 b/j), comme le stipule l'accord en question. Le gouvernement et les rebelles s'étaient donné un délai de deux à quatre semaines pour trouver un accord final permettant la levée du blocage des deux autres ports : Ras Lanouf (200 000 b/j) et Al Sedra (350 000 b/j). «Mais ce délai a expiré sans que rien ne soit fait», a déploré M. Al Baraassi. Le chef du gouvernement de la Cyrénaïque a accusé, en outre, le CGN de vouloir saboter l'accord. «Les islamistes au Congrès veulent contrôler les ports et revenus pétroliers en Libye, via leurs milices », a-t-il estimé. Les autonomistes avaient, dans un premier temps, justifié le blocage des terminaux en accusant le gouvernement de corruption, avant d'afficher leurs véritables intentions en réclamant l'autonomie de la Cyrénaïque et en annonçant la mise en place d'un gouvernement local et l'ouverture d'une banque et d'une compagnie de pétrole. C'est, mentionne-t-on, ce même «dossier» (celui lié aux exportations pétrolières) qui avait coûté sa tête à Ali Zeidan. A l'allure où vont les choses, il pourrait bien être aussi la tombe d'Ahmed Miitig, ce qui risquerait de rendre encore plus incertain l'avenir immédiat des Libyens. Car, outre la crise politique inextricable générée par le limogeage, le 11 mars 2014, de Ali Zeidan, la crise économique et les âpres batailles pour la prise du pouvoir que se livrent les partis représentés au sein du CGN, la Libye n'arrive toujours pas à s'extraire de l'infernal cycle de violence dans lequel elle est plongée depuis le chute du régime de Mouammar El Gueddafi. Cet état de fait a eu pour effet d'ailleurs de casser tous les efforts entrepris jusque-là pour doter la Libye d'institutions. Ne disposant même pas d'une armée pour surveiller ses frontières, le pays est devenu, avec le temps, une terre d'asile pour de nombreux groupes terroristes liés à Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et un important facteur de déstabilisation pour le Maghreb et le Sahel.