Rien ne va plus entre le dirigeant soudanais Sadek El Mahdi et le président Omar El Béchir qui l'avait chassé du pouvoir en 1989. Depuis samedi, il est en prison avec des charges d'une extrême gravité car s'agissant «d'entrave à la Constitution et d'incitation à l'hostilité contre l'Etat», encourant la peine de mort. Encore une fois, devrait-on dire, puisque l'homme qui prône le «djihad civil» a été incarcéré huit fois depuis sa destitution avant de s'évader en 1996 et partir en exil. Mais le leader du parti El Oumma est bien rentré dans son pays en 2000, a relancé son parti et s'est même porté candidat à l'élection présidentielle de 2010 avant de s'en retirer, dénonçant un trucage électoral grâce auquel le général El Béchir allait se maintenir au pouvoir. Pourtant, l'opposition a du mal à le considérer comme un des siens, pour cause de divergence parfois fondamentale. Quand la première opte pour «la chute du régime», lui choisit un «changement de régime». Il a même critiqué l'initiative dite des «cent jours pour renverser le régime», la trouvant même «ridicule». L'opposition, quant à elle, le lui rend si bien pour avoir sévèrement contesté sa rencontre, en 2013, à Omdurman, avec le chef de l'Etat. Sauf que depuis cette date, il a appelé les membres de son parti à manifester et «le peuple soudanais à intensifier les protestations» contre le régime. Rien, jusqu'à présent, ne dit que son appel a été entendu, ni dans quel état se trouve l'opposition soudanaise, mais lui serait réellement en difficulté. Non pas pour son opposition au régime, mais pour avoir critiqué une branche des services de sécurité de son pays. Arrêté samedi, Sadek El Mahdi risquerait même la peine de mort pour avoir accusé le RSF (Rapid Support Services), une unité paramilitaire, d'exactions contre les civils au Darfour, cette province soudanaise théâtre d'affrontements depuis 2003. Un autre volet sombre de l'histoire de ce pays après celui du Sud-Soudan, indépendant depuis 2011 après des décennies de guerre contre le pouvoir central. Une telle accusation a été, bien entendu, rejetée, et pourtant elle avait d'abord été formulée par le chef de la mission conjointe ONU-Union africaine pour le Darfour parlant d'agissements «particulièrement inquiétants» et, peu auparavant, par l'Union européenne (UE). La réaction de cette unité ne semble pas avoir convaincu M. El Mahdi, qui a démenti, mercredi dernier, ces accusations. Trois jours plus tard, M. El Mahdi est revenu sur ces accusations, les confortant même puisqu'elles sont le fait d'une personnalité soudanaise connue. Toutefois, la situation ne semble pas aussi simple qu'elle paraît. Elle serait même complexe puisque les propos de l'opposant soudanais interviennent dans un contexte particulier avec, d'un côté, une situation que le pouvoir a du mal à maîtriser, avec de fortes contestations liées aux conditions de vie des Soudanais. La suppression des subventions sur les carburants a été suivie d'importantes manifestations, brutalement réprimées. C'est aussi la tenue d'un «dialogue national» réunissant pouvoir et opposition, y compris El Oumma de Sadek El Mahdi, sans qu'il y ait, semble-t-il, consensus de tous les centres du pouvoir. Un coup dur pour cette initiative supposée sortir le pays de sa crise, surtout que des échéances ont été dégagées. Le parti El Oumma a en effet annoncé qu'il annulait sa participation au dialogue en question sans s'avancer sur sa participation aux élections législatives et présidentielle de l'an prochain. Ce parti a en outre demandé à ses partisans de manifester contre sa détention, car, considère-t-on, «en arrêtant Sadek El Mahdi, le régime est revenu sur toutes ses promesses de dialogue et a fait un retour à la case départ». Une opportunité de sortie de crise gâchée ? La position du pouvoir étant connue, qu'en pense l'opposition, bien discrète ?