Le président soudanais avait surfé l'an dernier sur le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), qui l'accuse de crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour. Les Soudanais n'y croyaient plus, mais la première campagne électorale en près d'un quart de siècle dans le plus grand pays d'Afrique a vu, hier, le président Omar El Bechir enfiler le costume du «candidat El Bechir». Au centre de vives inquiétudes et après avoir été repoussées à deux reprises, les élections soudanaises - présidentielle, législatives et régionales - semblent être sur les rails. Et ce qui semblait devoir être une marche de santé pour le raïs Omar El Béchir, qui avait renversé en 1989 le gouvernement élu du Premier ministre Sadek al-Mahdi, s'est transformé en course d'obstacles dont le résultat demeure incertain. Le président soudanais avait surfé l'an dernier sur le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), qui l'accuse de crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, pour lancer une vaste campagne de publicité autour de sa personne et casser du sucre sur le dos de l'Occident. Mais cet élan a un peu ralenti et l'opposition, après d'interminables tergiversations, tente sa chance au jeu électoral. Omar El Bechir affrontera onze candidats à la présidentielle, dont Yasser Arman, un musulman laïque du Nord-Soudan représentant les ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), et Sadek al-Mahdi, chef du parti Umma (nationaliste) renversé en 1989. M.Arman devrait compter sur de solides appuis au Sud-Soudan, et Sadek al-Mahdi, dans certaines région du Nord. Mais dans un pays sans sondages d'opinion et qui n'a pas participé à de véritables élections depuis 1986, bien malin celui qui pourrait prédire le résultat de la course. «Tout le monde se demande qui va gagner. Bechir est très populaire à Khartoum, mais dans les régions je ne suis pas certain», estime Mohammed, un trentenaire sirotant un thé dans un café improvisé sous un arbre dans la capitale. Le président part avec une longueur d'avance. Son parti a pris au sérieux le processus d'enregistrement des électeurs sur les listes électorales, en novembre et décembre, et a inscrit le maximum de sympathisants. Les camps de déplacés au Darfour (ouest), jugés hostiles au gouvernement, ont en grande partie boycotté le processus d'inscription et ne pourront pas voter. Enfin, le président El Bechir tient un atout dans sa manche: l'appareil d'Etat et ses puissants services de renseignement, craint l'opposition. «Le NCP (parti du président Bechir) compte sur l'appareil d'Etat et l'argent du gouvernement, la question est donc de savoir si l'Etat pourra être neutralisé» afin de garantir des élections «justes et équitables», dit Mubarak al-Fadil, candidat du parti Umma Réforme et Renouveau (opposition). Mais malgré tout, il est «probable» qu'Omar El Bechir n'obtienne pas la majorité simple au premier tour de scrutin, pronostique l'ancien président américain Jimmy Carter. Le président Bechir devait tenir un grand rassemblement hier soir pour donner le coup d'envoi de sa campagne, son premier vrai test électoral en 21 ans de pouvoir. Les partis d'opposition prévoient un rallye à Omdurman, ville jumelle de Khartoum, plus tard dans le mois, et testeront ainsi la loi controversée sur les services de sécurité qui interdit la tenue de rallye ou manifestation non approuvés par les autorités. «Nous prévoyons de notifier la police, mais pas de demander l'autorisation», souligne un responsable de l'opposition. Autres zones d'ombres dans cette campagne, l'insécurité galopante au Sud-Soudan et «l'état d'urgence» toujours en vigueur au Darfour, région de l'ouest en guerre civile. La campagne se termine le 9 avril. Les scrutins présidentiel, législatif et régional se déroulent du 11 au 13 avril.