Quand le 9 avril dernier, le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, lança aux habitants des bidonvilles d'El Hamiz, à Alger : «Celui qui ne votera pas n'aura pas de logement», on pensait que c'était juste une plaisanterie, de mauvais goût il est vrai. Mais voilà que l'APC de Dar El Beïda exige expressément des demandeurs de logement de présenter une copie conforme de leur carte d'électeur. Sans doute contrariée par le fait que cet odieux chantage au vote soit étalé à la une des journaux, la wilaya d'Alger s'est fendue, hier, d'un démenti. Mais le document officiel (dont El Watan détient une copie) souligne bel et bien que la carte de vote est exigée aussi bien pour le dossier de logement que celui de recours. Que l'administration de Zoukh soit déconnectée de ses antennes locales est une autre histoire qui souligne, par ailleurs, l'incurie du service public en Algérie. Là où le bât blesse, c'est quand on observe la persistance de ce genre de pressions d'un autre âge. Le wali d'Alger ignore-t-il à ce point que le vote est un droit et non point une obligation, comme tente maladroitement de le faire admettre la rhétorique officielle ? Pourquoi vouloir infantiliser davantage les Algériens en les réduisant au mieux à des tubes digestifs au pire à des sous-citoyens corvéables à merci ? C'est faire trop peu cas de l'intelligence des Algériens que de leur imposer cette vente concomitante qui consiste à lier leur droit au logement ou au travail à leur engagement à s'inscrire et à souscrire aux agendas politiques et électoraux du pouvoir. Abdelkader Zoukh a certainement raté sa sortie à El Hamiz. Il a blessé les malheureux «habitants» du bidonville local et, à travers eux, tous les laissés-pour-compte de cette Algérie d'en bas, loin de Club des Pins.Mais ce comportement indigne d'une république est, hélas, observable, dans tous les secteurs de la vie nationale. Il n'y a qu'à voir comment les deux jeunes Mohand Kadi et Moez Benncir ont été embarqués dans un café puis condamnés à l'issue d'un procès expéditif. C'est qu'il y a visiblement une reprise en main musclée de l'activité citoyenne en Algérie. Après la pilule du 4e mandat, le pouvoir et ses relais locaux s'emploient à étouffer toute velléité de mouvement en usant et abusant de la force ou de toute la palette des moyens de pression dont il a le monopole. Et, pendant ce temps, il feint de proposer une feuille de route prétendument consensuelle pour ficeler une Constitution à la mesure de son «talent» liberticide. Il est malheureusement difficile de croire que ce régime autoritaire soit capable du meilleur, lui qui est habitué au pire. En se lançant ainsi à l'assaut des poches de liberté et des espaces résiduels d'expression citoyenne, il installe un climat social malsain pouvant alimenter toutes sortes de débordements. Tout se passe comme si les Algériens n'étaient que de simples locataires du régime, qui les regarde de haut. Enivrés par l'ivresse des hauteurs (au propre et au figuré), les serviteurs du régime affichent leur arrogance à l'égard du citoyen lambda qui réclame juste un peu d'humanité. En l'occurrence, Zoukh semble avoir intériorisé les codes d'ascension politique en vogue dans les salons algérois. Eh oui, son prédécesseur à Alger vient tout juste d'être nommé consul général à Paris. Et si un poste à Paris ou à Londres devait passer par El Hamiz, tant pis pour les «bidonvillageois».