Ciblé dimanche par une attaque qui a fait deux morts et 55 blessés, le Parlement, dont le mandat a expiré, a fait consensus contre lui. Eclairage. Les événements s'accélèrent en Libye au lendemain de l'attaque contre le Congrès général national (CGN, Parlement) à Tripoli, menée par des hommes armés en civil, qui s'est soldée par deux morts et 55 blessés. Le gouvernement, par la voix de son ministre de la Justice, Salah Al Marghani, a confirmé hier ce bilan et précisé que l'attaque n'avait «aucun lien réel» avec l'offensive lancée par l'ancien général Khalifa Haftar, vendredi à Benghazi, contre les positions de milices islamistes. Tout en blanchissant les troupes de Haftar, Salah Al Marghani précise que ces dernières luttent contre «des groupes terroristes». Autrement dit, le gouvernement appuie l'offensive de Benghazi, contrairement au Parlement qui a dénoncé une «tentative de coup d'Etat». Il y a donc comme un soutien mutuel entre le gouvernement à Tripoli dirigé par Ahmed Metidj (élu au forceps par le CGN) et le général Khalifa Haftar. Les deux parties s'accordent à contester la légitimité du Parlement dont le mandat a été prolongé illégalement jusqu'à 2014. Le général Haftar a d'ailleurs clairement déclaré qu'il ne reconnaissait aucune autorité au CGN. Hier matin, le colonel Mokhtar Fernana, commandant de la Police militaire, a déclaré sur deux chaînes privées de télévision, «au nom de l'armée», la «suspension» du CGN, la plus haute autorité politique du pays. «Nous, membres de l'armée, et les révolutionnaires (ex-rebelles), nous annonçons la suspension du CGN», a-t-il affirmé, précisant qu'il a donné les prérogatives législatives à une Assemblée constituante élue en février et maintenu le gouvernement intérimaire de Abdallah Al Theni. Benghazi en accord avec Tripoli En fin d'après-midi, le gouvernement libyen a proposé la mise en congé du CGN après le vote de confiance au Premier ministre, Ahmed Metidj. «Après l'adoption du budget 2014, le CGN se met en vacances parlementaires jusqu'à l'élection d'un nouveau Parlement», écrit-il dans une lettre ouverte publiée sur son site internet, en affirmant œuvrer pour éviter que la Libye ne sombre dans la guerre civile. Le colonel en treillis a précisé qu'«il ne s'agissait pas d'un coup d'Etat»... mais cela y ressemble fort ! Il y a donc, concrètement, consensus parmi les militaires et les civils sur la nécessité de mettre ce Parlement décrié en mode «veille». C'est dire que tout indique que les milices du général Haftar à Benghazi, celles du colonel Mokhtar Fernana ainsi que le gouvernement sont sur la même longueur d'ondes quant à la nécessité de mettre le CGN hors-jeu et d'élaborer une feuille de route devant mener, à terme, à l'élection d'un nouveau Parlement. Un coup d'état en… douceur Une perspective politique qui semble crédible compte tenu de la cohérence des déclarations des uns et des autres. Ce serait une sorte de coup d'Etat en douceur, qui verrait les militaires prendre indirectement le pouvoir en se drapant du gouvernement chargé de gérer les affaires courantes le temps d'organiser des élections. Dans l'intervalle, une lutte implacable devrait être menée contre les poches terroristes et les milices qui provoquent le chaos en Libye. On s'en doute, un tel scénario aurait le feu vert des Américains, soupçonnés d'être les parrains du général Haftar. Hier, des agences citaient des témoignages selon lesquels la force armée qui a attaqué le CGN appartenait aux brigades de Zenten, qui contrôle plusieurs sites sur la route de l'aéroport, au sud de Tripoli. Plus tôt, des témoins ont indiqué qu'un convoi de voitures blindées est entré dans Tripoli par la route de l'aéroport et s'est dirigé vers les locaux du CGN autour desquels des affrontements ont eu lieu. La tension reste donc vive en Libye, au point que l'Arabie Saoudite a décidé de fermer son ambassade, comme l'a fait l'Algérie avant elle.