Celui qui a dit que les Algériens conduisent bien mais se conduisent mal a tout à fait raison, mais... De fait, si conduire bien c'est appuyer sur le champignon, slalomer avec brio parmi d'autres véhicules, en passant à un millimètre près sans les toucher… Oui, les champions sont légion. Ce sont de bons opérateurs. Car, pour certains, la voiture c'est comme une machine-outil, et le chauffeur comme un opérateur. L'homme averti ajoute : «Mais cette machine roule et risque de tamponner une autre ou un être humain ou un animal ! Donc, l'opérateur doit faire très attention, doit anticiper, ayant présentes à l'esprit plusieurs éventualités par rapport à l'autre automobiliste.» Ils se conduisent mal, enfin la plupart d'entre eux et cela est loisible à tout un chacun de le vérifier. Et c'est cela qui cause tant de morts et de malheurs. Il n'y a pas de code de la route en Algérie, puisque la plupart ne le respectent pas. Certains ont trouvé d'autres mots pour le dire : ils conduisent d'une manière informelle, anarchique, voire vicieuse. Beaucoup n'acceptent pas qu'on les dépasse, qu'on les double. Quand il y a des bouchons, beaucoup refusent de suivre la file, le carrousel, aussi voit-on à chaque fois deux autres files se constituer à votre droite et à votre gauche. Ces deux files vont s'aligner à un moment donné avec celle normale ou légale et cela crée beaucoup de problèmes. Dans ce cas-là, les bas-côtés cabossés se transforment en route avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer si on ne les a pas vécues. En matière de non-respect du code, la chose frise parfois la perversion en Algérie. Certains jouissent, dirait-on, en violant la priorité, et là on est en plein sadisme. Voici une discussion significative entre deux émigrés en France, dont l'un était en train de conduire. «Fais-lui peur, fais-lui peur, il va te céder la priorité !» - Comment je lui fais peur ?... Et pourquoi ? - Pour passer en premier. - Mais je ne veux pas passer en premier, je dois m'en tenir au code de la route. - Non, c'est juste pour rire ! C'est comme cela qu'on fait en Algérie. On laisse rouler l'avant de la voiture dans le but de barrer carrément la route à l'autre conducteur, et ainsi l'obliger à faire d'autres manœuvres pour passer, et souvent il se résigne à céder le passage. - Ah, non, je ne fais pas ça, la preuve, je ne peux pas conduire en Algérie. - Et comment tu fais alors quand tu pars en vacances en Algérie ? - Ce sont mes proches qui conduisent. Quand un automobiliste se trouve dans une mauvaise position, au lieu de lui céder le passage, de le laisser passer, chose qui aidera à désengorger la circulation, non seulement on ne le fait pas, —très rares sont ceux qui le font —, mais on commence à klaxonner fébrilement, comme si on était en colère contre l'automobiliste qui a joué le jeu ! Pour ces chauffards, le bon automobiliste qui essaye d'appliquer à la lettre le code de la route — car on ne le respecte jamais assez bien —, passe pour un niais ! Ce genre d'anecdotes à propos de comportements bizarres, étranges, on peut en raconter à n'en plus finir. Certes, en matière de conduite, il y a des plaisantins ou plutôt des fous du volant partout de par le monde, mais pas au point de devenir…meurtriers ! Selon certains, en Algérie, on dépasse les bornes. «Vous dépassez un automobiliste qui conduit doucement, et soudain le voilà qui commence à accélérer pour que vous ne puissiez pas le faire. Vous roulez tous les deux comme cela de front, et cela peut vous mener tout droit vers une collision», dira Tahar, un vieux routier (dans les deux sens de l'expression). Ce genre d'accidents, il y en a eu tellement, et au rythme où vont les choses... Oui, certains n'acceptent pas d'être dépassés, cela saute aux yeux. Ils en font même une question d'honneur, chose qui mène de pauvres innocents à la mort. La conduite, c'est aussi une affaire d'éducation. En somme, il faut une «bonne» conduite pour une conduite bonne.