La librairie Omega de l'hôtel El Aurassi, en collaboration avec les éditions Barzakh, a organisé, samedi dernier, une rencontre-débat avec l'écrivain Rachid Boudjedra. Rachid Boudjedra est un écrivain qui n'est plus à présenter tant sa réputation est bien assise aussi bien en Algérie qu'à l'étranger. Il fêtera l'année prochaine ses cinquante ans d'écriture et compte à son actif 24 livres, essentiellement des romans et des essais. Il écrit en moyenne tous les trois à quatre ans. C'est un rythme qu'il s'impose. Dans toutes ses œuvres, Rachid Boudjedra plonge le lecteur dans le magma brûlant de l'histoire contemporaine. Dans ce nouveau roman et en guise d'introduction, l'écrivain explique comment a germé l'idée de s'intéresser à la question du printemps. Il opte pour un flash-back sur un siècle d'histoire en Algérie et dans le monde. En effet, son roman embrasse la période comprise entre 1914 et 2014. Rachid Boudjedra revient sur les événements sanglants d'Octobre 1988 en Algérie et sur les «Printemps arabes». «Le chaos, dit-il, est là. Ce n'est pas nous qui le faisons. C'est parce que les conditions humaines sont terrifiantes. Parce que l'homme est un loup. Il aime faire la guerre. Ce chaos, nous le voyons. C'est de là qu'est né mon roman Printemps». Paru il y a tout juste un mois aux éditions Grasset en France et depuis la semaine dernière aux éditions Barzakh en Algérie, Printemps est un roman qui raconte le destin de cette femme algérienne, Teldj, assumant son homosexualité. La trentaine, c'est une ancienne championne du 400 m haies qui devient enseignante de littérature érotique arabe à l'université d'Alger. Elle a un penchant pour les femmes. Elle tombe amoureuse d'une jeune Espagnole venue trouver du travail à Alger. Le romancier indique qu'il connaît personnellement l'héroïne de son roman. C'est une dame qui occupe un appartement en face du sien. Bien avant de la rencontrer, il espionnait sa vie au quotidien. Le roman est un va-et-vient entre passé et présent, les géographies intimes et les voyages à travers les langues. Il explique qu'il s'agit d'un roman du pacifisme, même s'il revient sur le déroulement des «printemps arabes». Il rappelle au passage que tous les printemps arabes ont éclaté en hiver. «Nous voulions que ça marche. Nous ne voulions pas d'émeutes. En Algérie, c'était en automne. Tous les Algériens en rêvaient. Il ne s'agissait pas d'émeutes de la faim, mais d'une révolution Adidas. Le printemps arabe a été inventé par la presse occidentale. C'était une tentative de renversement», explique-t-il. Pour l'écrivain, tout texte est un prétexte à quelque chose. «Toute ma vie j'ai été fasciné par l'histoire et par le malheur des autres. L'Algérie a vécu deux guerres affreuses. J'ai vécu le mensonge colonial et post-colonial. Moi, je vis cela d'une façon épidermique. J'ai horreur du mensonge. Nous sommes tous des victimes de la falsification historique.» Rachid Boudjedra tient à apporter une précision de taille : «Les gens me prennent pour un écrivain politique. Je dirais que je suis un poète. Je suis un écrivain atelier. C'est une technique essentielle que j'ai connue et trouvée chez mes maîtres Faulkner, Paul Simon et Gabriel Garcia Marquez. Paradoxalement, j'ai beaucoup appris dans le Coran.»