Sentiments ■ C'est à l'hôtel El-Aurassi en partenariat avec la librairie Omega que l'écrivain est venu présenter sa nouvelle œuvre littéraire, Printemps, publiée aux éditions algériennes Barzakh et, en France, chez Grasset. Homme de l'écrit et du verbe, Rachid Boudjedra entrant dans le vif du sujet de son récit, inclut celui-ci dans le déni du chaos et du refus de la différence de l'autre. Les bouleversements des guerres avec tout ce que cela engendre de misère humaine, de blessures, de morts, il en dira : «Toute ma vie j'ai été touché par le malheur des autres.» Le malheur des autres, c'est également celui de son héroïne Teldj, contraire, dissemblable des autres femmes. Son choix pour un thème et des non-dits, Boudjedra l'expliquera ainsi : «C'est parce que c'est le destin d'une femme algérienne. Je suis un poète et c'est le texte poétique qui m'intéresse. D'ailleurs, j'ai toujours aimé les personnes qui taisent leur douleur et j'ai beaucoup de compassion pour elles.» L'amitié ou la compassion pour les plus faibles, pour les infortunés, les défavorisés de la vie, il la revendique. Faisant référence au titre Printemps qui est un clin d'œil aux révolutions des pays arabes l'écrivain explique sa «déception du printemps arabe. Alors que nous le voulions, il a enfanté un désastre total... Nous, (les intellectuels) nous voulons que ça marche. Nous refusons les printemps des émeutes». Se référant au silence de l'élite quant aux conflits dans le monde dont la guerre au Mali qu'il qualifie «d'aberration», il confie comme pour s'excuser : «Si nous sommes passifs, nous le décrions dans nos écrits». Il revient à chaque fois étant aux prises avec l'absurdité des affrontements entre les peuples, de surcroît quand ils sont menés contre des pays en devenir. Le sort des populations soumises au bruit des bottes venu de l'Europe font réagir l'homme de lettres laissant sa conscience internationaliste s'exprimer contre les abus de l'Occident «va-t-en guerre». A maintes reprises, il reviendra sur la teneur symbolique de la nouvelle œuvre : «Un roman du pacifisme, de l'universalité.» Reconnaissant qu'il est «insolent et subversif», Rachid Boudjedra fait son mea culpa : «Je suis humain et poétique.» Tour à tour et au fur et à mesure du débat orienté par le directeur des éditions Barzakh, Boudjedra parlera de «ses maîtres» à l'exemple de l'écrivain américain Faulkner auquel il fera référence souvent. Il décortique le mythique rêve américain qui n'en est plus un et qui continue de capter l'esprit des jeunes algériens. Revenant à son roman, l'écrivain en détermine l'espace et le fondement de la trame : «Je pars d'une histoire réelle et le lieu, c'est Alger.» Puis il confie sa ferveur pour la capitale algéroise : «J'ai une passion pour Alger même si je suis né à Aïn Beïda.». Une déclaration qui fait honneur à la cité algéroise. Non pas de fil en aiguille, mais allant et revenant d'une idée à l'autre, Rachid Boudjedra éloquent décriera «l'âge d'or du mensonge chez les historiens classiques arabes» tout en rendant hommage à l'illustre Ibn Khaldoun. A la question d'un journaliste sur le désintérêt depuis quelques années des médias français, puisqu'il est un auteur francophone, sur son œuvre, Boudjedra, dans sa réponse, confirme les faits, qu'il attribue au «relent colonialiste. J'en ai fait le constat». La parole mordante juste ce qu'il faut, il continue sur la lancée pour relever le quasi-dédain des médias français : «J'échappe à la règle de ces écrivains qui manient la brosse à reluire envers la France. Cependant, cette fois-ci mon roman a eu un bon écho.»