L'OMS relève que l'Algérie est parmi les pays qui n'ont entrepris «aucune action de haut niveau pour le contrôle et la lutte antitabac». La lutte contre le tabac est au ralenti ces dernières années. Les associations de patients victimes du tabagisme et les professionnels de la santé semblent perdre du terrain en termes d'actions contre ce fléau, devenu un sérieux problème de santé publique. Les pouvoirs publics manquent aussi de volonté de faire de ce fléau un vrai danger sur la santé humaine. Des lois existent en Algérie et aucune n'est à ce jour appliquée. Outre les interdictions de fumer dans les lieux publics, la législation algérienne permet de pratiquer des prix élevés de ces produits à travers des taxes comme cela est recommandé par l'OMS et appliqué à travers le monde. Une manière d'empêcher d'augmenter la consommation. En Algérie, c'est l'effet inverse qui se produit. La cigarette est accessible à tous. D'ailleurs, dans son rapport annuel sur l'épidémie mondiale de tabagisme 2013, l'OMS relève que l'Algérie est parmi les pays qui n'ont entrepris «aucune action de haut niveau pour le contrôle et la lutte antitabac». Un point de moins pour l'Algérie qui a ratifié la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac en 2006 après l'avoir signée en 2003. L'OMS réitère, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale sans tabac, conformément à la convention-cadre de l'OMS, aux pays à mettre en œuvre des politiques en matière de prix et de taxes sur les produits du tabac en vue de réduire leur consommation. La recherche montre que des taxes plus élevées sont particulièrement efficaces pour réduire la consommation parmi les groupes à faible revenu et empêcher les jeunes de se mettre à fumer. Surtout que chaque année, le tabac tue plus de 5 millions de personnes et les conditions sont réunies pour qu'il cause 8 millions de morts par an d'ici à 2030. Pis encore, les coûts de la consommation du tabac se mesurent à l'aune de l'énorme charge de morbidité, des souffrances et des épreuves familiales. Les économies souffrent également de l'augmentation des dépenses de santé et de la baisse de productivité. Une menace mondiale pourtant évitable, le tabac constitue la première cause de mortalité. Une épidémie que l'OMS redoute et demande son éradication. La méthode la plus efficace pour endiguer la propagation de la consommation du tabac passe par des politiques réduisant directement la demande. «Il existe beaucoup de moyens utiles pour y parvenir, comme interdire de faire de la publicité ou de fumer en public, mais l'option la plus puissante et la plus rentable pour tous les gouvernements consiste simplement à augmenter le prix du tabac en appliquant des taxes sur la consommation», recommande l'OMS qui précise que les données provenant de différents pays, quel que soit le niveau de revenu, montrent que la hausse du prix des cigarettes est très efficace pour réduire la demande. «Des prix élevés induisent le sevrage et empêchent de commencer à fumer. Ils diminuent aussi le nombre des rechutes parmi ceux qui ont arrêté et réduisent la consommation chez ceux qui continuent à fumer», a indiqué l'OMS. Et de préciser qu'en moyenne, une augmentation des prix de 10% sur le paquet de cigarettes devrait entraîner une baisse de 4% de la demande dans les pays à revenu élevé et de 4 à 8% dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les revenus faibles des populations tendent à les sensibiliser davantage à l'évolution des prix. Les enfants et les adolescents y sont également plus sensibles que leurs aînés, ce qui fait que les interventions sur les prix ont des répercussions importantes dans cette tranche d'âge. Une des méthodes suggérées par la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac dans son article 6, ratifiée par 168 Etats, «mesures financières et fiscales visant à réduire la demande de tabac», incite les gouvernements à appliquer une politique de taxation et des prix contribuant à leurs objectifs de santé nationaux. Qu'en est-il en Algérie en terme de taxation des produits tabagiques ? Les lois des finances 2013 et 2014 ne comportent aucune mention d'une augmentation des taxes sur les produits tabagiques. Les cigarettes et le tabac à chiquer «chema» n'ont pas connu de hausse de prix ces deux dernières années. Ce qui a permis, contrairement aux dispositions de la convention-cadre de l'OMS, une augmentation de la consommation, particulièrement chez les enfants. Ce que les spécialistes ne cessent de dénoncer, en vain. Pour le Pr Nafti, président du Comité national de lutte contre le tabac et chef de service des maladies respiratoires à l'hôpital Mustapha pacha à Alger, le fait que la cigarette soit accessible à tous et à un prix dérisoire est une situation alarmante, voire scandaleuse. «7% des enfants scolarisés au primaire fument en moyenne deux cigarettes par jour, 11% du cycle moyen fument régulièrement, au lycée 16% des élèves consomment du tabac, dont la moitié sont des filles, et à l'université 24% des étudiants consomment jusqu'à un paquet de cigarettes par jour», s'est-il alarmé avant de dénoncer la multiplication des salons de thé où on propose la chicha au vu et au su de tout le monde. Quant à la qualité du produit en termes de normes fabriqué par la SNTA, entreprise qui a injecté 6,5 milliards de dinars pour son plan de développement, le Pr Nafti est formel : «Des analyses effectuées dans un laboratoire canadien sur la cigarette algérienne ont révélé qu'elle contenait trois fois plus de goudron et deux fois plus de nicotine que la norme internationale.» Un poison qui continue à tuer sans que les pouvoirs publics ne daignent mettre en œuvre l'arsenal juridique pour atteindre les objectifs de santé.