Selon Mohamed Amokrane Nouad, expert consultant en agronomie, la formation des prix en Algérie ne suit pas toujours la règle économique en liaison avec le rapport offre-demande dans la filière fruits et légumes. Une filière caractérisée, selon l'expert, par un fort morcellement du tissu de la production et par l'intervention sur toute la chaîne d'une multitude d'acteurs. -Comment évaluez-vous l'organisation de la filière fruits et légumes de la production à la commercialisation? L'évaluation de l'organisation de la filière fruits et légumes est une résultante de l'organisation de ses différents segments. Le segment de la production caractérisé par un fort morcellement du tissu de production (90% des exploitations de 0,5 à 5 ha) et par une faible productivité et faible qualité de la production.Le flux saupoudré engendré par cette multitude d'acteurs ne peut pas structurer un marché ni le susciter. Ajouté à cela la forte disparité entre les acteurs et leurs conditions de production : cas des rendements observé dans la filière tomate, de 70 à 250 t/ha. Le segment de la transformation est aussi caractérisé par une faible valorisation de la production en transformation (moins de 10% de la valeur) avec irrégularité d'approvisionnement du secteur agroalimentaire. En l'absence d'une remontée de la filière, il est très difficile de l'évaluer. On dit souvent qu'une filière est en bonne santé si elle est stable ou si la chaîne des valeurs est bien respectée et également bien répartie. Or, chez nous, nos filières sont souvent instables, d'où les différentes perturbations relevées sur les disponibilités et la fluctuation des prix. -L'informel continue à dominer dans cette filière... Le niveau d'organisation d'une filière nous oriente vers le formel ou l'informel. Les éléments d'analyse de la première question militent vers l'informel.Notre pays dispose de 1597 marchés, dont 43 dédiés au commerce de gros, 654 au commerce de détail, et 623 sont des marchés hebdomadaires, pour près de 37 millions d'habitants et 1541 communes. La répartition des marchés de gros pour les produits agricoles reste à parfaire. On évalue à 750 marchés de non-droit, donc informels qui est une proportion non négligeable. -Comment expliquez-vous l'évolution des prix sur ce marché par rapport à la production ? Le marché national est dominé par un tissu d'intermédiaires et collecteurs concentrant une part importante de la marge sans apport de la valeur ajoutée. D'autre part, l'augmentation de la production générée par l'extension des surfaces et l'amélioration des rendements n'a pas eu d'effet escompté puisque les prix continuent toujours à grimper. La formation des prix chez nous ne suit pas toujours la règle économique en liaison avec le rapport offre-demande puisqu'il nous arrive d'observer une augmentation des prix alors qu'on affiche une production record. -On assiste ces dernières années à une importation massive de fruits, alors que la production nationale reste tout de même importante. Pourquoi cet engouement pour l'importation ? Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un tissu de production faible accompagné d'offre de produits peu diversifiée, d'où cet engouement pour l'importation. L'autre facteur influant est l'homogénéité et le calibre des produits importé, où la qualité-prix est respectée. Par contre, chez nous, le produit est hétérogène et ne reflète pas la qualité-prix, d'où un avantage pour le produit importé.