Constat n Le rapprochement entre les producteurs agricoles et les industriels de l'agroalimentaire, indispensable à l'économie nationale, peine à s'amorcer en dépit des bonnes volontés de tous les acteurs. Actuellement les deux secteurs sont complètement en déphasage. Faute d'une production agricole locale pouvant satisfaire la demande nationale en matière de produits alimentaires, les industriels du secteur se sont tournés vers l'importation. Ce qui représente pour l'Etat une facture de 5,25 milliards de dollars, représentant le coût des importations des produits alimentaires pour l'année en cours. «Les industriels trouvent que c'est plus facile d'importer ces produits de l'étranger que de les produire localement», a déclaré, hier, Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE) au terme d'une rencontre organisée avec le groupe de réflexion Filaha Innove à l'hôtel Hilton. «Il n'y aura pas de modernisation de l'agriculture si l'industrie alimentaire continue de lui tourner le dos», a estimé, pour sa part, le ministre dans son allocution d'ouverture. Le fossé qui sépare ces deux acteurs principaux s'explique, selon de nombreux chefs d'entreprises de cette filière, par une multitude de raisons. L'une d'elles est liée à la situation actuelle des agriculteurs caractérisée par leur dispersion et leur désorganisation. Ainsi, la plupart des acteurs en amont travaillent avec des méthodes traditionnelles dans des circuits courts et ne peuvent aller aux modes financiers modernes. De nombreux agriculteurs n'établissent pas une comptabilité pour leur gestion et ne possèdent pas des bilans fiscaux. «L'agriculteur est marginalisé, isolé et livré à lui-même», a fait remarquer M. Abdelatif du groupe de réflexion Filaha Innove. Ce qui complique davantage la démarche de rapprochement, c'est la réalité du circuit de distribution des produits agricoles. En effet, la commercialisation de la majeure partie de la production nationale agricole se fait à travers des circuits informels. Les marchés de gros et de proximité échappent dans leur quasi-totalité au contrôle de l'Etat. Un autre empêchement soulevé par les industriels est relatif à la qualité des produits agricoles. A ce sujet, un chef d'entreprise dira : «La pomme de terre produite localement ne peut être utilisée pour la production des produits alimentaires de transformation, on a besoin d'une autre variété.» Cependant, cette perspective de rapprochement n'est pas impossible surtout en ce qui concerne certains produits. «La production nationale de la tomate est de 70 000 tonnes, mais seules 17 000 tonnes ont été transformées en concentré, le reste est importé de Tunisie et de Chine. Il faut que cela cesse !», a déclaré Réda Hamiani. Le président de Filaha Innove, Amine Bensemmane, a estimé dans son intervention que l'Algérie, à l'instar des autres pays, a des capacités d'exportation des produits agricoles. Vers la fin des marchés informels ? Dans une perspective de régularisation et d'organisation des marchés des fruits et légumes dont près de 60% se réalisent à travers le circuit informel, l'Etat envisage de prendre des mesures pouvant déboucher sur l'éradication pure et simple de ces espaces. «Les mutations dont fait l'objet l'industrie agroalimentaire et les exigences du commerce moderne, vont pousser à l'émergence des grandes surfaces de commercialisation de produits agricoles et les grandes chaînes de distribution. Ce qui va entraîner la disparition des marchés informels de légumes et de fruits», a annoncé Mokrane Nouad, cadre et responsable au ministère de l'Agriculture et du Développement rural.