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Il en restera une balle et trois pierres
Voyage dans l'antre des drames de la cause arabe
Publié dans El Watan le 04 - 07 - 2006

Une balle comme souvenir est comme une balle dans le cœur. « C'est la dernière », semble dire la main qui nous tend le projectile de pistolet automatique 7,65 mm. La base de la balle est entourée d'un mince fil de fer pour en faire un pendentif. « C'était en 1982, lorsque nous avons été chassés de Beyrouth par l'armée israélienne, un jeune fidaî (combattant), me l'a offerte.
J'avais 19 ans et il était beau. Il m'a donné rendez-vous à Al Qods. Je ne l'ai plus jamais revu », raconte une amie palestinienne vivant en Egypte. Son père est de Ghaza, sa mère d'Alexandrie. Cela fait des années qu'elle ne porte plus la dernière balle autour de son cou. 1982 : le siège pendant 80 jours de Beyrouth, les bateaux emportant les combattants palestiniens vers les côtes égyptiennes avant de regagner Tunis, le vent marin jouant avec le légendaire keffieh de Arafat accoudé au rempart d'un navire regardant la capitale libanaise s'éloigner, le massacre de Sabra et Chatila, la guerre civile qui broie jusqu'aux âmes. « Mon collègue libanais qui vit à Beyrouth panique lorsque je dis à une personne tierce ‘‘On va manger dans le restaurant X ou Y'', il me gronde : ‘‘Pourquoi tu lui as dit où on sera dans une heure ?!'' Traumatisé par des années de guerre civile et d'attaques israéliennes, il vit en clandestinité, même en Norvège ou aux Etats-Unis », raconte l'amie palestinienne qui a passé une année en Algérie pour le travail de son époux. « A Alger, les portes s'ouvrent dès que je me déclare palestinienne, j'ai pu ainsi visiter des endroits interdits en général au public, comme la médina de Béjaïa », raconte-t-elle. Ce n'est certainement pas le cas partout. Dans tous les aéroports arabes, dès que l'agent de la police des frontières regarde l'intitulé de son passeport établi par l'Autorité palestinienne depuis les accords d'Oslo de 1993, la procédure de « vérification » se déclenche. « On nous demande de rester dans un coin pendant une heure ou deux, parfois une demi-heure. Au début, je pleurais automatiquement. Lorsque les lignes aériennes palestiniennes assuraient les vols entre Le Caire et Ghaza pendant leur courte existence, tous les passagers devaient subir la même procédure. Là je ne pleurais pas, je n'étais pas seule », dit-elle. Egyptienne de nationalité également, elle ne peut bénéficier d'un passeport de la République arabe d'Egypte. Juste un document lui ressemblant. En général, les réfugiés palestiniens au pays des pyramides disposent d'un laisser-passer, mais toute sortie du territoire ne leur garantit pas qu'ils pourront y retourner. Les habitants de la bande de Ghaza ont, jusqu'aux accords d'Oslo, bénéficié de ce laisser-passer. Mais là aussi leurs droits sont limités. Il y a d'ailleurs peu de Palestiniens en Egypte par rapport aux autres pays. Mahmoud est palestinien, marié à une Egyptienne depuis plus de dix ans, vit et travaille au Caire, mais ne peut se rendre à Ghaza pour voir son frère. Séparation qui dure depuis vingt ans. « En plus, je dois rester tranquille avec mon épouse, c'est notre mariage qui me garantit ma carte de résidence en Egypte. Cela tombe bien, c'est une femme formidable et Dieu merci », ironise-t-il en servant du café turc dans le bureau où il travaille comme appariteur à Garden City, au centre-ville du Caire. Sur les 3,6 millions de réfugiés palestiniens que compte le Proche-Orient, un tiers vit dans les camps, et plus de la moitié hors de Palestine, dont une majorité en Jordanie, premier pays d'accueil, selon l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Ghaza beach ressemble à Zéralda
Oups ! Sur le visa égyptien du passeport algérien (15 à 20 jours d'attente pour le récupérer une fois la demande introduite à l'ambassade d'Egypte à Alger, 24 heures pour les journalistes), on est prié de se déclarer à la police durant la première semaine de séjour. Délai dépassé de 24 heures. Au commissariat de Qasr Ennil, célèbre lieu d'exactions policières, on nous informe qu'on doit payer au niveau d'Al Mougamaâ (bloc administratif à l'architecture imposante) une amende de 26 livres égyptiennes, environ 4 euros ou 400 dinars algériens. Renseignement pris au Mougamaâ, les ressortissants algériens ne sont pas concernés par cette mesure de déclaration. Inutile de savoir pourquoi le cachet du visa le requiert. « Vive la nation arabe et la fraternité », lâche ironiquement l'amie palestinienne qui se remet à peine de l'appel de la veille. « J'ai couru tant que j'ai pu. Je suis tombé, je me suis relevée avec du sable dans les yeux. J'ai vu du sang et les autres enfants », lui a crié au téléphone hier soir sa demi-sœur de cinq ans qui était tout simplement à la plage jouer avec des copains. Mais la plage est à Ghaza et la marine israélienne l'a bombardée ce vendredi 9 juin tuant sept civils dont trois enfants. La gamine pleurait au téléphone et ne pensait plus à la fête d'anniversaire que ses parents s'apprêtait à organiser. Et pourtant, dans cette Ghaza qui, selon l'amie palestinienne, ressemble sous certains aspects aux plages de Zéralda, à l'ouest d'Alger, les parents ont effectivement organisé l'anniversaire de la petite fille. Un gâteau, des bougies, des chansons, des enfants qui s'amusent et le souhait de vivre cent ans face à des obus tirés de la mer, du ciel, du nord de Ghaza où les chars israéliens stationnent en attendant de mener des punitions collectives dénoncées par la communauté internationale. Sinon que faire ? Partir encore ? « Ecoutez, je l'ai acheté à Ramallah », dit l'amie en nous laissant deviner une chanson : des notes de guitare, une mélodie bien connue de notre côté. C'est Enrico Macias qui chante J'ai quitté mon pays. « Un parents à moi a dû quitter Ramallah pour Beyrouth, puis Le Caire, pour s'installer enfin à New York. Il adore cette chanson sans pour autant réellement comprendre son contexte algérien. Mais, ici, on a quitté nos maisons et notre soleil aussi », dit-elle alors que les étagères de sa cuisine affichent de l'huile d'olive et du zaâtar de Palestine : mélangez les deux avec un peu de crème fraîche ou du fromage blanc et goûtez avec du pain, îch, cuit au four.
Territoires préoccupés
« Peu de gens le reconnaissent et l'opinion n'y est pas encore préparée, mais je crois que la seule solution du conflit en Palestine est l'option de l'Etat unique », avance un ancien cadre de l'OLP, chassé enfant de Ghaza en 1948, puis de Beyrouth en 1982, déçu par Oslo, reconnaissant à Alger et reconverti dans les affaires, rencontré lors d'un dîner entre amis au centre-ville d'un Caire qui ne dort point. « Moi, je préconise la création du Parti national racial palestinien », ironise un jeune Palestinien qui se shoote aux chansons patriotiques de Marcel Khalifeh (qui vient de signer avec Virgin), de Fayrouz et de cheikh Imam dont les chansons contestataires sont encore interdites en Egypte. « Lorsque Anouar Sadate a signé les accords de Camp David en 1979 avec Israël, beaucoup de touristes israéliens ont visité l'Egypte par curiosité de voir le seul pays arabe vers lequel il était possible de voyager. Il s'agissait également de juifs d'origine égyptienne qui revenaient par nostalgie », raconte notre amie palestinienne. Au début des années 1980, un groupe de touristes israéliens est rentré au Felfela, un des meilleurs restaurants du centre-ville, à Hoda Shaârawi Street, et des étudiants égyptiens les ont reconnus. « Ils ne pouvaient pratiquement pas exprimer leur désapprobation ouvertement, mais ils voulaient faire quelque chose pour briser l'interdiction officielle de déranger ces touristes particuliers : ils leur ont montré leurs serviettes en papiers et les touristes israéliens ont tout simplement quitté le restaurant. Des croix gammées avaient été dessinées sur ces serviettes. Bien sûr, c'était ridicule comme comportement, mais les gens en avaient mare ! », raconte l'amie palestinienne. On se souvient du tapage médiatique l'an dernier autour du film de Adel Imam, Sifara fi îmara (une ambassade dans l'immeuble). Une satire autour du bouleversement que produit dans la vie des habitants d'un immeuble la présence de la représentation diplomatique de l'Etat hébreu. Lorsqu'on traverse vers l'île de Rodha, on aperçoit au dernier étage d'un immeuble un petit drapeau israélien signalant le siège de l'ambassade qui a été ouverte en février 1980, un an après les accords de paix de Camp David. « Nous étions alors une grande famille, et les Algériens étaient particulièrement présents, les Syriens aussi », se rappelle ce chauffeur de taxi, fier d'avoir été l'un des plus jeunes éléments des saîqa (tonnerre, troupes d'élite égyptiennes) lors de la guerre de trois semaines d'octobre 1973 (dite de Ramadhan ou du Kippour, jour du grand pardon chez les juifs) quand les troupes égyptiennes et syriennes, appuyées par des troupes arabes, notamment d'Algérie, lancent une offensive pour reconquérir les territoires occupés par Israël depuis 1967. Et pour la première fois, on utilisa l'arme du pétrole : la guerre et le blocus pétrolier ont débouché sur le premier « choc pétrolier » de l'histoire, avec une hausse brutale du prix du baril. « Aujourd'hui, chaque pays arabe a pris une direction, on ne s'aime plus comme avant... Regarde ce qui se passe lors des rencontres de football entre l'Algérie et l'Egypte, c'est malheureux », lâche-t-il alors que la circulation s'est complètement bloquée au niveau de l'Opéra du Caire. « Délégation officielle : c'est Abou Mazen qui est au Caire. Ce sont toujours les Palestiniens qui paient le plus lourd tribut », explique le chauffeur de taxi. On est le 17 juin et le président palestinien rencontre Hosni Moubarak autour de la question du blocus financier européen et américain depuis l'arrivée de Hamas au pouvoir. La circulation bruyante reprend. On a rendez-vous avec Maysoon, la fille de Adnane Pachachi, l'un des plus respectables hommes politiques irakiens. En 2004, Maysoon et Kasim Abid, documentaristes irakiens exilés en Angleterre, décident de lancer The Independent Film and Television College à Baghdad, une école de cinéma dans un pays occupé, livré à la violence quotidienne et aux déchirements religieux. Elle avait lancé la même initiative en Palestine. « C'était dur, très dur », dit-elle avec sa voix frêle. Pas de matériel, la pellicule de film était interdite sous l'embargo car soupçonnée de servir à des fins de production militaire, mais c'est surtout l'insécurité. « Quand un de mes 22 étudiants a dû payer une rançon pour libérer son oncle et sa femme, kidnappés, il a reçu, en échange de l'argent durement trouvé, deux cercueils », raconte-t-elle. Elle a réalisé un documentaire relatant son retour à Baghdad, Retour au pays des merveilles, et ne désespère pas de consolider son projet, créer un festival de cinéma à Baghdad. L'espoir. « A Timimoun, pendant l'Aïd, une femme m'a offert trois pierres en me demandant de les poser un jour en Palestine. Je les garde toujours », dit avec sourire l'amie palestinienne.


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