L'eau pourrait devenir, d'ici à 50 ans, un bien plus précieux que le pétrole. L'or bleu pourrait alors se transformer en pomme de discorde à l'échelle planétaire. Au XXIe siècle, l'eau sera la première cause des tensions internationales, affirment certains experts. Actuellement, les contentieux sur les ressources en eau sont nombreux dans le monde, notamment au Nord et au Sud de l'Afrique, au Proche-Orient et en Amérique centrale. L'Égypte, entièrement tributaire du Nil, doit néanmoins partager les ressources du fleuve avec dix autres Etats, notamment avec l'Ethiopie où le Nil bleu prend sa source, et avec le Soudan où le fleuve serpente avant de déboucher sur le territoire égyptien. L'Irak et la Syrie sont tous les deux à la merci de la Turquie, où les deux fleuves qui les alimentent, le Tigre et l'Euphrate, prennent leur source. Avec l'essor démographique et l'accroissement des besoins en eau, les problèmes risquent de se compliquer. Certains experts sont alarmistes pour le XXIe siècle. D'autres en revanche pensent que la gestion commune de l'eau pourrait être un facteur de pacification. Ils mettent en avant des exemples étonnants de coopération. L'Inde et le Pakistan, au plus fort de la guerre qui les opposait dans les années 1960, n'ont jamais interrompu le financement des travaux d'aménagement qu'ils menaient en commun sur le fleuve Indus. Au cours des cinquante dernières années, on ne s'est battu que 37 fois pour l'eau, dont 27 concernaient Israël et la Syrie, à propos du Jourdain et du Yarmouk. Durant les cinquante dernières années toujours, 1800 litiges sur l'eau ont été recensés, concernant les 261 bassins fluviaux existant dans le monde. Les deux tiers se sont réglés dans le cadre d'une coopération. Les incidents sérieux se sont limités à 80% à des menaces verbales de chefs d'Etat. Selon les experts, il serait stratégiquement absurde de se battre pour l'eau. On ne peut accroître ses réserves en faisant la guerre à son voisin. Sauf si l'on décide de s'emparer de toutes ses réserves en eau et de vider le territoire de ses habitants. Néanmoins, l'eau a déjà servi d'arme de guerre. Pendant la guerre du Golfe en 1991, l'Irak a détruit la plupart des usines de dessalement du Koweït et la coalition alliée a pris pour cible les infrastructures sanitaires et d'approvisionnement en eau de Baghdad. Mais il faut distinguer l'eau « arme de guerre » de l'eau « source de conflit ». Le géographe américain Aaron Wolf estime que les craintes d'une guerre de l'eau viennent des incertitudes de l'après-guerre froide. La question de la sécurité environnementale avait alors été envisagée, et la pénurie de ressource en eau considérée comme un enjeu stratégique. Mais, selon Aaron Wolf, les experts n'ont pas saisi la subtilité des tensions générées par l'or bleu. Wolf affirme que l'eau inciterait les Etats à coopérer. Le Tigre et l'Euphrate sont considérés comme une poudrière. La Turquie sans doute l'Etat le plus puissant de la région, pourrait consolider ses intérêts au détriment de l'Irak et de la Syrie... Or, en 1991, les pays occidentaux ont demandé à la Turquie de bloquer le cours de l'Euphrate vers l'Irak, et Ankara leur a répondu : « Vous pouvez utiliser notre espace aérien et nos bases pour bombarder l'Irak mais nous ne leur couperons pas l'eau ». La coopération contre la guerre de l'or bleu... Il faut y croire, car au XXIe siècle, l'eau vaudra cher, très cher... Et contrairement aux épices ou aux métaux précieux, on ne pourra jamais se priver de cette richesse.