Doit-on aller vers l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ? La question alimente depuis quelques mois le débat. Le feu vert obtenu par le ministre de l'Energie au cours du Conseil des ministres du 21 mai pour l'exploitation des hydrocarbures schisteux a relancé la polémique de plus belle, entre laudateurs qui ne voient nul autre remède au déclin inexorable des réserves en hydrocarbures que le développement des gisements non conventionnels et détracteurs qui préfèrent miser sur une palette de solutions pour assurer l'indépendance énergétique du pays entre amélioration des taux de récupération des gisements conventionnels et investissement dans des centrales nucléaires, en passant bien entendu par l'option du renouvelable. Le gouvernement ne semble pourtant pas renoncer à ses positions et mène une véritable offensive médiatique en faveur de l'option des hydrocarbures non conventionnels. Aussi bien le Premier ministre, que le ministre de l'Energie ont d'ailleurs multiplié les sorties, ces derniers jours, afin de délivrer un message, lequel, à force de matraquage, deviendra une évidence. Si l'option des gaz de schiste n'est pas immédiate, elle s'imposera à terme comme inévitable et même salvatrice pour l'économie du pays. Hier, c'était au tour du ministre des Ressources en eau de se joindre à ce concert de voix en faveur des hydrocarbures non conventionnels. Celui-ci a d'ailleurs appelé à un débat serein sur la question et a multiplié les arguments pour expliquer que l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ne nuira en aucune manière aux réservoirs aquifères. De son côté, l'Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH) a choisi une approche didactique afin de présenter les enjeux liés à l'exploitation des gaz de schiste. Un document intitulé «Hydrocarbures : évolution des techniques de développement», où il largement question des hydrocarbures non conventionnels, a été transmis aux rédactions pour information au profit des journalistes spécialisés. Un document somme toute destiné à compléter la formation dispensée au cours de cette semaine aux représentants des médias. Au-delà des définitions d'usage concernant les processus de formation et de migration des hydrocarbures, des différences entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, tight et shale compris, l'ARH s'efforce de mettre en lumière les enjeux des gaz et huiles de schiste. L'Agence, sous tutelle du ministère de l'Energie, met d'emblée en avant l'argument de l'indépendance énergétique, assise jusqu'à preuve du contraire, selon l'ARH, sur l'exploitation des hydrocarbures. Le document en question réfute les arguments des détracteurs des gaz de schiste concernant le renouvelable et le nucléaire, estimant la première trop chère et la seconde indisponible pour le moment. Prenant l'exemple des Etats-Unis, pays disposant de soleil et de technologie capable de développer le renouvelable et le nucléaire, les responsables du département de Youcef Yousfi indiquent que le pays de l'Oncle Sam n'a pas laissé pour autant ses ressources dormir dans le sous-sol. Risques environnementaux minimes L'ARH arrive donc à la conclusion suivante : si l'Algérie se doit de développer ses ressources conventionnelles, elle devra aussi «évaluer et tester le potentiel en hydrocarbures non conventionnels», un devoir d'anticipation, en somme. Car, explique l'ARH, les niveaux des besoins en gaz naturel du pays seraient de l'ordre de 45 milliards de mètres cubes en 2020 et 55 milliards de mètres cubes en 2030, auxquels il faudra ajouter les volumes dédiés à l'export et dont «le revenus contribue au financement du développement économique du pays», autrement dit la rente. L'ARH tente également de s'attaquer aux «idées reçues» en ce qui concerne les risques liés à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Celle-ci présente de facto l'argument des différences liées aux contextes géographique, démographique et géologique entre l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Algérie. Et de préciser que dans le cas de l'Algérie, le rapport entre la distance qui sépare les nappes aquifères et phréatiques des roches mères abritant les hydrocarbures non conventionnels et la taille des fracturations «est insignifiant, pour ne pas dire nul». L'Autorité se penche aussi sur l'argument lié à l'utilisation d'une multitude de produits chimiques dans le processus de fracturation hydraulique nécessaire à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, elle explique que si, aux Etats-Unis, il est arrivé par le passé d'utiliser plus de 700 adjuvants chimiques, aujourd'hui on n'en utilise plus qu'une douzaine, lesquels ne représentent plus que 0,5% du liquide de fracturation composé en grande majorité d'eau, récupérée à hauteur de 80%, rappelle encore l'ARH. L'Agence sous tutelle du département de l'Energie, qui met en avant l'importance des gaz de schistes dans un contexte où le marché gazier connaît d'importants bouleversements, souligne le fait que de nombreux pays, à l'image des USA, entrent dans la course aux hydrocarbures schisteux comme le Canada, la Russie, l'Arabie Saoudite, la Chine, l'Inde et l'Australie, ainsi que de nombreux pays d'Europe à l'image du Royaume-Uni, de la Pologne, la Hongrie, l'Autriche et même l'Allemagne et la Suède. La messe est donc dite. L'ARH se permet d'ailleurs de présenter des compagnies impliquées ou même passées leader dans l'extraction des hydrocarbures non conventionnels. Entres les juniors à l'image de Talisman Energy et Devon Energy et les majors à l'image de ConocoPhillips, Exxon Mobil, Chevron, Total, ENI, ou GDF Suez, ce sont autant de partenaires potentiels pour Sonatrach.