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De Curitiba à Rio
Brésil : Littérature, football et favelas
Publié dans El Watan le 14 - 06 - 2014

Il y a des régions du monde où les arbres donnent leurs noms à un pays ou à des villes. C'est le cas du Brésil qui doit le sien à un bois couleur de braise. Celui de Curitiba, troisième ville du Brésil après Sào-Paulo et Rio de Janeiro, vient des pins qui l'entourent. Située dans le sud, cette capitale de l'Etat du Paranà est la plus froide du pays.
La mer n'est pas loin, l'Argentine non plus. Comme nation voisine, elle est un peu l'ennemi intime. L'un de ses enfants, Jorge Mario Bergolio, est devenu, sous le nom du Pape François, le chef de l'Eglise catholique. Qu'à cela ne tienne, les Brésiliens, qui habitent une terre-continent baptisée à sa fondation, en 1567, Sainte-Croix, répliquent, non sans fierté, que si le pape est Argentin, Dieu, lui, est Brésilien. Ce qui n'est pas rien.
Dans ce pays où les croyances locales et celles venues d'Afrique ou du Vieux Continent se mêlent et se heurtent parfois, l'église évangélique semble avoir le vent en poupe. Le spiritisme rencontre aussi un grand succès. Cette doctrine a été créée, dans la moitié du XIXe siècle, par un pédagogue d'origine française, Léon Rivail, alias Allan Kardec. Bien qu'il ait moins vendu de livres que Paulo Coelho, Kardec est l'auteur notamment de deux ouvrages écoulés à des millions d'exemplaires : Le Livre des Esprits et Le Livre des médiums, deux sortes de bible abondamment lues et commentées par ses très nombreux adeptes. Des rues, des écoles, des centres spirites arborent son patronyme. De même que des timbres à son effigie.
Moderne et maîtrisant son développement, Curitiba, avec ses 1,8 million d'habitants, a la réputation d'être calme et disciplinée. Les files d'attente le prouvent : elles s'allongent tranquillement devant les arrêts de bus dont certains, en forme de tubes, sont dotés de portes vitrées, d'un parquet en bois et de tourniquets. Tout le monde s'accorde à dire aussi qu'elle est plus sûre et plus vivable que Rio de Janeiro où, depuis 2008, des opérations de pacification sont menées par la police et l'armée. A Curitiba, les attractions ne manquent pas, comme le Jardin botanique ou le Musée du design et des arts visuels dédié au grand architecte Oscar Niemeyer qui conçut, au début des années 1970, les universités de Constantine et de Bab Ezzouar. Curitiba a vu aussi naître, en 1912, la première université fédérale du Brésil. Immense et blanche, dotée de grands escaliers, de colonnes et de dizaines de fenêtres en arc-en-ciel, elle se dresse près de l'avenue du 15 novembre, jour de la proclamation, en 1889, de la première République.
Au milieu de cette artère très animée, un ancien wagon de train a été transformé en petite bibliothèque de prêt. La ville a aussi ses écrivains, comme Rogério Pereira. Né à Galvào, dans l'Etat de Santa Catarina, ce jeune directeur de la Bibliothèque publique du Paraná participera cette année, à Alger, à la 7e édition du FELIV. Il est aussi coordinateur du plan régional Livre, Lecture et Littérature. Un triptyque qui est celui de la FLUPP, la Fête Littéraire des Périphéries —qui nous a invités, lui et moi, à évoquer nos parcours respectifs et les thèmes que nous traitons. La rencontre s'était déroulée, fin avril, dans une favela— nom de l'arbuste autour duquel les quartiers pauvres se sont construits. Des conférences d'universitaires et de spécialistes de la société, de l'histoire, de la culture et de l'art brésiliens, étaient programmées. Les œuvres de quatre grands penseurs de la «brésilianité», Mario de Andrade, Sérgio Buarque de Holanda, Darcy Ribeiro et Gilberto Freyre, ont été également évoquées.
Financée par des dons privés, par des entreprises et avec la collaboration notamment de l'Institut Français, la FLUPP, dont la première édition a eu lieu à Rio en 2012, concentre ses efforts sur les zones défavorisées. Selon ses deux animateurs, les écrivains Julio
Ludemir et Ecio Salles, elle vise, en réunissant des auteurs locaux et étrangers, à «débattre, expérimenter, produire et amplifier le pouvoir des mots et de la lecture». L'association développe aussi un ensemble d'actions pour la jeunesse à travers un cycle de formation qui, touche les scolaires. Rencontres avec les auteurs, ateliers tous publics d'écriture et de lecture, mise en valeur des apports indigènes et africains dans la société brésilienne et publication d'ouvrages réunissant les écrits des participants, constituent les axes essentiels de cet important événement littéraire. Cette année, il a été élargi aux villes de Salvador de Bahia et de São Paulo.
Pour Rogério Pereira, qui soutiendra, avec son fils Lorenzo, l'Algérie pour son premier match contre la Russie, la littérature brésilienne contemporaine a une caractéristique urbaine très forte. Les nouveaux auteurs cherchent à la dépeindre en réfléchissant notamment sur la place de l'homme, de l'individu dans la société et dans le monde à travers, parfois, des récits tournés vers ce qui se passe hors du Brésil. Ce qui importe pour lui, c'est la diversité des voix et des thématiques de cette littérature déjà forte des œuvres, entre autres, de Joaquim Machado de Assis, d'Euclides da Cunha, João Guimarães Rosa, Clarice Lispector ou Jorge Amado. Des écrivains et des poètes issus de différents milieux sociaux et qui racontent aussi l'histoire de la quête de l'identité brésilienne plurielle. Pour ce chroniqueur, romancier et nouvelliste édité en Allemagne et en France, deux auteurs brésiliens, Graciliano Ramos et Raduan Nassar et deux Nobel, l'Allemande Herta Müller et le poète irlandais Seamus Heaney, font partie de son panthéon littéraire.
A un mois du début de la 20e édition du Mondial, le stade Joaquim Americo de Curitiba —plus connu sous le nom de Baixada Arena et où les Verts affronteront, le 26 juin, les Russes— n'était pas prêt. C'est le cas aussi pour celui de São Paulo qui devait, quatre jours plus tôt, abriter leur match avec la Corée du Sud. Ces retards, qui ont touché les douze stades de la compétition, sont dus notamment aux arrêts de travail ayant suivi la mort accidentelle d'ouvriers et des manifestations de syndicats et d'associations qui dénoncent les dépenses —plus de 11 milliards de dollars— engendrées par ce rendez-vous planétaire. Ils redoutent aussi celles prévues pour les Jeux olympiques de 2016. Des dépenses qu'on estime plus utiles à des secteurs sensibles comme la santé, l'éducation ou le logement.
Pour protester contre l'augmentation du prix du ticket de bus, des manifestants ont occupé la gare centrale. D'autres ont brandi des photos du roi Pelé avec cette légende : «Traître du siècle». Ils l'accusent d'être le complice des puissances de l'argent, de la FIFA, des sponsors et autres équipementiers. Les loyers, les charges, le prix des chambres d'hôtels et de certains produits de consommation ont augmenté de 30 pour cent. Sur les célèbres plages d'Ipanema et de Copacabana, où sont alignées les effigies en forme d'ours représentant plusieurs pays, les vacanciers préfèrent ramener leurs provisions de bouche dans une glacière et même leurs serviettes et maillots de bain pour éviter de les acheter sur la plage. Longue de trente-six kilomètres, cette dernière aligne ses terrains de beach-volley et de beach-soccer, le football sur sable pratiqué avec des équipes de joueurs habitant la même rue ou le même quartier. Avec un salaire mensuel moyen de 230 euros et une population de 200 millions d'habitants, le Brésil est devenu la septième puissance économique mondiale.
Après vingt ans de dictature militaire, il n'a renoué avec la démocratie qu'à partir de janvier 1995 avec les présidences de Fernando Henrique Cardoso du centre gauche (PSDB) puis de Lula Da Silva (Parti des Travailleurs). Avec sa baie de Guanabara qui fut son premier berceau, son Corcovado avec son Christ géant au corps en pierre, ses morros, ses collines, son Pain de Sucre, son carnaval, ses gratte-ciel et ses trottoirs bicolores, Rio de Janeiro est surnommée la Citade Maravilhosa, la Cité Merveilleuse. Appelée à recevoir trois millions de visiteurs pour le Mondial, elle grouille de taxis jaunes. Comme à Alger ou à 0ran, converser avec le chauffeur est une pratique courante. J'en ai eu la preuve dans le quartier résidentiel de Botafogo dont le club est, avec les trois équipes locales, Flamengo Fluminense et Vasco de Gama, l'un des prestigieux du pays. Avec Marion Loire, responsable du Bureau du Livre et des Médiathèques qui m'a servi de guide et d'interprète, nous avons voulu prendre le métro à Cinelàndia, une des stations de l'unique ligne prise, ce jour-là, d'assaut.
En raison du peu de caisses automatiques, les queues devant les guichets étaient longues, particulièrement à cette heure de sortie des bureaux. Nous avons alors décidé de nous rabattre sur un taxi qui fut, à Botafago, englué dans un embouteillage dû à des manifestations. Peau brune et cheveux couleur de neige, le chauffeur me confie qu'il connait les informations avant qu'on ne les apprenne à la télévision. Pour ce fan de Cristiano Ronaldo, le Ballon d'or Portugais, un éventuel match du Brésil contre l'Argentine risque d'être explosif tant les enjeux politiques et sécuritaires sont importants.
Au Patio, restaurant situé à l'intérieur du vwieil hôpital de Rio avec ses jardins à l'ancienne, son architecture coloniale et dont le directeur de la morgue a été dernièrement arrêté pour trafic de tombes, la nourriture est vendue au poids.
C'est le cas de la plupart des self-services du pays. La viande de poulet est très appréciée et on consomme beaucoup d'eau gazeuse et de bière ; le bon vin vient, lui, du Chili ou… d'Argentine. Grâce à une tradition remontant au début du siècle dernier, le Brésil est l'un des pays les plus musicaux du monde avec de grands compositeurs et interprètes comme Heitor Villa-Lobos, Baden Powell ou le carioca Carlos Jobim. Dans une interview à la presse, Caetano Veloso, superstar, avec Gilberto Gil, de la musique populaire, estime que les nouveaux genres, comme le funk de Bahia, sont très créatifs. Leurs œuvres, enregistrées dans les favelas comme celles de la Mangueira ou de Vigario Geral qui ont accueilli la FLUPP, sont beaucoup écoutées sur Internet et à la radio. Selon lui, la samba est immortelle, alors que la salsa, le tango et le reggae ont pris un coup de vieux.
L'une des représentantes de la chanson brésilienne, la comédienne et auteur-compositeur, Monica Passos, donnera, au FELIV d'Alger, un concert. Chaque soir, sur la chaîne Globo, des télénovelas, diffusés aussi dans certains pays francophones, sont assidûment suivies. Après Passions mortelles, Sauvée par l'amour, Au cœur du péché ou Secrets de famille, c'est Avenida Brasil qui séduit actuellement plus de 40 millions de téléspectateurs. Les lecteurs de journaux et magazines à sensation ont aussi vibré pour une histoire vraie, celle de Elsany da Cruz, la fille la plus grande du monde avec 2, 06 m à 17 ans et qui vit à Bragança, une ville du nord. Ils sont passionnés par sa relation avec son fiancé Francinaldo, gentil garçon à la taille plus petite qu'elle.
Si, au Brésil, pays le plus vaste et le plus peuplé d'Amérique du Sud –presque quatre fois plus grand que l'Algérie – l'infrastructure routière est, par endroits, insuffisante, les artères et les trottoirs des villes sont généralement larges et bien entretenus. Ce qui n'est pas le cas pour les mille favelas de Rio peuplées de deux millions d'habitants et qui côtoient les quartiers résidentiels. Un mur invisible, et d'abord celui de l'argent, les séparent. Ruelles étroites, éclairage aléatoire, topographie difficile et forêts à la lisière des maisons de bric et de broc, ne facilitent pas la lutte de la police et de l'armée contre les gangs de narcotrafiquants qui y ont élu domicile. Certains pompiers et des représentants de l'ordre, actifs ou à la retraite, sont soupçonnés de pratiquer le racket. Sur ces territoires de non-droit, une zone réputée plus dangereuse a été surnommée la Bande de Gaza.
Dans cette terre-continent où la nature est omniprésente, la pollution est un autre fléau qui continue de grignoter Rio qui avait, en 1992 et 2012, accueilli les Sommets sur l'environnement organisés par l'Onu. Dans l'avion du retour, en pensant à ce que m'avait dit le chauffeur de taxi quant à l'éventuel match entre son pays et l'Argentine, je me suis souvenu de la rencontre Brésil-Algérie, le jeudi 17 juin 1965, au stade municipal d'Oran, devant 60 000 spectateurs. Pour ce match de préparation pour la Coupe du monde organisée, en 1966, en Angleterre, la Selaçao était arrivée, la veille, d'Alger par train spécial, avec ses grandes vedettes, Pelé, Gerson, Altaïr, Flavio et Garrincha. L'Algérie alignait des anciens de l'équipe du FLN, Defnoun, Soukane, Melaksou, Zitouni et Mekhloufi. Le match, arbitré par l'Espagnol Antonio Piaz, avait été naturellement gagné par les Brésiliens (3 à 0). Ce soir-là, la tribune officielle, où se trouvait le président Ahmed Ben Bella, fut bombardée de briques de lait à la fraise que venait de commercialiser la Centrale laitière d'Oran (CLO). Deux jours plus tard, le 19 juin, l'ancien footballeur Ben Bella était renversé par son ministre de la Défense, Houari Boumediène.


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