Décidément les Algériens morts lors de deux conflits guerriers du XXe siècle ne reposeront jamais en paix dans l'inconscient français. Il y a toujours les extrémistes de droite qui attisent des flammes sur la mémoire de ces déracinés des colonies, emportés malgré eux dans la tourmente des Première et Seconde Guerres mondiales. On se souvient du film Indigènes, de Rachid Bouchareb, chahuté lors de son passage à Cannes en 2006, ou encore la présence du président Bouteflika à Paris, le 14 juillet 2008. Dernier événement en date, l'invitation à Paris de représentants de l'ANP, le jour du 14 juillet, jour de la fête nationale française, non pour défiler mais pour être présents sur la place de la Concorde, en gage du souvenir de l'implication de leurs aînés dans l'histoire française, bien malgré eux. En cette année du 70e anniversaire de la libération de la France en 1944 et du 100e anniversaire de la Guerre de 1914-18, le gouvernement français voulait simplement rendre hommage aux hommes venus des colonies pour un combat qui les regardait peu. 80 pays ont ainsi été conviés, selon le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, Kader Arif. En mai dernier, il disait, dans un entretien au journal Le Monde, «la France se doit d'être reconnaissante à l'égard de ces hommes, parfois de ces femmes, qui sont venus des colonies se battre pour elle (…) La France a parfois recruté ces hommes contre leur gré, par la force. La France se doit de le rappeler aussi». Pour Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, cette présence des Algériens est «une preuve que nous sommes rentrés dans une phase pacifiée avec l'Algérie». A la tête de la bronca politique pour qui le nom «Algérie» donne le tournis raciste, on trouve le Front national, parti qui prétend pouvoir gouverner la France et qui a obtenu 25% des suffrages aux européennes de mai dernier. Le parti de la famille Le Pen appelle à la création d'un collectif du «Non au défilé des troupes algériennes le 14 juillet 2014» «afin d'organiser la contestation face à cette infamie». On ne fera pas de la publicité à leurs arguments, comme en 1962, ce sont les mêmes thèmes infâmants qui disqualifient le droit qu'ont eu les Algériens à se battre avec les armes qui étaient les leurs pour faire valoir le droit à l'existence de leur pays. Citons seulement le responsable pied-noir Hervé Cuesta, président national du collectif «Non au 19 mars 1962» : «Trois militaires c'est déjà trop, car il y aura leur drapeau.» «Ces gens présents au défilé sont des ennemis de la France.» Sans entrer dans la polémique des revanchards, le secrétariat d'Etat rappelle qu'«il ne faut pas mélanger les conflits, il ne s'agit pas de la guerre d'Algérie». «173 000 combattants qui habitaient l'Algérie sans distinction de confession sont venus combattre (pendant la guerre 14-18), 23 000 ont été tués.» On peut heureusement souligner que malgré tout, plusieurs mouvements harkis ont manifesté leur opposition au collectif du «non», relayés par Le Parisien. Pour Mohamed Otsmani, délégué de la Liaison nationale des harkis pour la région PACA, «c'est une grande fierté que les Algériens défilent le 14 juillet, pour la France et pour les harkis (...), on est dans un souci d'apaisement entre la France et l'Algérie». Pour la présidente de l'Association harkis et droits de l'homme, Fatima Besnaci-Lancou, «les deux pays doivent travailler ensemble».