Le représentant du Ministère public a affirmé que sa tutelle ne serait pas "colérique" si l'on requalifiait le grief de banqueroute en "abus de confiance". L'ancien homme d'affaires algérien Abdelmoumène Rafik Khelifa, poursuivi avec neuf autres prévenus pour notamment "banqueroute" et "détournement de fonds", a été accablé lundi par le Tribunal correctionnel de Nanterre qui l'a qualifié de "commandant ayant abandonné son navire". Dans leurs plaidoiries, des représentants des parties civiles constituées dans ce procès, ouvert le 2 juin en l'absence du principal accusé, ont évoqué des préjudices financiers "immenses" causés par la gestion "irrationnelle" de l'ancien milliardaire, notamment à Khalifa Banque, avec un passif de 565 millions d'euros auprès de ses créanciers en France. Pour Khalifa airways, jugée comme l'entité la "plus embêtée", les passifs seraient de 632 millions d'euros, dont le créancier principal serait encore une fois la Banque Khalifa. A cet effet, la représentante de la partie civile, a réclamé une réparation de ce qu'elle a qualifié de préjudice matériel "immense", estimé à 18 millions d'euros. "Sur ce chapitre, la responsabilité de Rafik Khelifa est entière. Un commandant ne quitte pas un navire qui coule", a-t-elle plaidé, estimant que ses collaborateurs ont profité de ce personnage pour satisfaire des "intérêts personnels". La représentante de Khalifa Banque a fait part, de son côté, d'acquisitions "anormales et pénalement répréhensibles" de biens en France au nom du Groupe mis en cause, citant la villa Bagatelle (Cannes), acquise à plus de 34 millions d'euros et revendue quelques mois après à presque la moitié de son prix. Elle a accablé le notaire M. Lembo (prévenu) et Auté-Leroy pour les commissions jugées exorbitantes (plus d'un million d'euros chacun) engrangées dans cette transaction. Dans son réquisitoire, le représentant du Ministère public a, lui, affirmé que sa tutelle ne serait pas "colérique" si l'on requalifiait le grief de banqueroute en "abus de confiance", car s'agissant du traitement d'une entité de droit étranger dont le protagoniste a eu des comportements "largement irrationnels", selon lui. Pour l'intervenant, il serait "excessif" de demander une comptabilité complète et à jour d'une entité de droit étranger d'autant plus, a-t-il soutenu, cette comptabilité, tenue en France par Amine Chachoua (prévenu, présent à l'audience), "n'avait pas disparu, mais envoyée en Algérie". Il a ajouté qu'"il n'y a aucun document pour étayer la thèse de disparition de cette comptabilité, dont l'ordonnateur est encore une fois Rafik Khelifa", incarcéré depuis décembre dernier en Algérie suite à son extradition par la Grande Bretagne. Lors de leur passage à la barre, des prévenus ont déclaré avoir agi sur "seule instruction" de Rafik Khelifa, et que les biens (notamment de luxueux appartements) dont ils avaient bénéficié à Paris étaient pour "récompenser leur loyaux services" au sein du Groupe. Abdelmoumène Rafik Khelifa est détenu depuis cinq mois en Algérie après que Londres, où il s'était réfugié, ait permis son extradition. Il avait été condamné en 2007 par contumace à la prison à vie par le Tribunal de Blida pour "association de malfaiteurs, escroquerie, faux", après la faillite de son groupe.