Plus de 630 tonnes de pesticides dangereux ont disparu des stocks dans différentes régions d'Algérie. L'alerte a été donnée par l'Association nationale pour la protection de l'environnement et de lutte contre la pollution (APEP). Depuis mars 2004, cette dernière n'a pas cessé d'interpeller les pouvoirs publics sur cette disparition dont les conséquences seraient irrémédiables sur la santé humaine, l'environnement, la faune et la flore. Des inventaires nationaux sur les produits organiques persistants (POP's), établis par le ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire avec l'appui technique de l'Organisation des Nations unies pour le développement (PNUD), ont permis de détecter la disparition de cette importante quantité en pesticides, PCB, POP's et dioxines/furannes. Plusieurs membres de l'APEP considèrent comme minimes les 630 tonnes disparues entre 1995 à 2003 sur les 377 000 tonnes importées ces vingt dernières années pour les besoins de l'agriculture nationale. Cet écart n'a pas manqué d'intriguer les experts de l'environnement. Selon M. Halimi, président de l'APEP, ces experts auraient avancé trois hypothèses sur la question. Les chiffres avancés par les wilayas concernées par l'inventaire de 2003 sont imprécis, ce qui serait un moindre mal. Les 631 tonnes auraient été utilisées dans un cadre autre que légal avec ce que cela sous-entend comme infraction aux normes de stockage, ce qui serait d'une extrême gravité sur la santé des populations. Stocks périmés Des stocks périmés ont été jetés dans la nature sans que les conséquences d'une pareille opération aient été prises en considération, ce qui est gravissime. « Lors de la réunion que nous avons tenue il y a quelques mois avec le ministre, des experts et des directeurs centraux, cette question d'écart entre les deux inventaires avait été abordée par notre association. Toutefois, si cet écart, physiquement introuvable, vient à être confirmé, nous pouvons affirmer qu'il y va à moyen terme de la santé des populations des régions concernées par la disparition de ces pesticides de même que l'augmentation du nombre de sites contaminés. Le ministre, dont nous saluons les efforts pour mettre notre pays en conformité avec les conventions internationales, s'est engagé à prendre en charge ce dossier », a indiqué le président de l'APEP. Outre la multiplication des initiatives à l'échelle nationale et internationale, la volonté des pouvoirs publics de prendre sérieusement en charge ce dossier est reflétée dans la visite qu'effectueront, du 12 au 15 septembre et du 3 au 5 octobre prochain, deux délégations d'experts français en environnement. Cette visite porte sur une assistance technique de ces experts à leurs homologues algériens. Elle entre dans le cadre de la coopération algéro-française dans le traitement des déchets solides, de l'eau et de l'assainissement. L'épineux dossier de la gestion d'importants stocks de produits organiques persistants et non persistants en souffrance dans différentes régions du pays sera également abordé par les deux parties. Ces stocks sont à l'origine de la contamination de 145 sites sur le territoire national. A cela s'ajoute l'existence de 2362 tonnes des mêmes produits périmés et dont 197,3 tonnes entrent dans la catégorie des POP's. 191 tonnes sont constituées par les DTT. Mosta en tête Plusieurs régions du pays sont concernées par ce qui pourrait se transformer en catastrophe. Avec 180 tonnes, Mostaganem se classe en tête de liste des wilayas les plus atteintes. Elle est suivie de Chlef, Tizi Ouzou, Alger, Sidi Bel Abbès, Mascara, Tipaza et Aïn Témouchent. Interrogé sur le sort de ces stocks, M. Halimi a affirmé qu'ils ont sensiblement baissé au regard des chiffres avancés par les inventaires établis en 2003. « Pour ce qui est du cadastre, 145 sites contaminés par les POP's ont été recensés à travers le pays. La moitié de ces sites est concentrée dans la région du Centre. Celle-ci comptabilise à elle seule 67 sites renfermant plus de 280 tonnes. Le reste est partagé entre les régions est-sud-est et ouest-sud-ouest avec respectivement 51 et 27 sites. La wilaya de Laghouat est la plus touchée avec 317 tonnes, soit 77% du total des terres contaminées », a indiqué M. Halimi. Quelles sont les mesures prises par les pouvoirs publics pour remédier à cette situation et quels sont les organismes à même d'intervenir efficacement ? A ces deux questions, le président de l'APEP a déclaré : « Un plan national de prise en charge des POP's a été mis en œuvre par le ministère de l'Environnement. Des organismes et institutions internationaux sollicités sont prêts à débloquer à partir de 2005 les financements nécessaires et à apporter leurs aides techniques et leur savoir-faire en matière d'élimination et de traitement. Dans son plan d'action, le ministère de l'Environnement a classé la wilaya de Laghouat en tête des urgences, car la santé de ses populations est sérieusement menacée. » C'est dire toute l'importance de l'alerte donnée par l'APEP et de la décision des autorités algériennes de suspendre à partir de 1993 toute importation de pesticides du fait de l'absence de toute régulation et de l'anarchie sévissant sur le marché. « L'Algérie s'est engagée dans une démarche écologique durable. C'est dans ce cadre que tout un arsenal juridique a été élaboré et prêt à être appliqué pour le mettre en conformité avec les engagements de notre pays et les conventions internationales auxquelles il a adhéré. La loi 01-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets en est un exemple. Je dois cependant préciser qu'il existe encore des imperfections telle celle liée à la gestion des sites contaminés, que le législateur semble avoir éludée », a estimé le président de l'APEP.