Les représentants des familles qui comptent 250 personnes parlent de véritables intimidations de la part des présumés propriétaires des lieux. Le 28 mai dernier, c'est la famille de Bouchelaghem Sebti qui a reçu la visite d'un huissier de justice accompagné de deux agents de sécurité en civil. Sans trop de détails, la femme et les enfants de M.Sebti ont été délogés par la force sans avoir vu notifier la décision de justice. Le portail de la maison a été scellé en l'absence du premier concerné. Depuis, toute la famille vit dans la rue. Elle sera finalement hébergée chez des voisins par solidarité. Bouchelaghem Sebti, un vieil homme pas trop bavard, toujours sous le choc, ne comprend toujours pas ce qui vient d'arriver à sa famille d'autant plus qu'il attendait une convocation pour se présenter devant le tribunal, après un recours introduit auprès de la Cour suprême. Les habitants qui occupent ces maisons dans l'ex-briqueterie Lafarge doutent toujours des démarches des prétendus propriétaires et ont même sollicité les services de la wilaya de Constantine pour diligenter une enquête approfondie du droit à la propriété sur la forme et le fond et des différents documents utilisés au niveau des tribunaux par un particulier à leur encontre. Les faits remontent en 2002 lorsque, à leur grand étonnement, les résidants ont été sommés de quitter leurs domiciles par des mises en demeures individuelles adressées par des personnes qui prétendent, selon leurs propos, être les propriétaires des lieux, pour les poursuivre ensuite en justice. Les habitants, qui occupent ces maisons depuis trois générations, affirment, documents à l'appui, que les logements leur ont été attribués par des sociétés françaises durant l'époque coloniale à la zone industrielle où leurs parents travaillaient comme ouvriers à la briqueterie Lafarge depuis 1956. « Après la fermeture de l'usine en juin 1962, nos parents ont assuré le gardiennage et attendaient l'intervention de l'Etat algérien jusqu'en 1968. Durant cette année, la briqueterie avait repris ses activités après son acquisition par un particulier qui n'est autre qu'un ancien employé de l'Algérie Matériaux, ex-Almat, l'entreprise qui a succédé à l'usine Lafarge de 1956 à 1962. » Les multiples recherches effectuées auprès des administrations et des domaines ont révélé une transcription de l'achat de la propriété introduite auprès des domaines en date du 11/3/1968, or l'ordonnance n°66-102 du 06/05/1966 stipule la dévolution à l'Etat des biens vacants. Le plus étrange demeure le fait que l'entreprise Almat, qui a succédé à Lafarge entre 1956 et 1962, a été inscrite au registre du commerce n° 85B à Constantine et a cessé toute activité en juin 1962 et aucun transfert de sa direction n'a eu lieu. Après les familles de Bouchelaghem Sebti, Khemissi, Zedane et Amri, d'autres ayant reçu des convocations pour se présenter devant le tribunal de Constantine risquent de connaître le même sort arbitraire. Les concernés soutiennent qu'ils occupent légalement les lieux depuis au moins une cinquantaine d'années. Ils ne sont ni des indus occupants ni des squatters. Faisant toujours confiance à la justice de leur pays, 20 familles menacées d'expulsion espèrent une régularisation de leur situation et attendent toujours une réponse à leurs multiples requêtes adressées au wali de Constantine.