L'été qui pointe son nez avec ses pics de chaleur est par excellence la période des grands bénéfices pour les producteurs de boissons rafraîchissantes. Eaux minérales, eaux de source, sodas, eaux fruitées, jus de fruits et boissons lactées sont fortement demandées sur le marché national durant ce troisième trimestre de l'année. Le mois du Ramadhan ne fera que booster, comme c'est le cas chaque année, la vente de toutes ces boissons eu égard aux habitudes alimentaires des Algériens pendant ce mois sacré. L'accent est mis à travers les différents points de vente sur l'exposition des produits et sur les prix «promotionnels». Une manière d'attirer l'attention des consommateurs. En effet, les rayons des commerces d'alimentation générale, des supérettes et des grandes surfaces ne désemplissent pas de jus et autres boissons rafraîchissantes. Une panoplie de marques (près de 300 au total entre le produit importé et celui fabriqué localement) est proposée aux consommateurs. Ce qui illustre l'essor qu'a connu cette filière au cours de ces dernières années. La production a en fait suivi la tendance haussière de la consommation, notamment en eaux embouteillées. A titre d'exemple, ils sont de plus en plus nombreux les ménages à ne plus se passer de leur pack d'eau. Les eaux embouteillées font désormais partie de la liste des courses des familles, alors que dans le passé ces eaux étaient essentiellement destinées aux malades, aux personnes âgées ou aux enfants en bas âge. Même les jus et les sodas se sont imposés dans les habitudes alimentaires algériennes. Cependant, si certains producteurs ont réussi à fidéliser le consommateur via les stratégies adoptées en termes de production, de marketing et de rapport qualité/ prix, une autre catégorie d'industriels n'arrive toujours pas à se frayer une place dans un marché de plus en plus concurrentiel. Mais aussi devant des consommateurs à la recherche de qualité dans une filière où les pratiques véreuses ont la peau dure. Qu'en est-il justement du développement de cette filière en Algérie ? D'emblée, il y a lieu de noter que la filière reste porteuse. C'est un créneau juteux pour les investisseurs avec une rentabilité beaucoup plus importante chez les entreprises de production de sodas et eaux minérales par rapport à celles produisant les jus et les bières. C'est ce que relève une étude réalisée dans le cadre du programme d'appui aux PME/PMI (PME II) en collaboration avec l'Association des producteurs algériens des boissons (APAB). Aussi, la contribution de la filière boissons à la production des industries agro-alimentaires (IAA) est en croissance continue. Elle est en moyenne de l'ordre 14% par an, soit beaucoup plus élevée que celles des IAA (7,1%). Globalement, les boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA) dominent la production et la valeur ajoutée de l'industrie avec des volumes respectifs de 91% et 93%. Le marché algérien des BRSA se positionne sur le même rythme de croissance que ceux du Maroc et de la Tunisie. Les pratiques véreuses persistent Sur le plan qualitatif, de grands pas ont été franchis mais beaucoup reste à faire de l'aveu du président de l'Association des producteurs algériens de boissons (APAB), Ali Hamani. «La qualité a beaucoup évolué. Pour preuve, nous avons des produits qui sont exportés», nous dira-t-il. Pour quel montant ? 34 millions de dollars en 2013, selon la même source qui relèvera cependant des fermetures d'unités de production au cours de ces dernières années, sans toutefois donner des détails. Il précisera juste qu'en 2013 il y a eu beaucoup plus de PV (procès- verbaux). «Je préfère ne pas donner de chiffres au sujet des producteurs véreux. La sensibilisation sur la qualité est un travail de longue haleine.» Un travail à assurer par l'ensemble des acteurs de la filière pour réussir à mettre en place les bases solides pour cette filière où les spécificités changent d'une entreprise à une autre. Mais où le respect des normes de production s'impose, surtout qu'il s'agit d'un segment lié directement à la santé du consommateur de manière particulière et à la santé publique globalement. D'où, d'ailleurs, le lancement par l'APAB d'un guide technique mis à la disposition des producteurs pour chaque sous-filière expliquant entre autres les processus de fabrication, les pratiques d'hygiène, les règles à suivre et spécifiant les additifs autorisés (en plus de la quantité permise).Et ce, en attendant l'élaboration du guide de l'emballage avec l'appui d'experts étrangers. Des pas ont donc été franchis par cette filière et des résultats probants ont été également enregistrés, mais il faudrait reconnaître que les contraintes persistent. Elles ont trait globalement à l'arrivée massive d'opérateurs non professionnels attirés par le gain facile, le poids de l'informel, la concurrence déloyale et les tentatives de dumping et à la pression fiscale. Les consommateurs sont les premiers à payer les conséquences d'une telle situation.Comment ? En consommant des produits issus de procédés de fabrication dangereux et contenant de surcroît de forts taux d'additifs prohibés. D'ailleurs, les opérations de contrôle par échenillage effectuées par le Centre algérien du contrôle de la qualité et de l'emballage (CACQE) concernent beaucoup plus les boissons. Les taux de non-conformité les plus élevés enregistrés en 2013 concernent essentiellement les eaux et les boissons, en plus d'autres denrées alimentaires. Les cas de non-conformité sont, à titre indicatif, attribués généralement à la négligence et le non-respect des règles d'hygiène, la mauvaise conservation ou encore aux déplorables conditions de stockage de la matière première. Le cluster boissons pour mettre la filière sur des bases solides Une matière première importée dans la majorité des cas. Car, là aussi, le taux d'intégration de la production agricole nationale dans le processus de transformation est des plus faibles. Les producteurs importent en effet le double et le triple concentré de jus, la pulpe, l'emballage et bien évidemment les équipements industriels. Un exemple bien édifiant d'une industrie dépendante de l'importation. Justement, dans ce cadre, beaucoup d'espoirs sont fondés sur le cluster créé récemment à l'initiative du ministère de l'Industrie et avec l'appui du GTZ. Composé de douze entreprises et de sept institutions, ce cluster est basé dans la vallée de la Soummam, le poumon de l'industrie des boissons en Algérie. «C'est un groupement économique d'acteurs qui partagent les mêmes objectifs», nous expliquera à ce sujet Bouattou Mourad, expert dans la filière et représentant de la sous-filière eaux embouteillées au niveau de l'APAB. «Par exemple, pour la réduction des coûts, nous avons le sucre liquide sur place à Béjaïa. Cevital est un allié stratégique qui peut rendre compétitive la filière. Il y a également Bejaia logistique et la supply chain. Avec tous ces éléments, on peut créer une plateforme logistique au niveau du port pour exporter», ajoutera-t-il plaidant pour l'encouragement de l'amont agricole. «L'industrie des boissons est une industrie extravertie. Il y a lieu de travailler avec l'amont agricole pour réduire l'importation. Une étude dans ce cadre est menée à l'université de Béjaïa, notamment sur l'utilisation de la figue de barbarie dans cette filière», ajoutera notre source. Et de préciser : «S'il n'y a pas ce dialogue fécond entre les institutions, on ne pourra pas avancer. Pourvu qu'on nous donne les moyens.» La feuille de route du cluster est tracée. Idem pour le plan d'action. L'heure, aujourd'hui, est à l'attente du siège pour pouvoir entamer le travail arrêté. Ce qui ne manque pas puisque les locaux sont disponibles au niveau de centre de facilitation de Béjaïa. Cependant, ils ne sont pas encore affectés par le ministère de l'Industrie. L'exposé des motifs a été adressé dans ce cadre à la tutelle pour accélérer les procédures. L'autre projet en gestation est la mise en place d'une centrale d'achat toujours dans la région de Béjaïa avec l'adhésion de tous les industriels de la filière, en plus de la création d'un network pour le réseautage. Ce ne sont donc pas les initiatives qui manquent pour organiser cette filière en plein essor. Mais, ce sont les lenteurs administratives qui persistent, comme c'est le cas dans d'autres secteurs.