Ramadhan rime-t-il avec baisse de productivité au travail ? Il est difficile de donner une réponse tranchée à cette question faute d'études empiriques sur le sujet. Les spécialistes des ressources humaines, eux, affirment que les changements dans les habitudes alimentaires et de sommeil des employés algériens pendant le Ramadhan ont un impact significatif sur l'activité des entreprises. Les avis convergent pour constater le fort taux d'absentéisme durant cette période de l'année et son corollaire, la baisse de la productivité. wC 'est du moins l'avis de Yacine Terki, associé et gérant au sein du cabinet de conseil et de recrutement, FAR Algérie. Selon lui, l'activité pendant le mois de Ramadhan est fortement impactée, que ce soit au niveau de l'organisation du travail ou de la productivité. «En fonction des entreprises, cette dernière peut baisser car les employés sont moins productifs mais aussi parce que vos clients ou fournisseurs le sont moins. Estimer cette baisse de la productivité est très difficile et cela varie énormément en fonction des entreprises et des secteurs, mais je pense que dire qu'il y a une baisse de 30% n'est pas surestimé», soutient notre interlocuteur. Mais il n'est pas le seul à avancer un chiffre alarmant. Fouad Hentour, le directeur de l'administration et des ressources humaines de SIMO DECO, une société industrielle de 150 employés, spécialisée dans la fabrication de chaises et de tables, s'attend à ce que le taux d'absentéisme augmente de 10% durant ce mois de jeûne et par conséquent une baisse de 15 à 20% du chiffre d'affaires de l'entreprise. «Cette année, la Coupe du monde de football a coïncidé avec le Ramadhan et le décalage horaire avec le Brésil entraîne des diffusions tardives et nocturnes des matchs. Cela n'est pas sans impact sur les habitudes de sommeil des employés, donc ils s'absentent», explique le DRH de SIMO DECO, et d'ajouter : «Le problème persiste malgré le réaménagement des horaires de travail, mais nous sommes beaucoup plus orientés vers la sensibilisation et le dialogue que la sanction durant ce mois. Nous ne pouvons pas nous permettre d'envoyer nos employés en congé, vu que cette période est la haute saison pour notre activité, surtout pour le mobilier de terrasses. Nous ne pouvons pas non plus ‘‘surproduire'' pendant les mois qui précèdent le Ramadhan, comme le font certaines entreprises car nous avons un problème de stockage (produits volumineux). Par contre, nous accordons des primes d'encouragement aux employés et nous tolérons une baisse de la productivité pour les travailleurs des ateliers dans les journées de forte canicule étant donné la nature de leur travail.» Moins 50% de productivité en un mois Autre stratégie : autoriser les employés à prendre leur congé en juillet. C'est le choix de la fromagerie Tammy (300 salariés). «Nous tenons compte de la modification du rythme de vie des employés durant ce mois de jeûne. Ainsi, nous avons permis à la plupart d'entre eux de prendre leur congé pendant le Ramadhan, surtout qu'il coïncide avec la période des congés annuels. De toute façon, leur rendement aurait été réduit à 50%. Pour ceux qui restent, nous avons mis en place un système incitatif (primes) afin de les encourager à maintenir leur rythme de travail habituel», indique Amine Mourad Outekalelete, le directeur des ressources humaines de l'entreprise. D'autres, comme le groupe pharmaceutique Biopharm (1600 collaborateurs) optent pour un management par objectif. L'activité est mesurée par rapport à des objectifs individuels qui restent inchangés pendant le mois de jeûne. «La production suit la demande du marché qui connaît un fléchissement non pas pendant mais après le Ramadhan. L'effort reste donc soutenu», explique Abderrahim Oulebsir de Biopharm. «Nous ne forçons pas les salariés à prendre leur congé durant ce mois-ci, car nous sommes conscients qu'ils ne peuvent pas faire profiter leurs familles de la plage et des voyages», estime-t-il. Quant aux institutions et administrations publiques, malgré la réduction du volume horaire de travail, le changement des habitudes alimentaires et de sommeil des fonctionnaires a un impact que qualifie Boubekeur Sellami, cadre supérieur à la direction générale des impôts d'El Harrach, de négatif et de très important. «Une grande majorité des fonctionnaires profitent durant le mois de Ramadhan de la souplesse et la tolérance mal placées des responsables pour faire de ce mois un deuxième congé. La chaleur, la faim, la fatigue et la soif, surtout durant cette période estivale, réduisent presque à néant le rendement de l'employé. Sans exagérer, je pense que la productivité de l'ensemble des employés baisse en moyenne d'environs 45%. Bien entendu, elle varie selon le poste occupé, la responsabilité, le sexe, l'âge, l'état de santé… Alors que logiquement, l'impact ne devrait être que positif. L'employé, pendant le mois de Ramadhan, est censé travailler environ 180 minutes (3h) de plus les autres mois : 45 minutes qu'il consacrait au café, pour arriver au bureau entre 8h45 et 9h15, les 105 minutes de la pause déjeuner et enfin les 30 minutes pour prendre un café entre 14h30 et 16h30», déclare notre interlocuteur.