Avec le début des grandes chaleurs, les appels à la rationalisation de la consommation énergétique refont surface. L'utilisation croissante des très énergivores appareils de climatisation affole les compteurs de Sonelgaz. En pleine situation de fragilité financière avec un bilan 2013 négatif, des investissements financés par l'endettement et des tarifs figés, l'opérateur public a parfois du mal à suivre une demande croissante, à peine jugulées par les délestages. Selon l'Agence pour la promotion et la rationalisation de l'utilisation de l'énergie (APRUE), la consommation d'énergie finale a augmenté entre 2000 et 2012 de 6% en moyenne annuellement. Les premiers à être incriminés sont les ménages qui consomment, selon Sonelgaz, 60% de l'énergie électrique produite (statistiques de 2012). Une consommation qui s'accentue durant l'été en raison d'une utilisation massive des climatiseurs que déplore la compagnie nationale. La CREG (commission de régulation de l'électricité et du gaz) avait établi que le taux de pénétration de la climatisation chez les ménages avait presque triplé en seulement deux ans (2008-2010). Des campagnes publicitaires appelant à rationaliser cette consommation en réglant ces appareils sur des températures adéquates et à des heures précises de la journée sont actuellement diffusées dans la presse. Ce genre de campagne est reconduit chaque année à quasiment la même période dans le but d'atténuer la pression sur le réseau. Pourtant, l'appel au bon sens ne doit pas particulièrement concerner les ménages. La croissance démographique, l'amélioration du niveau de vie et l'augmentation des salaires ces dernières années contribuent à booster la consommation énergétique des ménages et sont des facteurs devant être pris en compte dans toute étude prévisionnelle. La réalité est que les ménages ne sont pas les seuls mis en cause. L'ensemble des édifices publics est également équipé de climatisation. C'est également au niveau de ces édifices que les lumières restent parfois allumées toute la nuit et c'est aussi le secteur étatique qui est responsable des éclairages publics en pleine journée. Par ailleurs, et au moment où Sonelgaz a besoin de toutes les ressources financières disponibles pour mener à bien ses investissements, ses milliards de créances détenues sur l'Etat restent encore non recouvrées et sont l'une des causes principales de sa situation financière actuelle. Challenges D'ici 2017, la puissance maximale appelée (PMA) d'électricité devrait dépasser les 19000 MW, soit près du double par rapport à 2012. Quand on sait que plus de 95% de la production électrique se fait à partir du gaz naturel, que ce dernier représente un tiers de la consommation finale de l'énergie et qu'il fera l'objet d'une demande interne croissante à moyen et long terme, il y a de quoi s'interroger sur l'avenir. La CREG, dans ses prévisions de 2010 sur l'évolution de la consommation gazière à l'horizon 2020, avait prédit une hausse de la demande interne oscillant entre 4,3% et 7,1%. Les experts de la chose énergétique n'ont pas manqué non plus de tirer la sonnette d'alarme ces derniers mois. Changer de modèle de consommation, appliquer la réalité des prix de l'énergie, mettre fin aux gaspillages, sont autant de mesures à prendre pour faire face au triple challenge de la demande interne, des besoins d'exportations et d'une crainte de la baisse de la production gazière. Pour le gouvernement, la solution passe par la recherche d'autres sources d'énergie non conventionnelle. L'option du gaz de schiste, en dépit des remous qu'elle suscite, est déjà en marche. Celle des énergies renouvelables l'est également. On estime que l'Algérie a suffisamment d'ensoleillement (plus de 2500 d'heures en moyenne par an) pour alimenter en électricité une partie de l'Europe. Sonelgaz a déjà fixé comme objectif de faire en sorte que 40% de la consommation nationale d'énergie électrique soit d'origine renouvelable en 2030. Gaspillages Mais pour beaucoup d'experts, la solution réside pour beaucoup dans la lutte contre les gaspillages. Une solution qui irait de pair avec une hausse du tarif de l'énergie. Le PDG de Sonelgaz l'a maintes fois appelé de ses vœux afin de permettre à l'entreprise de répondre à ses besoins d'investissement, mais le gouvernement n'a jamais consenti à lui accorder cette faveur. On estime pourtant que ce sont les tarifs bas appliqués aujourd'hui qui sont à l'origine des gaspillages. L'ancien PDG de NEAL (New Energy Algeria) déclarait dans l'une de ses sorties médiatiques que «sous prétexte de préserver la paix sociale, on maintient des tarifs artificiellement bas qui rendent impossible et inopérante toute mesure de rationalisation de la consommation et conduisent à consacrer une proportion considérable et croissante de nos ressources fossiles à la consommation des ménages». D'autres experts estiment que le niveau actuel des tarifs ne permet pas d'investir dans les énergies renouvelables. Un tarif de 8 DA le kilowatt/heure au moins serait plus «judicieux», estime-t-on. Voire même entre 10 et 12 DA, pour rendre économiquement rentables des investissements dans les énergies renouvelables. L'année dernière, le directeur général de la société de distribution d'Alger (SDA) relevait toute la difficulté de la situation en indiquant que «le prix de revient du KWh est de 5,94 DA, alors que le prix de vente ne dépasse pas 3,94 DA». Selon une étude du FMI datant de mars 2014, l'Algérie consacre aux subventions de l'énergie environ 11% de son PIB. Il y a quelques mois, le ministre de l'Energie, Youssef Yousfi reconnaissait que les tarifs bas relevaient d'une décision politique, celle favorisant «le développement social du pays». Il avait également laissé miroiter l'éventualité d'une révision à la hausse des prix, qui serait «progressive et rationnelle» et tiendrait compte du «pouvoir d'achat» des citoyens. En attendant, le ministère pense proposer des textes législatifs visant à réduire les gaspillages en incitant notamment à l'utilisation de l'isolation thermique dans les constructions.