La maison de la presse Tahar Djaout, à Alger, est devenue un lieu de pèlerinage pour les Mozabites de Ghardaïa. Une délégation de cette communauté a observé dimanche un sit-in à Alger pour interpeller le gouvernement Sellal sur les promesses non tenues de rétablir la paix et la sécurité à Ghardaïa, en proie à de violents affrontements intercommunautaires entre Mozabites et Arabes. D'autres fléaux, l'un se nourrissant de l'autre, s'y sont greffés : le terrorisme et le trafic de drogue, faisant de la vallée du M'zab une des régions les moins sécurisées du pays. «A qui profite la destruction de Ghardaïa ?» Ce slogan, décliné sur une banderole brandie par les manifestants, renseigne sur le désarroi dans lequel se trouve cette communauté qui ne sait plus à quel saint se vouer pour faire cesser la spirale de violence dans la région. Connus pour leur attachement à l'Etat central, pour leur civisme et leur réserve légendaire, les Mozabites ont aujourd'hui la conviction qu'ils sont menacés dans leur intégrité physique et leur existence. Le sang de victimes innocentes a coulé. Et coulera encore si la folie destructrice qui s'est emparée de la région n'est pas jugulée. Les données de l'équation sécuritaire de Ghardaïa ont changé de nature. Et ce sont les membres de cette communauté qui l'avouent en reconnaissant qu'il ne s'agit plus d'un problème ethnique mais de terrorisme et de trafic de drogue. Deux faces d'une même médaille de l'horreur que des mains criminelles cherchent à attribuer à cette population réputée pour sa tolérance et son pacifisme séculaire. «Y'en a marre du terrorisme et de Belmokhtar», proclamait une banderole. La coupe est pleine. L'assassinat du jeune El Yassa Aouf a fait sortir cette communauté de ses gonds vis-à-vis d'un phénomène contre lequel la région n'a jamais connu une mobilisation comme celle de ces dernières semaines. Les Mozabites sont pourtant toujours restés à l'écart des joutes politiques même si, avec le multipartisme, des partis comme le RCD ont réussi à entrer dans cette citadelle réputée imprenable. Ils ont cru à la parole donnée par l'Etat pour que cesse le cauchemar. Pour preuve, lors de la dernière élection présidentielle, Ghardaïa a voté, contre toute attente, majoritairement pour Bouteflika. Les Mozabites furent confortés dans ce choix par les assurances données par M. Sellal, chef du gouvernement et par la suite directeur de campagne de Bouteflika, pour éteindre le feu de la «fitna» qui consume la région. L'Etat au niveau central et ses structures déconcentrées se sont montrés incapables de maîtriser la situation. Les multiples tentatives visant à nouer les fils du dialogue et de la réconciliation entre les deux communautés qui s'affrontent n'ont été qu'une suite d'échecs répétés. Tout comme d'ailleurs les actions de sécurité publique et de rétablissement de l'ordre. Le problème de la coexistence intercommunautaire dans la région est-il donc une fatalité de l'histoire ? Un mal incurable ? Le système de l'apartheid en Afrique du Sud, qui n'a pas son égal dans l'histoire contemporaine en matière de haine intercommunautaire basée dans ce cas de figure sur la race, a volé en éclats par la volonté et la force de conviction d'hommes politiques de la trempe de Mandela. On a peine à croire que les problèmes qui agitent Ghardaïa, qu'ils soient d'origine ethnique ou sécuritaire, sont insurmontables.