La salle d'audience du tribunal criminel d'Alger était vide en cette matinée du mercredi 9 juillet. Pourtant, au programme de cette journée, le procès de Redouane Guechniti, un des derniers membres du sinistre Groupe islamique armé (GIA) qui avait semé dévastation et terreur durant les années 1990 et début 2000. Avec lui, un seul témoin : le dernier émir du GIA, Noureddine Boudiaf, mais qui a brillé par son absence. Petites lunettes de vue, cheveux coupés ras, corpulence moyenne et le regard vif, entouré par des policiers, l'accusé semble très à l'aise. Il échange quelques propos et des signes de la main avec deux membres de sa famille assis au fond de la salle. Natif de Ouled Slama à Blida, Guechniti avait à peine 19 ans lorsqu'il a rejoint les rangs du GIA, pour côtoyer les plus meurtriers des chefs de cette organisation terroriste comme Djamel Zitouni, Antar Zouabri, Rachid Oukali et Noureddine Boudiaf. L'absence remarquée des avocats suscite la réaction de la présidente, Mme Meriem Djebari. «Toutes les affaires de cette session ont été renvoyées à cause de l'absence de des avocats», lance-t-elle, avant de se tourner vers l'accusé : «Où est votre avocat ?» L'accusé se montre très serein : «Je n'en ai pas...» La présidente : «Dans le dossier, j'ai le nom de maître Boumerdassi…» L'accusé : «Elle s'est désistée. J'ai alors constitué un autre avocat, mais il n'est pas venu me voir à la prison.» La présidente : «Pourquoi n'avoir pas dit que vous n'aviez pas de défense, le tribunal aurait pu vous constituer un avocat d'office ?» L'accusé : «Je ne pouvais pas savoir qu'il n'allait pas venir… » La magistrate se concerte avec ses deux assesseurs, puis annonce le report du procès à la prochaine session pour permettre, dit-elle, à l'accusé d'avoir une défense. L'accusé est content. Il adresse ses salutations aux membres de sa famille, qui le saluent de loin. Selon l'arrêt de renvoi, Guechniti est poursuivi pour plusieurs attentats terroristes contre des membres de l'ANP, de la Gendarmerie nationale, de la police, des gardes communaux, des patriotes, mais aussi pour avoir dressé de faux barrages contre des citoyens et mené des attaques menées contre des vacanciers sur les plages de Tipasa, ainsi que des enlèvements suivis de viol de femmes lors des massacres collectifs. En bref, l'accusé possède une longue liste de victimes, dont les ayants droit ne sont malheureusement pas représentés. Arrêté à Bab Ezzouar en novembre 2004 en compagnie de son émir, Noureddine Boudiaf, Guechniti avait en sa possession un Beretta appartenant à Oubelia Noureddine, un jeune policier assassiné en décembre 2002, à Médéa. Toujours d'après l'acte d'accusation, il avait rejoint le maquis en février 1995 et côtoyé de nombreux chefs du GIA qu'il a eu à rencontrer dans les maquis de Médéa et de Blida. Il est passé par la région de Tala Ser (montagne secrète), un sanctuaire où étaient maintenus en détention de nombreux éléments de la «djaz'ara», mais aussi les sept moines enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 à leur monastère à Tibhirine, Médéa. Guechniti avait déclaré que cette «prison» avait été bombardée par les forces de sécurité après la reddition de Fethi Boukabous, un des bras droits de Djamel Zitouni. La cinquantaine de terroristes qui se trouvaient sur les lieux avaient déplacé les moines ainsi que les détenus vers un autre refuge, à Bougara. D'après les déclarations de Guechniti, rapportés dans l'arrêt de renvoi, dès la fin de l'opération militaire, les terroristes ont égorgé les sept moines et exécuté les prisonniers. Guechniti, faut-il le rappeler, avait été entendu une première fois dans le cadre de l'affaire des moines, après son arrestation en 2005. Il avait parlé d'un infirmier du nom de Ishak, qui assurait la garde des moines et qui lui aurait révélé que les religieux français avaient été égorgés le 54e jour de leur captivité. Lors de son premier procès, il y a deux ans, il avait demandé la présence de Noureddine Boudiaf en tant que témoin, mais ce dernier n'a pas été ramené. Va-t-il réitérer sa demande lors de son prochain procès ? On n'en sait rien. Ce qui est certain, c'est que son jugement nous replongera dans la terreur des années 1990.