Premières du genre, les Assises nationales de l'éducation seront organisées les 20 et 21 juillet. Après une année de consultations menées avec les différentes parties du secteur, d'importantes décisions seront prises en faveur de l'école. Zoom sur quelques propositions. Les programmes, la formation, les conditions de scolarité, la modernisation pédagogique et autres thèmes seront passés au crible lors de ces Assises nationales. Cette rencontre permettra de valider certaines réformes. Que proposent les partenaires sociaux sur certains aspects qu'El Watan Week-end a sélectionnés pour vous ? Revoir l'enseignement des langues étrangères Constat : les linguistes affirment que le problème des analphabètes bilingues est le fruit du système d'éducation algérien. Dès le primaire, les résultats de l'examen de 5e de cette année en langue française sont déjà catastrophiques, constate Meriem Maârouf, présidente de la Fédération nationale de l'Education/Snapap. «Nous assistons de plus en plus à la dégradation des langues étrangères à l'école. Il faut réfléchir à de nouvelles méthodes audiovisuelles pour l'apprentissage et l'enseignement.» Pour Bachir Hakim, enseignant au lycée Colonel Lotfi d'Oran, «chaque élève doit être capable de communiquer dans au moins deux langues vivantes à la fin de l'enseignement secondaire. Pour atteindre cet objectif, l'enseignement des langues doit profondément changer et s'inscrire dans une perspective mondiale. Les élèves sont sensibilisés à une langue étrangère dès la première année, et la pratique de l'oral est prioritaire à tous les niveaux, de l'école au lycée.» D'un point de vue pédagogique, il explique que «les résultats sont meilleurs quand on enseigne à des enfants dans leur langue maternelle, mais ceci n'est pas toujours possible. Ce qui est le cas en Algérie pour les matières scientifiques. Car toutes les langues parlées dans le monde ne peuvent pas non plus être traitées de la même manière.» L'enseignant est donc favorable à «un enseignement précoce des langues étrangères» dans la mesure où avant l'âge de 5 ans «l'oreille est sensible aux différences de prononciation. Il se fixe aussi la façon de prononcer et d'articuler, car les enfants ont plus de facilité à reproduire des sons nouveaux. Au cours de cette période, les références culturelles, lexicales et phonologiques, qui serviront d'appui à l'apprentissage de la langue, se déterminent naturellement.» Concrètement, l'enseignant, selon Bachir Hakem, doit préparer les enfants aux séances d'apprentissage dès la deuxième année du primaire. Le français, par exemple, première langue vivante, doit être enseigné une heure et demie par semaine aux écoliers. Au collège, les élèves doivent être capables de communiquer simplement avec un interlocuteur qui parle distinctement. Les professeurs du collège aborderont ainsi le plus tôt possible l'acquisition de base de la langue, sans recommencer ce qui a été vu à l'école primaire. La deuxième langue vivante sera introduite en classe de 3e année moyenne. En 4e année moyenne, la majorité des élèves débuteront une seconde langue vivante à raison de 3 heures par semaine. Puis, vient le lycée. En première année secondaire, la 1re langue restera obligatoire pour tous les élèves. La seconde langue peut être choisie pour les élèves qui visent les filières générales ou pour certaines filières technologiques. Une troisième langue peut être commencée en seconde, en option de détermination ou en option facultative. La première langue sera enseignée 3 heures par semaine. La deuxième langue en option obligatoire et facultative 2h30 à 3h. Si une troisième langue est choisie en option, son enseignement est de 2h30 à 3h. Toujours au lycée, en classe terminale, les cours de langue peuvent être diminués (filière science ou math, 2h pour la première et la deuxième langue, filière Lettres, 3h pour la première et 2h pour la deuxième). Mieux encore, ces propositions doivent être renforcées dans certaines régions qui depuis des années sont dispensées de l'épreuve de français dans l'examen du 5e. «Sur 100 postes ouverts lors du récent concours de recrutement pour le poste d'enseignant de français, seuls 10 postulants ont été inscrits dans la wilaya d'Adrar ! Il n'y a pas d'enseignant de français. Il faudrait réfléchir à des mesures incitatives pour enseigner et étudier les langues étrangères au Sud et dans les Hauts-Plateaux», explique Meriem Maârouf. Messoud Boudiba, du Cnapest-élargi, dira qu'il est temps de «donner de l'importance à la langue d'enseignement, car sa maîtrise permet nécessairement la maîtrise des autres langues.» Il se demande : «Pourquoi est-ce que dans les centres d'enseignement des langues étrangères nous n'avons besoin que de trois années pour apprendre convenablement la langue enseignée, alors que dans notre école il faut dix années pour le français et sept ans pour l'anglais ?» Solution proposée : d'abord l'ouverture d'un large débat sur l'enseignement des langues afin de cerner les objectifs et de donner aussi de l'importance à la préformation, c'est-à-dire au niveau universitaire, ainsi qu'à la formation continue au cours de l'emploi. Cette formation doit s'appuyer sur les nouvelles méthodes didactiques et performantes. Il est également nécessaire de mettre à la disposition des enseignants des laboratoires équipés pour l'enseignement des langues, et ce, dans tous les établissements scolaires. Mieux encore, pour Messaoud Amraoui de l'Unpef, même l'anglais doit être introduit progressivement en 2e année primaire comme «nous devons nous éloigner de tout complexe idéologique». Réduire les programmes En 2003, la décision de faire passer le cycle primaire de 6 à 5 ans était prise alors que le projet du référentiel général des programmes, la nomenclature des nouveaux programmes ainsi que leurs matrices étaient élaborés sur la base d'un cycle primaire de 6 années. «Cette décision de type structurel constitue un des premiers dérèglements portés à la refonte pédagogique de la réforme de l'école», affirment les pédagogues. Pour Bachir Hakem, «seul un retour à six ans du primaire peut diminuer la charge des programmes. Au primaire, l'élève a besoin de détente et de loisirs ; pour cela, l'après-midi devrait être consacré uniquement au sport, aux sorties, à la musique, au théâtre (20 heures de cours par semaine réparties sur 5 matinées+10 heures de détente et de loisirs réparties pendant les 5 après-midi)». Meriem Maârouf propose la suppression de certaines matières des 1re et 2e années du primaire pour les introduire à partir de la 3e année. Il faut également, selon Boudiba et Amraoui, «étudier et remédier au déséquilibre existant entre les volumes horaires et le contenu des différents programmes. Et surtout revoir le nombre de matières enseignées au primaire et au collège. Il est illogique que les enseignants ne maîtrisent pas encore l'approche par compétences.» Amraoui propose même un emploi du temps adapté aux élèves du Sud en fonction de la chaleur : «Il faut revoir les horaires d'enseignement et opter seulement pour les matinées au début et en fin d'année», explique-t-il. «Je suis enseignant et je trouve que la densité des programmes ne laisse pas le temps aux élèves de comprendre et d'apprendre. Ceux-ci se trouvent dépassés par la charge de travail et leur fatigue augmente en conséquence. Le rythme de 5 jours de travail, 2 jours de repos est dénoncé par les médecins. Pour ma part, je suis pour le retour du vendredi matin à l'école et tant pis pour mes week-ends, et ce, pour éviter la coupure trop longue du week-end et des écoliers qui, le dimanche matin, ne sont pas opérationnels, car ils se sont couchés tard pendant ces deux jours. J'ai l'impression de devoir survoler les matières et d'enchaîner les activités avec mes élèves sans leur laisser le temps de comprendre les nouvelles notions», dira encore Bachir Hakem. Au final, le volume horaire hebdomadaire des cours obligatoires ne doit pas dépasser 25 heures au lycée ou au collège. A raison de 5h par jour, ce qui permettra à l'élève de s'adonner à d'autres activités, argumente-t-il. Réorganiser le bac Le retour à la fiche de synthèse et la suppression du seuil des cours sont les propositions phare pour garder la crédibilité de cet examen. «Il faut revenir à la fiche de synthèse en donnant de la considération au travail mené par l'élève pendant l'année scolaire. Il faudrait seulement donner un cœfficient élevé pour les résultats de l'année. C'est une manière d'imposer le sérieux pendant l'année et d'éviter le taux élevé d'absentéisme des classes de terminale à partir d'avril», propose Amraoui. Si le Snapap propose deux sessions du bac sous condition, à l'exemple des moyennes qui avoisineraient les 9,50/20, le Cnapest-élargi propose une autre formule : bac A et bac B. Le premier, c'est pour examiner d'une manière anticipée les matières secondaires, et le deuxième pour un examen final des matières principales. Autres détails : révision des méthodes d'évaluation pour aboutir à un équilibre entre ce qu'on appelle les questions directes et les questions demandant de l'analyse et de la synthèse, selon Boudiba et la suppression des deux sujets d'examen, selon Meriem Maârouf. «Plusieurs candidats avancent dans la solution du premier sujet, puis à la dernière minute décident d'opter pour le deuxième, alors qu'ils n'ont plus le temps de le faire.» Enseignants, pédagogues et syndicats veulent la suppression du seuil des cours. «Pour garder et sauver la crédibilité de cet examen, il ne faut surtout pas répondre aux exigences des élèves sans une base pédagogique», insiste Amraoui. Bachir Hakem conseille 4 années au secondaire pour élever le niveau des élèves et améliorer la qualité de l'enseignement. Pour ce faire, Amraoui propose que les Ecoles normale ssupérieures (ENS) reprennent les anciennes structures des Instituts technologiques de l'enseignement (ITE), fermées depuis des années, pour prendre en charge ses nouveaux diplômés avant toute installation en poste. «C'est insensé que les diplômés de l'ENS passent directement à l'enseignement sans qu'ils soient encore encadrés par d'autres formateurs au cours de l'emploi», affirme Amraoui Obliger le préscolaire «La majorité des élèves n'ayant pas fait du préscolaire refont l'année. Jamais un élève de la première année primaire ne pourra assimiler le programme sans avoir été inscrit au préscolaire», explique Meriem Maârouf. Bachir Hakim a la solution : sa durée doit être de 2 à 3 ans et concerne les enfants de 3 à 6 ans. Détail : l'élève qui a atteint l'âge de 5 ans avant le 1er octobre de l'année scolaire en cours doit être admis au préscolaire. L'élève, vivant en milieu économiquement faible, qui a atteint l'âge de 4 ans avant le 1er octobre de l'année scolaire en cours est également admis à l'éducation préscolaire, idem pour un enfant handicapé. La semaine comprend un minimum de 20 heures consacrées aux services éducatifs. Pour Amraoui, l'objectif est d'obliger le préscolaire. Mieux encore, selon l'analyse pédagogique de Bachir Hakem, le préscolaire doit être en deux systèmes : la pré-maternelle et la maternelle et seront rattachés aux écoles. La pré-maternelle doit être programmée seulement le matin, alors que ceux de la maternelle doivent être en classe toute la journée. «La préparation psychologique, affective et linguistique doit obligatoirement se faire avant l'âge de 6 ans», affirme Messaoud Boudiba.