L'APN a adopté, hier, une motion de soutien à la révision constitutionnelle annoncée par le président Abdelaziz Bouteflika, à l'issue de la clôture de la session de printemps. Les députés du Parti des travailleurs (PT) et du MSP se sont abstenus, voulant prendre connaissance de la mouture pour pouvoir se prononcer, selon l'APS. Par contre, la majorité des députés, qui a apporté son « soutien » au souhait du président de la République d'organiser, avant la fin de l'année, un référendum sur l'amendement de la loi fondamentale, n'a pas estimé nécessaire de connaître, avec exactitude, le contenu du projet de révision. Si le Parlement soutient dans sa majorité, à quoi bon alors aller vers un référendum dit populaire ? L'assemblée de Amar Saâdani s'était distinguée par le même sentiment de « soutien » au projet de la charte pour la paix et la réconciliation, soumis à référendum en septembre 2005. Un projet passé sans débat à l'APN, sans espace ouvert à la contradiction, avec interpellation de militants du « non ». La même démarche semble avoir été adoptée pour le projet de révision constitutionnelle : fabriquer le consensus, l'imposer à grands renforts de médiatisation, répression des contradicteurs. L'APN soutient fermement le projet du Président qui, lui-même, semble mépriser cette institution, refusant d'y mettre les pieds durant deux mandats et demi. L'opinion publique ne connaît pas grand-chose des intentions présidentielles à quelques mois du référendum. L'APN, théoriquement institution de la représentation populaire, ne semble assumer aucune de ses prérogatives de contrôle. Pire, l'assemblée est instrumentalisée par d'autres sphères, en témoigne le refus de l'APN d'accepter que l'ex-chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, présente son bilan devant les députés afin de faciliter son limogeage le 24 mai dernier. Les entorses aux règles de fonctionnement au palais Zighout Youcef sont-elles devenues une habitude ? Une seconde nature ? Hier, le président de l'APN, Amar Saâdani, a décidé de déroger à la règle, en préférant présenter le bilan de la session de printemps en janvier prochain, durant la session d'automne. Aucun argument n'a été avancé. Une autre entorse aux règles constitutionnelles ? L'actuel gouvernement de Abdelaziz Belkhadem gouverne sans avoir présenté son programme aux représentants du peuple. La Constitution est bafouée. Des voix dans l'opposition s'élèvent pour s'interroger sur le rôle de l'APN. L'actuelle assemblée a voté 62 lois depuis son installation en 2002 à la fin 2005. C'est ce que votent les parlements en une seule session sous d'autres cieux plus démocratiques. Pour les milliards qu'elle avale chaque année, l'APN n'a proposé aucune loi, se contentant de voter systématiquement « oui » les lois proposées par l'Exécutif. Les « représentants du peuple » se sont de tout temps distingués par leur absentéisme. Mais en janvier 2006, les députés ont repris l'initiative. Pas pour créer, par exemple, des commissions d'enquêtes sur les scandales financiers et bancaires ou sur les allégations de disparitions forcées ou de tortures confirmées par les institutions étatiques, mais pour rejeter un article de la loi anticorruption prévoyant une révocation du mandat électoral en cas de non-déclaration de patrimoine. Les députés n'ont jamais exigé de jouer leur rôle de contrôle, notamment concernant la loi sur le contrôle budgétaire. A quoi sert donc le parlement ? Question d'autant plus d'actualité que le projet de révision constitutionnelle vise à amoindrir son pouvoir déjà laminé. L'APN, en soutenant le projet présidentiel d'amendement de la Constitution, a majoritairement approuvé son propre suicide. Un cas de figure si significatif de l'état de la vie politique en Algérie.