A lors que la communauté internationale s'attendait à la passation du pouvoir en Libye entre le Conseil national général et la Chambre des députés, élue le 25 juin dernier, la tension est montée d'un seul coup à Tripoli, dimanche dernier, avec l'exigence des milices de Misrata du retrait de celles de Zentane, du pourtour de l'aéroport de Tripoli. Une véritable guerre a été déclenchée. Qu'en est-il ? De notre envoyé spécial en Libye Une bataille rangée oppose, depuis dimanche dernier, les forces de Misrata à celles de Zentane autour de l'aéroport international de Tripoli, fermé depuis. Les Misratis menacent même de recourir aux avions de chasse pour déloger leurs adversaires de leurs positions. La Libye glisse, ainsi, vers une guerre civile, à peine trois semaines après les élections du 25 juin qui se sont soldées par la défaite des islamistes. L'installation de la nouvelle Chambre des députés est prévue pour la semaine prochaine et une équipe gouvernementale permanente est attendue pour les semaines suivantes. Mais, les milices proches des islamistes ne l'entendent pas de cette oreille. Le Conseil national général ne semble pas prêt au départ. L'évolution de la situation durant ces derniers mois en Libye montre clairement l'existence de tiraillements entre le pouvoir législatif (le Congrès national général) et le pouvoir exécutif (le gouvernement) qui a bloqué la vie politique en Libye. La bataille «Al Karama» du général Haftar et la crise des ports pétroliers font partie de cette lutte d'influence. Ce blocage a empêché l'élection d'un nouveau chef du gouvernement après l'éviction, en février dernier, de Ali Zeïdan par le Congrès. Après de multiples bouleversements, c'est Abdallah Thaney, chef du gouvernement par intérim, qui est resté à ce poste jusqu'à l'élection attendue, par la nouvelle Chambre des députés, d'un nouveau chef de l'Exécutif en Libye. Avant la montée des périls des derniers jours, le pays vivait donc dans l'attente de l'installation du Parlement qui vient d'être élu le 25 juin dernier. Malgré la bataille «El Karama» du général Haftar à l'Est, la situation évoluait positivement avec la réouverture des ports pétroliers et la reprise de la production et de l'exportation du pétrole. «La situation évoluait donc dans le sens voulu par les forces luttant contre le terrorisme. Celles-là même qui ont gagné les élections du 25 juin», souligne le docteur Souleymane Brahim, doyen de la Faculté de droit de Benghazi. Pourquoi maintenant ? Cette issue n'a pas plu aux islamistes, appuyés par les milices de Misrata. «Les islamistes ont pressenti le resserrement de l'étau autour d'eux, aussi bien sur le plan politique que militaire», poursuit le Dr Brahim. «Pour réagir, les islamistes n'ont trouvé de prétexte que le slogan de démilitarisation de Tripoli à l'encontre des milices de Zentane qui protègent l'aéroport international depuis la chute d'El Gueddafi et dont les forces font désormais partie des troupes régulières de l'Etat», conclut le doyen, pessimiste quant à l'évolution périlleuse de la situation. Intervention internationale ? Alors que la Libye ne parvient toujours pas à se doter d'institutions légitimes, même après les élections, le gouvernement de Abdallah Thaney se trouve dans l'incapacité de réagir, faute de force dissuasive à sa disposition. «Les gouvernements successifs siégeant à Tripoli ont bénéficié d'un consensus entre les forces de Zentane et de Misrata, ce qui n'est pas le cas depuis la chute de Ali Zeïdan. Le conflit entre ces deux forces signifie le risque imminent d'une guerre civile, à moins d'un consensus de dernière minute», remarque l'ex-membre du Conseil national de transition, Mansour Younes. «Sentant le risque, le gouvernement envisage de recourir à une force internationale pour défendre l'autorité légitime en Libye. Mais Thaney oublie qu'une telle issue nécessite du temps pour se mettre en place et son issue n'est pas évidente. La solution passerait plutôt par l'installation rapide de la nouvelle Chambre des députés, comme l'a proposé l'Union européenne», conclut l'universitaire. La Libye est encore à la croisée des chemins. Puissent les tribus et les notables trouver une solution à cette nouvelle montée de tensions.