A leur tour, les Kurdes irakiens ont élu, hier, leurs 111 représentants au Parlement fédéral pour parachever le processus de renouvellement des députés, bien après le scrutin tumultueux de la communauté chiite (organisé en avril) et sunnite (juin). C'était donc la dernière étape des élections provinciales qui se sont déroulées en trois étapes en raison, notamment, de la situation sécuritaire. Si le Premier ministre, Nouri al-Maliki, accusé de s'être accaparé du pouvoir, reste confronté à une crise aiguë, les Kurdes se sont prononcés sur fond d'ambitions indépendantistes. Les trois provinces du Kurdistan autonome se démarquent de plus en plus du gouvernement fédéral, en conflit ouvert avec le Kurdistan qui veut faire mainmise sur le pétrole. Cette région riche en cette matière première cherche à construire un oléoduc pour relier directement son territoire aux marchés extérieurs pour assurer un contrôle du circuit d'approvisionnement du pétrole qu'elle exporte, envoyé par camions, vers la Turquie voisine. Des accords de coopération ont été également signés avec des firmes étrangères, telles Exxon, Mobil et Total. Cette situation a été dénoncée par le gouvernement fédéral qui considère les exportations de pétrole par camions comme une pratique de contrebande, jugeant illégaux les contrats pétroliers conclus en l'absence de l'accord du ministère fédéral. Le contentieux de Kirkouk, riche en pétrole, que les Kurdes veulent intégrer au Kurdistan autonome, envenime les relations tendues entre Baghdad et Erbil. Dans ce contexte, les premières élections législatives, organisées depuis le départ des troupes américaines en 2011, interviennent dans une période d'incertitudes, marquée, notamment, par l'absence du président Jalal Talabani, souffrant depuis 9 mois d'une attaque cérébrale, et la flambée de la violence rarement vécue. Le syndrome de la guerre confessionnelle des années de feu de 2006-2008 est sérieusement appréhendé en Irak. A la vieille rivalité sunnite et chiite, se greffent la tentation indépendantiste kurde en jeu dans le scrutin de tous les enjeux, scellant le destin de la région et le rapport de force entre « frères ennemis », l'Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani, et le Parti démocratique du Kurdistan du président régional, Massoud Barzani, concurrencé par le nouveau parti d'opposition kurde, Goran. Les premiers résultats devraient être connus d'ici deux jours. Ils reflèteront certainement l'état d'esprit des kurdes irakiens, à la lumière des retombées de la crise syrienne, marquée par la perte de contrôle de Damas sur la région kurde du nord de la Syrie. Conséquence : l'afflux de dizaines de milliers de Kurdes syriens au Kurdistan irakien rêvant d'un meilleur sort.