Plus de 30% de films algériens par an. C'est à cette nouvelle directive que devront se plier les salles de cinéma du pays, sous peine de sanctions. L'initiative vise à promouvoir la production nationale, mais elle ne saurait être suffisante. «Tout exploitant de salle de spectacles cinématographiques est tenu, sous peine de suspension de l'autorisation d'exercice, de programmer des films de production algérienne en langues nationales. Le nombre de films de production algérienne diffusés annuellement ne doit pas être inférieur au tiers du nombre global de films programmés durant l'année dans la même salle ou dans le même multiplexe», telle est la nouvelle règle qui régit l'ensemble des cinémas sur le territoire national. Une décision signée Khalida Toumi, la dernière avant son départ du ministère de la Culture au profit de Nadia Labidi. Par ailleurs, cet arrêté qui date du 22 juin fait état d'une réelle volonté de protéger le cinéma d'un point de vue juridique, et d'assurer la promotion des productions cinématographiques algériennes. Zahia Benchickh, chargée du département cinéma et audiovisuel au ministère de la Culture, explique : «Nous souhaitons faire la promotion de la production nationale au même titre que beaucoup d'autres pays étrangers.» Et d'ajouter : «Ces mesures sont prises afin de revaloriser le cinéma algérien et de mieux le faire connaître du public. A long terme, nous avons également pour ambition de le rendre plus compétitif et de l'exporter à l'international.» Pour autant, le processus de réconciliation entre public et cinéma semble plus complexe à mener. Les salles obscures ne comptent plus depuis longtemps parmi les loisirs des familles algériennes, et les quelques lieux de projection encore fonctionnels sont pour la plupart déserts. C'est entre autres pour remédier au défaut de fréquentation des cinémas que le 17 juillet, la ministre de la Culture a rencontré les différents acteurs du secteur à la Bibliothèque nationale d'Alger. Rym Takoucht, Mohamed Lakhdar Hamina ou encore Malika Belbey étaient réunis jeudi pour une rencontre déterminante pour le cinéma algérien. Education En préparation de la conférence nationale sur le cinéma qui aura lieu en septembre, Nadia Labidi aborde les questions relatives à la rénovation des anciennes salles de cinéma ainsi qu'à la construction de nouvelles infrastructures. Elle a par ailleurs assuré que l'audiovisuel ferait l'objet d'un enseignement plus spécifique et annoncé la création, prochainement, d'une revue de critique cinématographique. Plusieurs solutions sont envisageables pour impulser une nouvelle dynamique au secteur. Outre la diversification des films à l'affiche, c'est un véritable travail de sensibilisation qu'il faut effectuer, selon le réalisateur Rabia Benmokhtar : «Le problème d'un public peu nombreux est en partie lié à un problème de sensibilisation et d'éducation. Ce travail demande du temps, et doit commencer auprès des plus jeunes.» Belkacem Hadjadj, réalisateur du film Fatma n'Soumer bientôt à l'affiche, préconise également une approche pédagogique chez la jeune génération. Pour cela, il a un projet précis, «celui de faire venir de jeunes collégiens et lycéens dans les cinémas pour voir le film. J'ai justement proposé cette idée à Nouria Benghabrit (minsitre de l'Education nationale, ndlr) et j'espère qu'elle aboutira.» Si les Algériens désertent les salles de cinéma, c'est aussi parce qu'ils privilégient le téléchargement illégal ou encore le streaming, qui offrent un accès illimité à de nombreuses œuvres cinématographiques instantanément et gratuitement. De plus, DVD et CD gravés inondent le marché et encouragent le consommateur à privilégier la solution la plus économique. L'Inspecteur Tahar, Leila et les autres, Dar Sbitar, autant de productions algériennes marquantes qui se noient dans les milliers de productions étrangères disponibles dans le pays via le piratage et qui sont le symbole d'un cinéma national qui souffre d'un manque de visibilité. Insuffisances C'est en cela que l'arrêté du ministère de la Culture pourra être utile. L'obligation de diffuser des films algériens pourra faire connaître «la belle époque» qu'a vécue le cinéma algérien dans les années 1970 tout comme le travail des jeunes réalisateurs actuels. Seul problème, «le nombre de films de production algérienne reste nettement insuffisant pour alimenter les salles de cinéma. L'arrêté parle de 30% de films algériens. Quand bien même nous les aurions, il resterait 70% de films à diffuser, d'où allons-nous les ramener avec l'absence de distributeurs nationaux et internationaux ?», s'interroge Yamina Chouikh, scénariste, qui explique qu'«il est certes important pour le cinéma algérien d'avoir des textes officiels sur lesquels s'appuyer, mais que les moyens pour les appliquer restent encore nettement insuffisants.» Ce n'est pas seulement le nombre de films qui reste faible, les subventions accordées par le ministère sont elles aussi jugées «très insuffisantes» par Bachir Derraïs, producteur du film Morituri : «Il faut aussi savoir que la copie d'un film coûte près de 10 000 euros. Il n'est pas rentable d'en faire plusieurs s'il n'y a pas de lieux de projection pouvant permettre la diffusion des films dans les normes.»