J'espère par cet exposé (…) avoir au moins excité la curiosité de certains d'entre vous et que vous serez nombreux à venir sur place réaliser des investissements dont tout le monde vous dira qu'ils seront certainement rentables et profitables, non seulement à l'Algérie et à vous même… » En terminant ainsi son long plaidoyer hier devant les opérateurs économiques britanniques, qui l'écoutaient à la City de Londres (Centre financier), Bouteflika espérait sans doute avoir convaincu son auditoire de la nécessité de venir investir chez nous. David Brewe, son hôte, lui a répliqué par une petite phrase sibylline qui n'allait pas forcément dans le sens voulu par Bouteflika. « L'Algérie constitue un marché important pour la Grande-Bretagne. » Le tableau de bord clinquant brossé par le chef de l'Etat des indicateurs économiques de l'Algérie et de la souplesse de son code de l'investissement serait-il uniquement bon aux yeux des investisseurs britanniques que pour faire de bonnes affaires ? Les propos de David Brewe suggèrent-ils que l'Algérie continue à être appréhendée comme un immense marché où il est seulement bon de faire du commerce ? S'il est vrai qu'il est prématuré de juger des intentions des hommes d'affaires britanniques, il est tout aussi vrai que la recette de Bouteflika n'a pas attiré grand monde dans tous les pays où il s'est déjà rendu. Si les indicateurs économiques sont véritablement au vert, la bureaucratie, la corruption et la stérilité du système bancaire algérien rendent la tâche du président dans sa volonté de convaincre très ardue. En l'occurrence, les 64 milliards de dollars de réserve de change que le président a pris le soin de mettre en exergue tout au long de son discours de marketing économique ont certainement fait saliver les hommes d'affaires de Sa Majesté qui y ont vu une sacré cagnotte à prendre à moindres efforts. Le patron de la City de Londres résume à peu près cet état d'esprit typiquement british en se félicitant que « de grandes entreprises économiques britanniques, notamment British Petroleum et Uni Lever, soient présentes en Algérie ». Il n'est pas dit cependant que les entrepreneurs anglais vont se bousculer demain au portillon de l'Algérie par la seule magie du verbe quand bien même notre pays possède une carte de visite économique des plus convoitées parmi les pays émergents. Khalifa : monnaie de change ? Il est vrai qu'en dehors du secteur des hydrocarbures, la présence « économique » du Royaume-Uni en Algérie est quasiment nulle pour un pays traditionnellement tourné vers ses anciennes colonies d'Afrique. Au partenariat mutuellement profitable que sollicite Bouteflika dans son espoir de faire bénéficier les entreprises algériennes du Know how britannique, ses interlocuteurs semblent seulement prendre acte et distribuer des satisfecit. Lord Mayor, qui a déjà séjourné en Algérie du 24 au 26 janvier dernier, résume bien le tempo en concédant que l'Algérie « recèle beaucoup d'opportunités ». Et à défaut de confirmer une éventuelle disponibilité des Britanniques à injecter leurs capitaux en dehors du pétrole et du gaz, Lord Mayor s'est contenté d'adresser des compliments politiques à Bouteflika. « Je suis heureux d'avoir constaté sur place les progrès réalisés par votre Excellence à la fois sur le plan politique et économique. » Et, tout compte fait, la valeur ajoutée de la visite de Bouteflika à Londres a été curieusement beaucoup plus politique qu'économique. Le président a eu peut-être ce mérite de n'avoir pas cédé aux exigences de Tony Blair sur l'envoi d'un magistrat indépendant pour superviser le traitement par les autorités algériennes des 15 nationaux suspectés de terrorisme. Un niet qui n'a pas été du goût du Premier ministre britannique qui a laissé échapper sa boule devant les journalistes. « La chose la plus frustrante pour moi c'est quand nous avons besoin de pouvoir expulser des fauteurs de troubles ici de nous entendre dire que nous ne pouvons pas le faire. » Sur ce dossier, Bouteflika s'est montré intraitable devant l'insistance de Tony Blair, considérant à juste titre que cela écorchait la souveraineté nationale, d'autant plus que l'Algérie n'a strictement aucun intérêt à ce que les 15 terroristes soient extradés. Et Khalifa alors ? Fait curieux, le cas de l'ex-milliardaire algérien n'a fait l'objet d'aucune déclaration des deux côtés. Y avait-il un accord pour ne pas l'aborder ? Bouteflika a-t-il réclamé la tête du milliardaire déchu ? A moins que son extradition donnée pour acquise à la fin de la visite n'ait été utilisée par Tony Blair que comme monnaie de change pour les « fameuses assurances diplomatiques réclamées », s'agissant des 15 terroristes. Sur un autre plan, Bouteflika a eu d'intenses activités hier à Londres où il a prononcé deux allocutions devant les ambassadeurs africains et arabes. Cette fois, le président a évoqué la Palestine et l'Irak et a assuré ses interlocuteurs du soutien de l'Algérie à ces deux pays. Il a également plaidé pour un NEPAD version arabe.