Beaucoup d'interrogations subsistent suite aux propositions faites, en juillet, par la ministre de la Culture, Nadia Labidi, aux professionnels du secteur. Elle suggère la réappropriation de la gestion culturelle par les artistes, et non par le ministère. Des artistes expliquent pourquoi ils sont pour… ou contre. - Dr Djilali Beskri. Réalisateur de films d'animation : La culture est un facteur économique Le ministère de la Culture ne doit pas «faire de la culture», c'est un opérateur de l'Etat qui est là pour veiller au bon développement de la culture. Le peuple doit s'éduquer à travers ce qu'offre la culture. La culture est une source de rentabilité et un facteur économique indéfectible. Le ministère de la Culture peut marquer sa présence en fournissant aux acteurs culturels un mouvement participatif constant. Il peut préserver la «connexion» entre ses activités et les artistes, consolider ses cadres, financer des projets, accorder des enveloppes. L'artiste ne subira plus les longues procédures administratives. Par exemple pour la réalisation des films, pourquoi ne pas faire comme le Nigeria qui s'adapte à ses moyens et à l'ère du numérique ? Les Nigérians ont su explorer l'option de la coproduction, en réalisant des films avec des pays voisins, ce qui permet à leurs films d'avoir un plus grand public, et de connaître une plus grande réussite malgré des budgets très réduits. La culture n'appartient pas au ministère de la Culture, mais à ceux qui produisent : les artistes. - Samira Bendriss. Editrice à El Ibriz : Le ministère a le pouvoir d'agir L'Etat est indispensable dans le monde de l'édition. Seul lui a les moyens de réguler le marché ainsi que l'apparition, à chaque tournant, de nouvelles maisons d'édition, selon des critères et des lois bien précis. Il possède aussi la capacité d'acheminer les livres dans les librairies, les bibliothèques, et les écoles à travers le territoire national. La bonne volonté est peut-être là, mais le cadre professionnel doit aussi être là pour travailler dans l'intérêt du lecteur et celui de la maison d'édition sous la tutelle du ministère de la Culture qui doit cadrer le tout. Les imprimeurs doivent être compétents de leur côté, les distributeurs de même, d'où le problème de formation. C'est cela qui rend l'Etat indispensable, pour encadrer le métier et ses problèmes. Etre préventif, car là où nous sommes impuissants, faute de moyens, le ministère a le pouvoir d'agir, comme diffuser un cycle de distribution sur tout le territoire, la revalorisation du livre à tous les niveaux de la société... Pour que le monde de l'édition soit performant. - Karim Sergoua. Plasticien : L'Etat a peut-être peur de s'engager Il est impossible pour l'artiste de gérer la culture sans une aide étatique, impliquant lois, régulations, cadre adéquat, pour la promotion de l'art. Difficile à croire, mais les Algériens ont toujours été portés sur les arts plastiques, et de jeunes artistes du domaine s'exportent avec succès. Il y a un manque flagrant d'espaces d'exposition sur l'ensemble du territoire national. Les installations ne sont pas étudiées, notamment avec la fermeture des abattoirs d'Alger, dernièrement. Tous les artistes commencent en underground, ce qui fournit les espaces à la disposition de tous. C'est grâce à des privés que cet art arrive à se maintenir. A titre d'exemple, à la Biennale de Dakar (Sénégal) où 18 artistes algériens étaient présents, l'Etat a peu assuré la prise en charge. Alors que ce dernier devrait être le principal partenaire pour un artiste qui représente le pays à l'étranger. Aujourd'hui, il n'existe pas un vrai espace pour les grands événements qu'organise le pays. L'Etat reste hésitant, il a peut-être peur de s'engager.