Diplômée en lettres françaises, Samira Bendriss a lancé, depuis peu, sa propre maison d'édition, El Ibriz. Elle revient dans cet entretien sur ses motivations et sur les difficultés qu'elle rencontre au quotidien. -Après avoir travaillé dans l'univers de l'édition, vous avez créé, il y a une année, votre propre maison d'édition. Quelle est la motivation de ce choix ? En effet, je suis dans le monde fascinant de l'édition depuis plus de dix ans et j'en redemande encore. J'ai travaillé comme éditrice çà et là, entre entreprises publiques et privées et j'y ai pris goût. C'est un métier passionnant et dévorant, surtout lorsqu'on est épris de lecture et d'écriture dès le jeune âge. Je dois dire que lors de ce petit parcours sur le chemin de l'édition, je suis passée parfois par des moments de fatigue morale, des sensations de lassitude, de stress, d'insatisfaction personnelle ou autres raisons qui m'ont fait faire des breaks, pensant carrément changer de secteur d'activité et aller vers un tout autre métier, ou revenir à l'enseignement tout simplement. Mais je me retrouvais toujours à tourner en rond pour revenir ensuite et encore vers le livre… Aussi, en 2012, j'ai décidé de mettre à profit ma petite expérience dans ce domaine et concrétiser mon petit rêve : créer ma propre maison d'édition pour être enfin «maître» de mes décisions. -Est-il facile d'investir le créneau de l'édition ? Comme tout métier ou tâche qu'on voudrait accomplir comme il se doit, le métier de l'édition n'est pas facile. On se rend compte, à chaque pas que l'on fait, qu'on dépend de l'autre pour que cela marche et suive et pour que cela réponde aux normes voulues. Mais hélas, l'autre n'est pas toujours prêt à vous suivre dans cette marche. Parce qu'il est pressé, parce qu'il veut tout de suite gagner… parce qu'il n'est pas du métier… parce que… parce que… -Justement, quels sont les problèmes que vous rencontrez au quotidien ? Les problèmes sont nombreux. La chaîne du livre a des composantes qui doivent se suivre et se souder, mais ce n'est pas toujours le cas. Le livre, avant qu'il ne soit entre les mains du lecteur, passe par des étapes, c'est ce qu'on appelle un travail éditorial, où le côté technique et esthétique va en découler. L'imprimeur a un rôle capital à jouer dans cette histoire. Or, il ne suffit pas d'acheter une machine pour s'improviser imprimeur. C'est un noble métier qui s'apprend. Suit le libraire qui doit jouer le jeu et laisser le lecteur décider de ce qu'il veut acheter et lire et non refuser le livre sous prétexte que l'Algérien ne lit pas ce genre d'écrit. Ou parce qu'il préfère privilégier tel éditeur plutôt que tel autre pour une raison ou pour une autre. Il y a aussi le manque de distributeurs ou de diffuseurs de livres qui vous oblige à vous transformer vous-même en distributeur et sillonner le territoire national avec dans votre malle de voiture des livres en mal de lecteurs. Et quel abattement lorsque vous faites face à la triste réalité du «hors Alger». Là, vous découvrirez l'état d'isolement, de désolation des villes et villages avoisinants et le manque ou l'inexistence de librairies. Là, vous avez l'impression que ce «produit de luxe» que vous venez proposer à l'achat comme «nourriture de l'esprit» est le dernier de leurs soucis. Mais gardons espoir, il paraît que les choses vont changer. Donc, on continuera de travailler tout en espérant de meilleurs jours pour le livre, un plus grand intérêt pour la lecture et surtout plus de solidarité et moins d'animosité entre les détenteurs de ce secteur.