Des habitants de la cité les Sources, dans la commune de Bir Mourad Raïs (Alger), dénoncent le «détournement» d'un espace vert appartenant à leur cité. Prenant de court les résidants, un promoteur immobilier, la Sarl KMNN Imo, a engagé des travaux il y a une quinzaine de jours. L'acquéreur de l'assiette de près de 2500 m2 qui serait, lit-on dans un courrier adressé au président de la République, «un gros importateur de viande qui se prévaut de solides liens au sommet de l'Etat», compte réaliser un immeuble. «Les travaux ont endommagé des canalisations. Mais, plus grave, une vingtaine d'arbres ont été abattus. Les femmes étaient en pleurs et ont tenté de faire pression pour éviter ce massacre», s'indigne un des résidants qui se sont rassemblés, hier, sur le parking qui donne sur le chantier, où des bulldozers s'affairaient à déblayer. Engagés dans un bras de fer avec le promoteur, les résidants s'étonnent que le concerné puisse bénéficier d'un permis de construire «frappé de nullité» car «ne respectant pas les instruments d'urbanisme». La société se prévaut de posséder un permis en bonne et due forme, mais quelle est cette autorité qui le lui a donné au mépris des lois et de la réglementation en matière d'urbanisme (loi n°90-29 et décret n°91-176) ? La loi fait obligation au concerné de respecter la nature juridique du terrain et la distance avec les habitations voisines. Dans le cas qui nous concerne, cette distance doit dépasser la quinzaine de mètres. Bras de fer avec le promoteur Le POS de la cité stipule que les habitations sont obligatoirement en R+5 maximum. «Le promoteur a eu le feu vert du wali qui s'est substitué au président d'APC. Mais de quelle loi se prévaut-il pour modifier le POS et permettre l'élévation d'une tour de 14 étages avec sous-sol ?», s'interrogeait l'avocat Khaled Bourayou, lors d'une conférence improvisée dans le hall d'un des deux immeubles «menacés» par les travaux. Le Centre national d'études et de recherches appliquées en urbanisme (Cneru), dont le siège se trouve dans la cité, aurait cédé le terrain à un premier acquéreur, Aïssat A. qui l'a hypothéqué. N'ayant pu rembourser un prêt, sa banque, la CNMA, a mis en adjudication l'assiette pour la somme de 23 milliards de centimes, affirme-t-on. «Le Cneru a cédé tous les terrains de la cité à des spéculateurs fonciers. Le premier qui a acquis notre terrain a contracté un prêt qu'il n'a pas pu rembourser. L'assiette a été saisie et le spéculateur est en fuite. La banque a vendu aux enchères l'espace cédé à la promotion qui compte construire un immeuble d'habitation avec commerces», précise Me Bourayou, qui fait remarquer que 7 hectares de la cité les Sources, y compris la parcelle en litige, ont bénéficié à des spéculateurs à l'époque des délégués communaux (DEC). Selon les colocataires, les espaces, revenant de droit aux copropriétaires, devaient accueillir des projets d'utilité publique. A la place de ces projets, on voit arriver un promoteur qui veut construire un immeuble à usage commercial. Aucune enquête commodo et incommodo n'est engagée avec les riverains. Des résidants ont été approchés pour céder leurs appartements. «De tels procédés sont l'œuvre d'une mafia du foncier qui bénéficie de la complicité de la DUCH, de la wilaya déléguée et de l'APC», indique un résidant, qui prédit l'anarchie qui prévaudra dans sa cité dont le parking «sera squatté par le promoteur». Le président de l'APC, qui a délivré le permis de construire, assure être dans la légalité. «Je suis autonome. J'ai pris ma décision après avis technique des différents services. Le client a acquis en bonne et due forme le terrain en 2011. Et je serais en infraction avec la loi si je ne lui octroie pas le permis réclamé, d'autant plus que tous les services ont donné un avis favorable», s'est contenté d'indiquer le président de l'APC Mohamed Zikem, qui affirme être «solidaire dans le fond» avec les habitants de la cité qu'il a reçus. Une action en référé, jeudi dernier, pour l'arrêt des travaux, a été engagée par les riverains. La décision du juge a été reportée après la demande de la partie adverse. Les habitants réclament l'«intervention» du président de la République, «seul à même d'arrêter le squat» d'une partie de la cité. Les protestataires menacent d'aller vers des actions de rue s'ils n'arrivent pas à faire fléchir l'administration.