Nous nous sommes rendus hier à Azouza, à Larbaâ Nath Irathen, village natal de Abane Ramdane, l'architecte de la Révolution et principal organisateur du Congrès de la Soummam. A l'instar de beaucoup d'autres localités de la Kabylie, à Iazouzen (ou Azouza), dans la commune de Larbaâ Nath Irathen, à 25 km au sud-est de Tizi Ouzou, l'ombre et l'âme de Ramdane Abane, un des principaux architectes du Congrès de la Soummam, à Ifri Ouzelaguene, dans la wilaya de Bejaia, un certain 20 août 1956, planent et animent les esprits des villageois. C'est l'agréable atmosphère que tout visiteur de ce village en ce 19 août 2014 peut constater de lui-même en parcourant la principale artère du village ou encore la ruelle bétonnée et fortement pentue menant vers la maison natale du héros de la Révolution de novembre 1954, transformée, après sa restauration, en musée portant le nom de Abane Ramdane, dont l'inauguration a eu lieu le 1er novembre 2010. Abane y naquit le 10 juin 1920. Meziane Mebarek, du village Azouza lui aussi, nous dira avoir été toujours fasciné, depuis sa jeunesse, par le parcours révolutionnaire de Abane Ramdane. «En 1983, j'avais alors 27 ans, je me suis rendu en France pour un court séjour. Sur place, je n'ai pas manqué de me rendre à la prison de Millau où on m'a dit que Abane avait été emprisonné. J'avais voulu visiter sa cellule, mais les services administratifs de cette prison m'ont rétorqué que je n'avais pas le droit, étant donné que je ne porte pas le même nom que Abane, malgré mon origine natale d'Azouza», nous a relaté ce quinquagénaire. Mme Abad Yamina, née Abane, septuagénaire, cousine germaine du concepteur du Congrès de la Soummam et sœur du martyr Dahmane Abane, tombé au maquis à Chlef (alors El Asnam, dans l'ouest algérien), nous dira que «Ramdane était d'une honnêteté exceptionnelle ; en entrant à la maison, dès qu'on lui sert son repas, il demandait toujours si tout le monde a mangé…». Mme Abad garde en mémoire une foultitude de souvenirs sur son cousin, les parents de ce dernier, son propre frère chahid, son père, militant nationaliste, Krim, Ouamrane, etc. «Je n'oublierai jamais lorsque Ramdane a donné sa chemise à mon frère pendant que celui-ci se préparait à partir loin, et depuis ce jour on ne l'a plus revu. Mon père avait subi toutes les atrocités de l'armée coloniale à cause de son fils, engagé dans le maquis. Je n'oublierai jamais aussi la gifle reçue par ma vieille mère de la part d'un soldat français, alors qu'il lui demandait où se trouvait son fils Dahmane, et en répondant qu'elle ignorait tout de ce qu'il faisait… », se rappelle Mme Abad qui dit en outre avoir sauvé son père des griffes des colons en le cachant, dès qu'elle sut l'arrivée imminente des militaires de l'armée coloniale, dans la benne d'un camion pleine de grignons d'olives. Selon elle, la mère de Ramdane Abane, qui était malade pendant que son fils était en prison dans les années 1950, «s'était retrouvée paralysée, on ne sait comment, mais certainement par excès de joie, après avoir entendu et reconnu au dehors de la maison la voix de Ramdane, son enfant…». Notre interlocutrice se souvient toujours de la venue moult fois de Belkacem Krim et d'autres Moudjahidine au lendemain de la sortie de prison de son cousin. Dans de récents hommages rendus à ce stratège hors du commun, de vieux maquisards, notamment Si Smaïl de sa région natale, disaient toujours que lorsque les jeunes de l'époque apprirent que Ramdane, le fils de M'hand Abane, dont la famille était très aisée, avait rejoint la Révolution, ils se mettaient ainsi avec une farouche volonté à la disposition des organisateurs de la lutte armée de libération. Notons par ailleurs que le comité du village Azouza organise aujourd'hui, mercredi, à l'école Deham Mokrane, «un hommage à l'architecte du Congrès de la Soummam du 20 août 1956» en récompensant par des prix les élèves lauréats des examens. A noter également qu'une association «Ramdane Abane pour la mémoire et l'Histoire» sera créée incessamment, a-t-on appris de son bureau provisoire.