Longtemps attendu, l'avant-projet de loi portant nouveau code du travail promet déjà une empoignade entre syndicats et gouvernement. Les premiers estimant d'ores et déjà que les patrons sont les plus gros bénéficiaires de ce nouveau texte. Les syndicats autonomes reprochent déjà au gouvernement d'avoir finalisé ce document «sans la moindre consultation des partenaires sociaux», dixit Meziane Meriane, coordinateur du SNAPEST (Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique). Pis encore, le contenu du texte est jugé «à l'avantage de l'employeur et au détriment des travailleurs», critique Rachid Malaoui, porte-parole du SNAPAP (Syndicat national du personnel de l'administration publique). La centrale syndicale voit quant à elle dans cette mouture «une régression sociale». Parmi les points qui font pester, figure l'article lié au Contrat de travail à durée déterminée (CDD), qui existait déjà dans l'ancien texte, mais auquel deux alinéas ont été adjoints dans l'avant-projet (article 24) concernant les cas d'application de ce type de contrat. Il s'agit du «démarrage d'activités nouvelles de production de biens ou de services» et «l'accomplissement de travaux urgents nécessités par des opérations de sauvetage, de préparation ou pour prévenir des risques potentiels dans l'entreprise». Pour M. Meriane, c'est tout simplement «le CDI (Contrat à durée indéterminée) qui sera remplacé pour le CDD». La colère est d'autant plus présente chez les syndicats que cette question semble répondre directement aux préoccupations du patronat. Ce dernier a souvent exprimé ces derniers mois, au moment où le texte en question était en cours de finalisation, son souhait d'avoir un nouveau code du travail «plus flexible». Le président de la CGEA, Habib Yousfi, déclare notamment que «la flexibilité de l'emploi et la contractualisation sont des éléments fondamentaux dans ce code». Une préoccupation partagée par le gouvernement d'ailleurs. L'ancien ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed Benmeradi avait affirmé pour sa part que si «on pouvait libérer davantage l'acte de recruter, nous aurions des niveaux de création d'emplois plus importants». «Si on doit assurer l'emploi, il faut assurer la flexibilité pour les employeurs», avait-il plaidé en fin d'année dernière à l'occasion du Forum du journal Liberté. La grève menacée Gouvernement et patronat sur la même longueur d'onde, il y a de quoi dérouter les syndicats, d'autant que d'autres dispositions de l'avant-projet de loi sont également pointées du doigt, dont celles relatives à l'exercice du droit de grève qui est, de l'avis du syndicat, remis en cause.Tout en reconnaissant la grève comme un droit constitutionnel, le texte introduit de nouvelles conditions à son exercice, notamment sur les spécificités du préavis de grève. L'article 341 alinéa 2 stipule même que «les journées de grève ne donnent lieu à aucune rémunération». Le législateur «a mis des balises qui rendent impossible l'exercice de ce droit», estime Meziane Meriane. Pour lui, «ajouter un article qui stipule que les journées de grève ne seront pas rémunérées va être dissuasif pour l'ouvrier et le fonctionnaire. Il transformera l'activité syndicale congrue à zéro». Sur un autre aspect, le législateur a également introduit des dispositions encadrant le travail des enfants, les handicapés et punissant le harcèlement sexuel. Il a aussi retenu le principe de la préférence nationale en matière de recrutement. Son article 417 interdisant «à tout organisme employeur d'occuper, même à titre temporaire, des travailleurs étrangers dans des postes de travail susceptibles d'être pourvus par la main d'œuvre-nationale». En outre, les employeurs étrangers sont sommés dans le cadre de la réalisation de grand projet d'intérêt national «d'engager des actions de formation au profit de la main-d'œuvre nationale notamment dans les spécialités déficitaires sur le marché national». Certains syndicats et organisations patronales, à l'image de l'AGEA, se plaignent du manque de consultation des partenaires sociaux et économiques dans la finalisation de ce nouveau texte. Au niveau du Snapap, on affirme d'ores et déjà que c'est un texte qui «passera sans négociation». Ils n'envisagent pas pour autant de rester les bras croisés. Le coordinateur du Snapest s'attend à du remou social en perspective. Le contenu du texte, selon lui, ne «ne peut qu'engendrer instabilité et perturbation chronique dans le monde du travail». Et de menacer : «Si la grille des salaires a produit comme conséquence plus de 6 mois de grève depuis sa promulgation, le code du travail risque d'engendrer autant sinon plus comme contestation.»