Dans certains quartiers, le calvaire de la population dure depuis trois ans, malgré les travaux de renouvellement du réseau, qui ont bouffé des sommes importantes. C'est le remue-ménage, ce matin, chez Aicha. Cette mère de famille, qu'on lui prête ce prénom, a, comme chaque semaine, rendez-vous avec un événement majeur. C'est la journée de distribution d'eau dans son quartier. Habitant l'un des plus misérables groupements d'habitations en matière d'AEP, cette dame, la cinquantaine, doit s'affairer à tout mettre en œuvre pour ne pas «gaspiller» la moindre goutte d'eau. «Je dois tout remplir, les deux réservoirs, les jerricans et même les plus petits ustensiles, on doit tout prévoir, car on risque d'être confronté à des coupures d'eau qui peuvent durer plusieurs semaines», prévient-t-elle. Dans son quartier, c'est presque la fête. Ses voisines s'affairent aussi à faire le plein en eau pour affronter la disette du reste des journées de la semaine. Dans chaque foyer, c'est le même dispositif des réservoirs à remplir. «C'est notre stock de guerre», aime-t-on ironiser. Au-delà de l'histoire de cette femme, c'est toute la population de la ville d'El Milia qui a encore vécu un été des plus pénibles en matière d'alimentation en eau potable. Une heure d'eau, ou un peu plus par semaine, est le temps réservé à l'ouverture des vannes dans certains quartiers. Pour faire face à cette situation de crise, on se débrouille pour courir derrière les camions-citernes qui se sont spécialisées dans la vente d'eau à 1 DA le litre. «Sans l'apport précieux de ces camions, on aurait crevé, l'eau ne coule que très rarement dans les robinets, elle va, plutôt, inonder les trottoirs et les rues où elle est gaspillée à longueur de journées», déplore-t-on. Dans cette ville, le précieux liquide est, par excellence, la préoccupation majeure de la population. «Cela dure depuis trois ans qu'on n'a pas vu couler la moindre goutte d'eau, le renouvellement du réseau n'a rien fait pour soulager notre misère quotidienne, et dire que le projet nouvellement mis en service a coûté 13 milliards de centimes», s'indigne un habitant de la localité de Draâ Ouled Salah. La même chanson qui revient Il faut dire que dans l'ensemble des cités de cette ville, c'est le même refrain qui s'entend tout le temps. L'ADE est mise à l'index dans cette défaillance, mais cette entreprise se défend de ne pas être la seule responsable de cette situation. Il faut dire que les parties impliquées dans l'AEP de cette ville sont là pour se renvoyer souvent la balle. Le refrain est parfaitement connu depuis de longues années au cours desquelles peu d'efforts ont été faits pour étancher un tant soit peu la soif des habitants. Pour un initié de ce problème : «le constat qui s'impose est l'absence d'un développement hydraulique à même de solutionner à court terme le problème de manque d'eau dans de nombreux quartiers d'El Milia. Le peu d'empressement pour trouver des solutions à cette situation stressante pour la population risque de laisser celle-ci regarder les eaux du barrage de Boussiaba transférées comme apport à Beni Haroun, alors que leurs robinets resteront prisonniers des projets de transfert et de traitement qui tardent à venir». Coincée entre deux barrages (Boussiaba et Beni Haroun), cette ville est encore loin de bénéficier des avantages de ces deux grands ouvrages. Les projets dont on vante tous les miracles pour régler le problème de l'AEP sont encore en gestation. Pendant ce temps, la population a appris à prendre son mal en patience. Le passage de la cité Lemridja sous tutelle de gestion de l'ADE a davantage aggravé le problème. Tout simplement parce que ce quartier est venu bousculer, dans leur souffrance, les autres cités, qui ne reçoivent l'eau qu'une fois par semaine. Les quartiers qui subissent les contre coups de cette misérable situation ont pour nom : T'har, Menkouche, Ouled Salah, Zaher, Lakhank, Lamridja, pour ne citer que ces grands groupements d'habitation, où l'eau est plus que rationnée. A Tabriht, où la distribution de l'eau est à la charge de la commune, la crise est à son comble. «Cela fait deux mois ou plus qu'on n'a pas reçu la moindre goutte d'eau, notre souffrance est permanente, on ne sait plus quoi faire», s'offusque un habitant de cette cité. L'Etat a pourtant investi des sommes d'argent considérables pour rénover les réseaux d'AEP. Certains demeurent très vétustes. L'impact de ces projets est resté très aléatoire. A qui la responsabilité ? La question a le mérite d'être soulevée, d'autant plus que les fuites d'eau, qui n'arrêtent pas d'inonder toute la ville à longueur d'année, sont là pour jeter un doute sur la fiabilité des projets réalisés. En attendant que des jours meilleurs viennent atténuer la souffrance de la population, la vie de Aicha et ses voisines est plus que jamais rythmée, dans leur quartier, par l'attente de leur moment de bonheur à l'arrivée de l'eau dans leurs robinets.