Le Premier ministre libanais présent sur tous les fronts depuis l'agression contre son pays a tout de même trouvé le temps de dire ce qu'il pense de la situation imposée à son pays, d'Israël et de ceux qui se déclarent les amis du Liban. Dans un entretien accordé au quotidien français Le Monde (édition datée du 17 juillet), Fouad Siniora, porté par une majorité parlementaire dite souverainiste ou indépendantiste, n'a pas dit plus ou moins que la grande majorité des Libanais, en faisant siennes certaines revendications du Hezbollah qu'Israël et ses alliés croyaient pouvoir isoler au sein de l'opinion libanaise, lui faire porter la responsabilité de la situation actuelle, pour mieux le détruire. Enfin, c'est la volonté exprimée ouvertement par ceux qui revendiquent le désarmement de ce mouvement. C'est d'abord l'occupation par Israël d'une portion du territoire libanais et la violation constante de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Comme il est question actuellement de prisonniers, c'est aussi le cas des Libanais détenus par Israël depuis trente ans, relève le Premier ministre libanais, une situation totalement perdue de vue par cette même communauté internationale et tous ceux qui veulent faire croire que la crise actuelle remonte au 12 juillet, date de l'enlèvement par le Hezbollah de deux soldats israéliens. « La libération de détenus libanais est une demande légitime libanaise. Pourquoi l'attribuer au seul Hezbollah ? Comment pourrais-je ne pas me soucier de Libanais détenus dans les prisons israéliennes ? Lorsque je demande la cessation des violations de l'espace aérien par Israël, cela signifie-t-il que je fais mien le point de vue du Hezbollah ? Israël prétend qu'il veut en finir avec l'armement du Hezbollah. Je lui réponds : il existe un moyen simple d'y parvenir, c'est de trouver une solution aux problèmes. » Le problème tel que soulevé et combattu par le Hezbollah avec le plein soutien des autorités libanaises qui le considèrent comme un mouvement de résistance, c'est la persistance de l'occupation israélienne. M. Siniora dira à ce sujet : « Nous tentons de trouver un moyen de sortir de cette situation lourde de destructions et de malheurs. Nous cherchons à obtenir un cessez-le-feu immédiat et total, afin de traiter les causes et les conséquences de la capture de deux soldats israéliens et de régler la question des Libanais détenus en Israël depuis trente ans. » Il refuse d'isoler les faits les uns par rapport aux autres, soulignant en ce sens qu'entre son pays et Israël, le contentieux est encore lourd. Mais il précisera, et c'est le débat actuel au Liban, que « l'Etat est déterminé à étendre son autorité exclusive sur la totalité du territoire libanais, avec l'aide des Nations unies et de tous les pays frères et amis et à aplanir parallèlement tous les problèmes qu'Israël refuse de régler et qui sont à l'origine des crises et des tensions ». Quant à sa position à l'égard d'Israël, surtout après ce qui vient d'arriver à son pays, il est net et sans appel. « Israël accuse les autres de terrorisme, dit-il, alors qu'il le pratique lui-même dans ses formes les plus dures. Il crée des problèmes qu'il maintient à l'état de plaies ouvertes pour en faire usage comme moyen de pression. Je veux parler des Libanais qu'il détient, des mines qu'il a plantées au Liban-Sud et dont il refuse de nous donner les cartes, alors que des dizaines de personnes sont tuées et des dizaines d'autres sont défigurées depuis des années par l'explosion de tels engins. Israël viole systématiquement notre espace aérien et nos eaux territoriales, continue d'occuper les fermes de Chebaa, un territoire libanais de 45 km2, dont il sait qu'il appartient au Liban. Comment expliquer un tel comportement sinon par la volonté de maintenir un état de tension et de faire pression sur le Liban ? L'absence de règlement définitif de ces problèmes endémiques favorise l'extrémisme. Les solutions à la va-vite et superficielles ne font qu'envenimer les choses. » Puis, il y a cette autre vérité qu'il se sent obligé de révéler, avec certainement beaucoup d'amertume, mais un constat serein. C'est au sujet de la position des Etats-Unis qui ont empêché l'adoption par le Conseil de sécurité d'un appel au cessez-le feu, eux se disent les amis du Liban. « Ils sont nos amis mais leur amitié pour d'autres (Israël) est plus grande », dira-t-il. Tout compte fait, le Premier ministre libanais très offensif sur certaines questions liées justement à la souveraineté de son pays et de sa stabilité a faussé certains calculs, notamment de ceux qui entendent appliquer de quelque manière que ce soit la résolution 1559 préconisant le désarmement du Hezbollah. « C'est une question d'ordre strictement interne », avait-il déjà dit quand celle-ci avait été soulevée et elle sera réglée quand auront disparu les raisons à l'origine de cette situation. Il s'agit de l'occupation israélienne. Sur ce sujet, M. Siniora s'est fait fort d'interpeller l'ONU qui croyait pouvoir dire que le retrait israélien du Liban était achevé, disant au sujet des Fermes de Chebaa, une zone revendiquée par le Liban, qu'il s'agit de « territoires contestés ».