Le secrétaire général de l'ONU est venu, il a vu et il est reparti. C'est un peu le cas de le dire, paraphrasant ainsi la célèbre réplique de César. Mais la comparaison s'arrête là, Kofi Annan ne disposant point du pouvoir qui a été celui de l'empereur romain. En effet, que pouvait bien faire le secrétaire général de l'ONU qui a constaté de visu les terribles dégâts subis par le Liban lors du pilonnage que lui imposa Israël durant 34 jours. Le tiers du territoire libanais est quasiment impraticable, dévasté par les champs de ruines et de mines; les villages frontaliers, même intacts, toujours désertés, faute de garanties sécuritaires, d'eau et d'électricité alors que le Liban est toujours soumis au blocus maritime et aérien israélien. Jamais, sans doute, l'homme considéré comme le plus puissant du monde -du fait qu'il préside une organisation censée représenter l'ensemble des pays de la planète- n'eut autant à mesurer ses limites et celle de l'organisation qu'il préside du fait que l'ONU a été impuissante, ces dernières années, à faire se conformer Israël aux résolutions adoptées et votées par le Conseil de sécurité. Aussi, c'est sans surprise que les observateurs ont constaté l'incapacité de M.Annan à répondre aux questions de ses interlocuteurs libanais, mais surtout incapable de s'engager dans un sens ou dans un autre et dire comment il compte oeuvrer pour résoudre les problèmes que pose Israël à ce petit pays. Au lieu donc d'un engagement ferme de sa part pour que de tels forfaits ne se reproduisent plus, le secrétaire général de l'ONU y est allé de son «admiration et (sa) tristesse au peuple libanais, dont l'unité a fait forte impression sur la communauté internationale» ajoutant comme une sentence «Voici venu le temps de penser à l'avenir». Certes! Mais, M.Annan, qui a affirmé, hier, à Naqoura - au Sud-Liban où il a effectué une visite aux forces de la Finul- que le blocus aérien et maritime imposé par Israël à leur pays est «humiliant» pour les Libanais et constitue une «atteinte à leur souveraineté», savait pertinemment qu'en tant que secrétaire général de l'ONU, il n'avait aucun pouvoir de faire lever un blocus, devenu inhumain par sa persistance, surtout lorsque son auteur se nomme Israël. Ce qui souligne a contrario, l'impuissance où se trouve l'ONU à faire appliquer par Israël les résolutions du Conseil de sécurité sur le Proche-Orient, l'Etat hébreu, agissant unilatéralement et ne respectant aucune des décisions prises par les Nations unies concernant le contentieux israélo-arabe. Dans sa déclaration à la presse à Naqoura, lors de sa visite au quartier général de la Finul, le secrétaire général de l'ONU a indiqué que «Nous devons nous occuper de lever l'embargo aérien, terrestre et maritime qui constitue pour les Libanais une humiliation et une atteinte à leur souveraineté». Nuançant immédiatement cette déclaration, craignant sans doute, d'embarrasser Israël, M.Annan a ajouté «Il faut, bien sûr, que le gouvernement (libanais) prenne des mesures pour s'assurer que toutes les entrées dans le pays, maritimes, terrestres et aériennes soient sûres» faisant ainsi siennes les exigences israéliennes. De fait, Kofi Annan a «promis» aux Libanais que, lors de ses entretiens avec les dirigeants israéliens, le «premier sujet abordé» sera celui afférant au blocus (du Liban) mais ne s'est pas engagé, en sa qualité de secrétaire général de l'ONU de faire lever immédiatement le blocus- sachant qu'une telle éventualité dépend de la seule volonté d'Israël et non point des lois internationales ou des résolutions de l'ONU qu'il sait inapplicables à l'Etat hébreu, protégé par les veto américains. D'ailleurs, les commentateurs et observateurs libanais ne s'y sont pas trompés qui relevaient plutôt les dérobades du secrétaire général de l'ONU. M.Annan sait pourtant que la question proche-orientale est liée au problème palestinien, d'une part, à l'occupation de territoires arabes, d'autre part. Aussi, tant que les Nations unies et la «communauté internationale» n'aborderont pas de front ce dossier aujourd'hui séculaire, les choses demeureront en suspens et la guerre pourrait reprendre à tout moment car l'unilatéralisme israélien a fragilisé, à jamais, une région qui pourtant n'aspire qu'à la paix. Mais curieusement, selon le secrétaire général de l'ONU, les risques qui pèsent sur la paix dans la région ne viendraient pas d'Israël...mais de la Syrie quand Kofi Annan affirme sans sourciller: «Nous ne voulons pas revenir à une situation qui peut exploser de nouveau dans six mois ou six ans» évoquant à Naqoura les «risques» selon lui «(...) (qu') un éventuel dérapage ne se situe plus désormais dans le Liban-Sud (aux frontières avec Israël) mais dans la plaine de la Bekaa (aux frontières avec la Syrie)» épousant, de fait, les redondances israéliennes et américaines quant au danger syrien, alors que les seuls risques et dangers sont toujours constitués par l'occupation des territoires arabes par Israël. De fait, la visite du secrétaire général de l'ONU aura été décevante à tous les points de vue. Mais fallait-il attendre plus d'un homme qui représente une organisation internationale discréditée qui ne maîtrise plus des situations comme celles prévalant au Proche-Orient et sur lesquelles l'ONU n'a pas de pouvoir de décision comme le montre les 85 veto opposés par les Etats-Unis ces dernières années bloquant systématiquement toute approche qui ne soit pas conforme aux seuls intérêts d'Israël, comme l'impuissance de l'ONU à condamner les exactions israéliennes dans, notamment les territoires palestiniens occupés, Israël demeurant jusqu'à ce jour impuni, comme il restera impuni pour les crimes de guerre commis contre le Liban et le peuple libanais.