Douze mille Britanniques, 320 Allemands, 379 Ukrainiens, 750 Français, 250 Polonais, 160 Italiens, 260 Espagnols, 600 Australiens, 107 Chinois… Au Liban, c'est « l'exodus », sauf que, cette fois, les juifs ne sont pas les victimes, mais les déclencheurs de cette impressionnante course contre la mort, des citoyens issus de différentes nationalités forcés de quitter ce Liban qui fait de plus en plus peur. Jusqu'à hier, l'évacuation du territoire de ce pays par les étrangers se faisait par centaines, voire par milliers tant l'armée israélienne bombardait intensément, mais aveuglément. Le pays du Cèdre fait plus que jamais peur, y compris à ceux qui y vivent depuis des dizaines d'années. Tous les pays du monde qui possèdent des ressortissants dans ce pays s'affairent du mieux qu'ils peuvent et avec tous les moyens de locomotion possibles de rapatrier les leurs. Navires de guerres, bateaux civils, hélicoptères, avions civils et militaires, autobus, tous les moyens sont bons pour évacuer des milliers d'expatriés de ce pays devenu invivable une semaine après l'ouverture des hostilités entre le Hezbollah et l'armée israélienne. Les opérations de rapatriement sont tellement impressionnantes par leur nombre que le secrétaire d'Etat britannique aux affaires étrangères, Kim Howells, n'avait pas hésité hier à les comparer à la fameuse évacuation de 330 000 soldats français et britanniques à Dunkerque en 1940. En effet, au train où vont les choses et compte tenu de la détermination de Tsahal à ne pas cesser ses bombardements aussi longtemps que les deux soldats pris en otage ne sont pas libérés par le Hezbollah, l'on peut s'attendre à la fuite de plus de 100 000 étrangers du territoire libanais. Et les premières estimations sont déjà terrifiantes. Hier, quelque 12 000 Britanniques sont enregistrés auprès des autorités britanniques au Liban, auxquels s'ajoutent 10 000 binationaux libano-britanniques qui pourraient également prétendre au départ. Côté français, un premier groupe d'environ 450, sur les 750 évacués par bateau vers Chypre lundi soir, devait rejoindre hier Paris par avion en début de soirée. Le même avion reviendra pour embarquer les quelque 300 autres ressortissants français stationnés à Larnaca, pour un décollage prévu dans la nuit. Quelque 8000 ressortissants français se trouvant au Liban ont demandé à quitter le pays grâce au dispositif mis en place par Paris, selon le ministère des Affaires étrangères. Pour ce faire, Le Mistral, un bâtiment de projection et de commandement qui peut transporter jusqu'à 4000 personnes, devrait être positionné dimanche sur zone, alors que deux autres navires, Siroco et la frégate Jean de Vienne, devraient arriver aujourd'hui à Beyrouth. Massacre à huis clos... De même, 320 Allemands sont arrivés dans la matinée à Dùsseldorf (ouest) à bord d'un vol spécial en provenance de Damas. Partis lundi par la route, ils avaient été bloqués huit heures à la frontière libano-syrienne, selon le ministère des Affaires étrangères, qui a annoncé d'autres vols spéciaux dans les jours à venir. 300 Russes ont également quitté Beyrouth hier, à bord d'autobus, afin de gagner la Syrie, d'où ils doivent ensuite partir vers la Russie. 1000 autres devraient être rapatriés à leur tour aujourd'hui. L'Ukraine a annoncé pour sa part avoir évacué par avion 379 de ses ressortissants, via la Syrie, alors qu'un troisième appareil avec 72 personnes à bord est attendu plus tard dans la journée. Le transfert d'un groupe de 520 personnes avait commencé lundi de Beyrouth par voie terrestre. Les autorités polonaises, elles, ont entamé l'évacuation par bus de quelque 250 de leurs ressortissants vers la Syrie, qui doivent être ensuite acheminés par avion vers leur pays. Un groupe de 182 Italiens est arrivé tôt dans la matinée d'hier à Rome à bord d'un avion spécial en provenance de Chypre. Ils avaient été évacués lundi après-midi de Beyrouth à bord d'un contre-torpilleur de la marine italienne, avec quelque 160 ressortissants d'autres pays. L'Espagne, qui a entamé ses évacuations, il y a quelques jours déjà, a poursuivi, hier, les opérations via la Syrie. Ainsi, pas moins de 113 personnes en majorité espagnoles ayant été rapatriées lundi soir, alors que 152 autres devaient arriver hier à Madrid. L'Australie, qui compte l'un des plus gros contingents d'expatriés avec 25 000 ressortissants au Liban, dont la plupart possèdent la double nationalité et ne comptent pas quitter le pays, a annoncé que quatre bus transportant une centaine d'Australiens ont quitté Beyrouth, également pour la Syrie. Jusqu'à 600 autres Australiens devraient pouvoir partir aujourd'hui grâce à l'affrètement d'un navire, malgré le refus d'Israël de la demande de Canberra d'établir un cessez-le-feu temporaire pour permettre en toute sécurité l'évacuation de ses ressortissants. Les Etats-Unis également n'ont pas fait dans la dentelle, en mettant des moyens de guerre pour rapatrier leurs ressortissants du Liban. Cinq navires de guerre amphibies, dont le porte-hélicoptères USS Iwo Jima, se trouvant en mer Rouge pour des exercices, ont reçu hier l'ordre de faire route vers le Liban pour aider à l'évacuation de citoyens américains, a annoncé hier la marine américaine. Après tous ces départs massifs, Israël pourrait alors se livrer à un véritable génocide de civils à huis clos sous le regard bienveillant des grandes puissances qui continuent à trouver des circonstances atténuantes, voire amnistiantes, à cette opération de purification ethnique sous couvert de la lutte contre le terrorisme.