Alors que l'agression israélienne contre le Liban s'installe dans la durée, la communauté internationale reste impassible, manifestant même une complaisance résignée à voir détruire un pays abandonné à son tragique sort. C'est une résignation qui rappelle, historiquement, de mauvais souvenirs. Avant que le monde n'entre en guerre, en 1939, les grandes puissances européennes avaient fait le dos rond devant l'agressivité guerrière de l'Allemagne nazie et accepté la politique belliciste et annexionniste d'Hitler. L'invasion de l'Autriche, de la Tchécoslovaquie étaient, aux yeux de la prude Europe, le prix qu'il fallait payer à la paix et le sort du monde fut ainsi scellé à Munich lorsque les dignitaires européens s'inclinèrent devant le fait accompli en n'envisageant pas un seul instant qu'ils seraient précipités par Hitler dans la guerre. Près de soixante-dix ans plus tard, c'est encore la force brutale qui est consacrée. Les dirigeants du monde n'esquissent pas la moindre initiative, car interpeller Israël équivaut à se confronter aux Etats-Unis qui décident unilatéralement de ce qui convient au monde. Nul doute que si le Liban avait été agressé militairement par un tout autre pays qu'Israël, le branle-bas de la mobilisation générale aurait retenti et sans aucun doute les Etats-Unis auraient été les premiers à donner le ton. Dans la mesure où Israël est l'agresseur et que le président George Bush a légitimé l'agression contre le Liban, la communauté internationale se le tient pour dit. D'expérience, chacun sait qu'Israël bénéficie de l'impunité et que l'hypothèse haute d'une intervention du Conseil de sécurité contre Israël se heurterait immanquablement au veto américain. Il ne reste au monde, pour agir, que le fragile créneau de l'action humanitaire. Mais il est difficile de voir se développer une solidarité concertée sous les bombes et mieux encore, c'est Israël, puissante agressante, qui décide si l'action humanitaire est agréée. D'où cette idée du corridor humanitaire qui est présentée aux opinions publiques comme un geste humaniste de la part d'Israël. Un corridor humanitaire qui justifie en réalité le maintien d'un état de guerre totale contre le Liban avec tout ce que cela implique de dommages physiques et psychologiques parmi des populations qui ne demandaient qu'à vivre en paix. Plus personne n'ignore, depuis le début de l'agression israélienne contre le Liban, que ce sont des objectifs civils qui ont été sciemment frappés et ce n'étaient pas les dégâts collatéraux de la guerre. Il y avait une volonté avérée de détruire et de faire des victimes. Cela n'a pas fait sortir des manifestants dans les rues des capitales européennes ni conduit les sociétés civiles à sortir d'un mutisme sidéral. Pas un mot de dénonciation ou de compassion pour les victimes libanaises, pas une tribune libre dans les journaux qui comptent de la part de faiseurs d'opinion que l'on avait vus prompts à épiloguer sur le péril syrien, iranien ou nord-coréen. Il est vrai que toute remise en cause de ce que peut entreprendre Israël serait assimilé à une hérésie et exposerait ses auteurs à un procès de déni d'holocauste. L'Europe tout comme l'Amérique n'ont pas totalement apuré le solde du contentieux avec la mémoire et l'histoire. Le Liban aujourd'hui frappé par Israël est la victime indirecte de la capitulation des dirigeants européens devant l'Allemagne nazie, qui avait eu les mains libres pour mettre en œuvre la solution finale contre les juifs. C'est ce sentiment de culpabilité des Européens qui nourrit le cynisme d'Israël qui tire argument de la Shoah pour désarmer toute tentative de l'interpeller. L'agression contre le liban confirme, s'il en était besoin, que tout rappel à l'ordre d'Israël est politiquement incorrect du point de vue de ceux qui gouvernent le monde. Leur bonne conscience est à ce prix.