En refusant de cautionner le cessez-le-feu, demandé par l'ONU, Washington donne à Israël d'accomplir une mission qui va au-delà de l'élargissement des soldats israéliens. Qui croira encore que la destruction du Liban, ou le génocide qui s'y commet, n'ont pour objectif que la «libération» des deux soldats israéliens capturés par le Hezbollah libanais? Affirmer que c'est cela l'objectif de l'offensive contre le Liban, comme continue à le faire Israël, c'est faire admettre que détenir des «prisonniers» israéliens c'est prendre le risque de ‘'condamner'' à la mort et à la destruction tout peuple et tout pays qui oseraient le faire. Israël qui détient prisonniers plus de 10.000 Palestiniens et près d'un millier de Libanais, semble ainsi dénier à ses belligérants palestiniens et libanais le droit de détenir de leur côté des prisonniers israéliens, notamment des militaires. Toutefois, la dévastation du Liban sous l'oeil impassible de la «communauté internationale», les crimes de guerre qui s'y commettent quotidiennement, vont bien au-delà de ce prétexte au demeurant réducteur (la libération des deux soldats israéliens) pour se focaliser sur toute force de résistance à l'hégémonie israélienne sur la région. Israël qui a déjà rappelé, au début du conflit, 6000 réservistes et qui a rappelé, hier, d'autres réservistes du contingent, aux fins de renforcer son armée, est bien engagé dans une vaste opération de «containment» -outre des résistances palestinienne et libanaise- de toute opposition à sa suprématie au Moyen-Orient avec, en arrière-plan, la neutralisation de la Syrie et, plus certainement, de l'Iran soupçonné par les Etats-Unis et Israël de tenter de fabriquer la bombe atomique. Israël qui a, à plusieurs reprises, menacé Téhéran de détruire les centrales nucléaires iraniennes, ne semble plus attendre, non le prétexte, mais le moment idoine pour passer à l'action. Le fait qu'Israël soit passé à l'action contre le Liban le jour même de la capture de ses deux soldats alors qu'il était déjà engagé, militairement, depuis plus de deux semaines, dans la bande de Ghaza en dit long sur ces offensives qui étaient, en fait, préparées de longue date d'autant plus que le contentieux autour de l'enrichissement du nucléaire iranien -dont les négociations avec les Européens et les USA se trouvent dans l'impasse- concerne au premier chef les Etats-Unis dont le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a également menacé l'Iran d'une action militaire au cas où Téhéran n'obtempère pas aux exigences de l'Occident. Face aux massacres à grande échelle qui se déroulent au Liban et face au silence de la «communauté internationale» qui refuse toujours de condamner les crimes d'Israël au Liban et dans la bande de Ghaza, il faut bien dire que, quelque part, il y a maldonne, d'autant plus qu'hier les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont refusé de soutenir la demande de cessez-le-feu formulée par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. De fait, le porte-parole de la Maison-Blanche, John Snow, a déclaré hier que «notre rôle (aux Etats-Unis) n'est pas de fixer des dates-limites à des pays souverains qui sont en train de se défendre», en réaction au plan de Kofi Annan proposant une force de stabilisation au Sud-Liban. En fait, Washington a empêché le Conseil de sécurité de se réunir pour exiger un cessez-le-feu. L'ambassadeur américain, John Bolton, a même justifié cette opposition en déclarant, jeudi, qu' «un cessez-le-feu n'est pas l'alpha et l'oméga de la situation. Personne n'a expliqué comment on conclut un cessez-le-feu avec des terroristes» feignant de ne pas voir qu'Israël a attaqué, et est en train de détruire, un pays souverain membre des Nations unies, le Liban, qui n'est pas, à ce qu'on sache une organisation «terroriste». Ces obstacles à un cessez-le-feu, dressés notamment par les Etats-Unis, laissent supposer que les objectifs pour lesquels Israël a attaqué le Liban ne se sont pas encore réalisés, car ne concernant sans doute pas la seule libération des deux soldats israéliens quasiment improbable, pour ne pas dire impossible, sans la coopération du Hezbollah libanais, au moment où Israël cherche à gagner du temps avec la complicité des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Aussi, les destructions de la bande de Ghaza et du Liban, sans que l'armée israélienne arrive à libérer les trois soldats aux mains du Hamas et du Hezbollah, comme ne cesse de le clamer Tel-Aviv, montrent bien, outre l'inanité de ces actions militaires israéliennes, que celles-ci ont bien des buts autres qui vont au-delà de ces libérations. Dès lors, un élargissement de la guerre à la Syrie, voire à l'Iran, accusés par Israël et les Etats-Unis de soutenir le ‘‘terrorisme'' du Hamas et du Hezbollah, n'est pas, ou n'est plus, à exclure, tant il est patent que les forces (maritimes, aériennes et terrestres) qu'Israël a mises en branle, ne sont pas là uniquement pour venir à bout du Hezbollah et du Hamas qui restent, malgré leur surdimensionnement par Israël et les Etats-Unis, de simples mouvements de libération qui luttent, avec les moyens du bord, contre l'occupation de leur pays par des forces armées étrangères. Aussi, la question qui se pose est celle-ci: qu'est-ce qui est derrière les événements de ces dernières semaines et la mise en oeuvre par Israël d'une riposte «disproportionnée» même au regard de ceux qui soutiennent et ‘'comprennent'' les besoins de ‘'sécurité'' de l'Etat hébreu?