L'affaire du touriste français Hervé Gourdel, kidnappé puis assassiné en Algérie, n'a pas fini d'alimenter le débat et de susciter la polémique, notamment sur les circonstances de son enlèvement. Une fois le choc passé et que les compagnons algériens du touriste français ont donné leur version des faits aux médias, des contradictions se font jour, ce qui ne manque pas de nourrir les incertitudes. Après l'annonce de l'enlèvement du touriste français, dimanche 21 septembre, l'information relayée était que Gourdel et ses amis algériens randonneurs étaient tombés sur un faux barrage à Tikjda, en Kabylie. Tout de suite relâchés par les terroristes, les compagnons de Gourdel alertent les services de sécurité sur ce qui vient d'arriver au touriste français. Libéré après six jours de garde à vue par la Gendarmerie nationale, au début de cette semaine, un des compagnons de randonnée de Gourdel témoigne, et il est repris par la presse française. Il révèle que le groupe terroriste, dirigé par un certain Abdelmalek Gouri, ne les a pas relâchés sur le champ comme rapporté en premier, mais qu'ils ont été retenus durant 14 heures avant d'être libérés. Citant une source proche de l'instruction judiciaire ouverte sur l'assassinat d'Hervé Gourdel, le journal électronique El Hadath El Djazaïri avance une nouvelle version affirmant que le groupe de randonneurs est tombé sur un premier faux barrage qu'il a pu passer sans être inquiété, puis sur un deuxième qui a été fatal au touriste français. «Les randonneurs, cinq Algériens et un Français, étaient à bord d'un véhicule Kia Picanto (…) vers 19h30 ils sont tombés sur un faux barrage composé de trois terroristes, non loin de la sortie du village d'Aït Ouabane. Deux minutes après que les terroristes aient demandé à chacun des passagers du véhicule la raison de sa présence dans le coin et que Hervé Gourdel leur dise qu'il était Français invité par ses amis algériens à faire de la randonnée, le groupe a été autorisé à poursuivre son chemin», indique la source du journal El Hadath. Cette dernière affirme qu'un des terroristes aurait informé son émir, Abdelmalek Gouri, qui n'était pas loin, du passage d'un véhicule avec un Français à son bord et qu'il avait été autorisé à reprendre la route. «Gouri aurait couru derrière le véhicule pour le rattraper, ce qui aurait attiré l'attention des terroristes postés dans un deuxième faux barrage, à 200 mètres du premier. Et c'est là que le véhicule a été arrêté», note le même journal. «Les compagnons de Gourdel ont témoigné que c'est Gouri qui a fait descendre le Français du véhicule. Les terroristes se sont scindés en deux groupes : le premier, dirigé par Gouri, a emmené le Français vers la région de Ouacif, alors que trois autres terroristes sont restés avec les randonneurs algériens. Au bout d'une heure, le premier groupe est revenu sans Gourdel. Les compagnons de ce dernier ont été sommés de ne quitter les lieux que lundi matin. Ce qu'ils ont fait sous la menace. Vers 5h, ils ont rejoint leur véhicule et se sont dirigés vers la caserne, non loin du complexe touristique de Tikjda, pour donner l'alerte sur l'enlèvement de Gourdel», rapporte le même site. Hier, le journal El Chourouk a fait parler, quant à lui, un des randonneurs, le même que celui interviewé par des médias français, un jeune étudiant. «Nous avions passé la nuit du 20 septembre dans un chalet… Le lendemain à 9h, nous avons entamé notre programme de randonnée, mais la pluie nous a fait changer de parcours à la dernière minute. Nous nous sommes alors dirigés vers la forêt d'Aït Ouabane. Là-bas nous n'avons pas compris ce qui se passait, un groupe terroriste venu d'on ne sait où nous a encerclé. Ils nous disaient appartenir au groupe Jund El Khilafah rallié à El Baghdadi (…) Ils ne nous demandent pas nos papiers ni ne nous délestent de notre argent ou de nos téléphones», rapporte El Chourouk. Et d'ajouter, citant les propos d'un des randonneurs algériens : «Nous avons supplié les terroristes pour qu'ils relâchent Gourdel, mais c'était en vain.» Le jeune randonneur revient, dans son témoignage à El Chourouk, sur ses propos rapportés par des journaux français et affirme qu'ils ont été déformés et que les randonneurs n'ont pas été retenus 14 heures par les terroristes. Le président de la cellule d'assistance judiciaire pour l'application des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, Merouane Azzi, s'est mis aussi de la partie, mais pour remettre en question toutes les versions, même l'officielle, et accuse «un complot qui vise à impliquer l'Algérie dans des agendas étrangers». Et d'affirmer que «l'otage a été tué une heure après son enlèvement». Cette multiplicité de «scénarios» s'ajoute à un climat suspicieux sur cette affaire qui ne cesse de faire réagir les internautes sur les réseaux sociaux. Tant de versions qui ne s'accordent pas et jettent le trouble sur une affaire dont l'enquête n'a pas encore trouvé son épilogue puisque le corps d'Hervé Gourdel reste introuvable et ses assassins aussi.