La présentation de l'ébauche de projet du chemin de fer devant relier Relizane à Mostaganem a laissé tous les présents sur leur faim. En effet, le bureau chargé de l'étude s'est limité à exposer deux options pour le tracé. D'une longueur quasiment égale, soit 63 et 68 km, les deux tracés projetés diffèrent par quelques ouvrages d'art et, surtout, par le choix des agglomérations à traverser ou à contourner. Le premier se propose de rejoindre la destination finale en passant par les communes de Mesra, Sirat et Bouguirat avec pas moins de 4 gares à raison d'une par agglomération et la dernière au niveau du lieu-dit Ouled Abdallah. On note qu'entre les gares de Bouguirat et Sirat et entre Sirat et Mesra, la distance est de 7 et 8 kms. Comme dans une intervention liminaire, le wali de Mostaganem avait rappelé que cette voie faisait partie du grand projet devant relier Mostaganem à Hassi Messaoud, il est à se demander de quel type de train sera équipée cette voie. S'agit-il d'un train à grande vitesse (160 à 200 km/h) ou d'un omnibus qui desservirait toutes les agglomérations traversées ? Entre les deux options, il ya des approches diamétralement opposées, comme le soulignera sous l'anonymat un cadre chevronné des transports. C'est d'ailleurs lui qui rappellera que la ligne de chemin de fer reliant Mohammadia à Mostaganem fait l'objet d'une sous utilisation effarante puisqu'il soulignera que, depuis 20 ans, en moyenne annuelle, cette voie n'a utilisé qu'un wagon. En plus de quelques wagons de tubes destinés à la pétrochimie, ce train aura surtout servi à transférer de la mélasse depuis la sucrerie de l'ex-Sogédia. Construite du temps où le port de Mostaganem drainait une part non négligeable du trafic avec la métropole, cette voie sera laissée à l'abandon par l'Algérie indépendante. Revigorée par l'ouverture de l'ex-ITA, dont les stages pédagogiques s'étendaient à l'ensemble des exploitations autogérées du nord de l'Algérie, elle périclitera avec le changement de statut de cette école agronomique. Contrairement à la voie étroite qui reliait Mostaganem à Tiaret, via Oued El Kheir, Sidi Khettab et Relizane, la voie Mohammadia-Mostaganem, sur une distance d'à peine 40 km, est une voie normale avec un tracé des plus confortables et qui a l'avantage de disposer d'une bifurcation vers Arzew, via la Macta. Des atouts non négligeables qui devraient faire l'objet d'une plus grande attention de la part du bureau d'études de la SNTF. En effet, au moment où les ressources du pays commencent à se rétrécir dangereusement, ne serait-il pas plus prudent de s'éloigner des projets budgétivores dont la rentabilité est loin d'être d'actualité ? Car à l'évidence, le présentateur du projet semblait camper sur ses positions initiales, rejetant d'un revers de main la plupart des propositions émises dans la salle. Le train de la dernière chance Pour le wali de Mostaganem, le réseau urbain, avec l'incontournable passage par l'ancienne gare ferroviaire, devrait disparaître au profit d'un nouveau tracé périphérique. Si cette idée a recueilli les faveurs des nombreux partisans de la démolition de l'ancienne gare, il n'en demeure pas moins que ce tracé datant de l'ère coloniale est celui qui réponde le mieux aux contraintes techniques liées à la forte dénivelée entre le point «zéro» qui se trouve au port et le plateau de Mazagran qui est le point le plus élevé. Il se trouve que la gare qui se situe à plus de 130 m d'altitude constitue un passage médian -et assurément incontournable- pour tout train remontant du port. L'autre gros avantage, et non des moindres, est que ce tracé est parfaitement intégré au tissu urbain, ceci en dépit des appels récurrents et si peu judicieux de certaines corporations pour un déplacement de la vieille gare. D'ailleurs, malgré les multiples démarches, la SNTF y a toujours opposé un niet tranchant et catégorique. Pour ce retraité de la SNTF, il s'agit de savoir si le désenclavement et la compétitivité du port constituent une priorité ou pas pour le développement de Mostaganem. Abondant dans le même sens, certains intervenants ont appelé les responsables du projet à plus de discernement, soulignant avec force que le tracé le mieux indiqué, et certainement le moins couteux financièrement, sera celui qui épousera, autant que faire se peut, les anciennes lignes désaffectées. Une option qui pour l'instant semble à contresens de celles retenues par le bureau d'études. Ce dernier semblant privilégier un nouveau tracé qui devrait nécessairement se traduire par la subtilisation de terres agricoles. Certes, il s'agit, comme le soulignera le wali, «d'une opportunité qui ne se représentera pas avant des siècles». Mais est-ce une raison suffisante pour engager d'énormes frais et subtiliser des terres fertiles si, au bout du compte, ce projet n'entamera en rien l'enclavement persistant de la région? D'aucuns ont rappelé que la région est déjà passée à côté de la plupart des grandes opérations de développement, à l'instar de l'autoroute Est-Ouest qui attend désespérément, et ce depuis une décennie, qu'une bretelle pour lui en ouvrir l'accès. Il y a aussi le projet du 3ème bassin dont l'étude a été finalisée depuis plus de 10 ans et qui peine à sortir de l'ombre. C'est pourquoi, une fois la rencontre clôturée, nombreux sont les citoyens qui sont partis dubitatifs. Même le bureau d'études, sensé accueillir les suggestions des habitants, n'a pas jugé opportun d'ouvrir une antenne à Mostaganem. Alors ce train du progrès, destiné à joindre le grand Sud à l'Oranie, fera-t-il de Mostaganem une simple halte entre Oran et Hassi Messaoud ou un véritable pôle économique par lequel les opérateurs industriels et les fellahs si besogneux pourront conjuguer leurs efforts pour mettre sur la voie du progrès, une région aux multiples atouts? L'exposé présenté au siège de la wilaya n'a pas réussi à lever toutes ces appréhensions suscitées par exemple par une option saugrenue d'un tunnel long de 4 km, alors que le tracé se situe dans une région où il n'y a ni ravins abrupts, ni montagnes insurmontables.