Plusieurs manifestants sont poursuivis aux quatre coins du pays. Qu'ils aient été contre le 4e mandat ou qu'ils soient sortis dans la rue pour revendiquer leurs droits, un seul leur est garanti : celui de se défendre devant la justice. -Alger. 6 mois de prison avec sursis pour Mohand Kadi : Le scénario Mohand Kadi, 23 ans, militant de l'association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) et le ressortissant tunisien Moez Benncir (25 ans, assistant-éditeur), interpellés le 16 avril, à la veille de l'élection présidentielle, lors d'un rassemblement organisé par le mouvement Barakat, continue. Après avoir passé 33 jours sous mandat d'arrêt, à Serkadji, les deux jeunes ont été condamnés, en mai dernier, à 6 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed. Alors que Moez a émis le souhait de rentrer chez lui, en Tunisie, Mohand, lui, s'est dit déterminé à aller jusqu'au bout et a fait appel du jugement. Pour le défendre au niveau de la cour, huit avocats de Béjaïa, de Laghouat et d'Alger ont fait le déplacement. Reporté trois fois de suite, son procès a eu lieu, enfin, le 9 octobre dernier. Inapplicables Jeudi 16 octobre, la cour d'Alger a rendu son verdict confirmant le premier jugement du tribunal. L'avocat de Mohand Kadi, Me Abdelghani Badi, qualifie la sentence d'«injuste». «Nous avons souhaité que Mohand soit acquitté et que son jugement soit annulé, en vain. En tant qu'avocat, je vous affirme que les accusations infligées sont inapplicables au cas de ces deux jeunes», insiste Me Badi. Pour Mohand, il n'est pas question de baisser les bras. «J'ai été emprisonné et condamné injustement. Je vais faire appel auprès de la Cour suprême», s'indigne-t-il. Me Badi considère que la justice algérienne est influencée par la chose politique, il appelle à son indépendance. «La justice algérienne doit être indépendante de toute considération politique. Il est de son devoir de garantir des procès équitables selon ce qu'énonce la loi algérienne», insiste l'avocat. -Alger. Nouveau procès pour Tarek Mameri : Tarek Mameri, 26 ans, membre du mouvement des chômeurs n'est pas à sa première poursuite. Connu pour ses vidéos diffusées sur YouTube où il commente l'actualité politique, il a été arrêté, pour la première fois, par la police en 2012, pour une vidéo diffusée sur le même canal où il a appelé au boycott des législatives. Le jeune youtuber n'a pas tardé à être inquiété par la justice, il a été poursuivi, la même année, pour une autre vidéo le montrant en train de casser des panneaux d'affichages de candidats. Accusé de destruction des biens d'autrui, de destruction de documents administratifs, d'incitation direct à attroupement et d'outrage au corps constitué, il a été condamné à 8 mois de prison avec sursis et d'une amende de 50 000 DA. Aujourd'hui, Tarek est poursuivi pour une autre affaire. Les faits remontent à l'année passée, lorsque la police judicaire a débarqué dans son quartier, Belcourt, pour interdire l'activité commerciale d'un jeune qui avait installé, illicitement, sa baraque. Passé à tabac Tarek Mameri est intervenu pour prendre la défense du jeune commerçant qui «a été ensuite passé à tabac», raconte-t-il. Accusé d'incitation à attroupement, d'insoumission à l'application de la loi et d'outrage au corps constitué, il a été condamné par contumace à six mois de prison ferme et 50 000 DA d'amende. Son avocat a fait opposition au jugement. C'est avant-hier qu'il a comparu devant le tribunal de Sidi M'hamed. Selon son avocat, Abdelaghani Badi, le verdict sera connu mercredi prochain. Me Badi pense que les accusations contre son client sont «inventées». «Tarek n'est pas concerné par l'affaire. On ne peut pas appliquer sur lui, par exemple, l'accusation d'insoumission à la loi alors que ce n'est pas lui, le commerçant. Pour parler d'outrage, il faut qu'il y ait des victimes alors que ce n'est pas le cas et puis aucun rassemblement n'a été organisé ce jour-là. Conclusion : les accusations sont totalement infondées», explique l'avocat. -Laghouat. 6 chômeurs, dont un a tenté l'immolation, en justice : Après la vague d'arrestations et de poursuites judiciaires dont ils ont été victimes pendant le mois de Ramadhan dernier, les chômeurs de Laghouat sont à nouveau inquiétés par la justice. Accusés d'attroupement armé et d'outrage au président de l'APC, Belkacem Khencha (41 ans, père de quatre enfants et président du bureau des chômeurs à Laghouat), El Oulmi Benbrahim (40 ans et père de deux enfants), Mohamed Reg (35 ans), Mohamed Chema (34 ans) et Mohamed Ferroudj (30 ans) comparaîtront le 26 octobre devant le tribunal de Laghouat. Les faits qui leur sont reprochés remontent à fin septembre dernier, quand quatre de ces manifestants ont organisé, pendant une semaine, un rassemblement devant l'APC de Laghouat pour dénoncer leur exclusion du projet d'aménagement attribué aux chômeurs, «Algérie Blanche». Belkacem n'a rejoint le groupe qu'au 8e jour, qui a coïncidé avec la tentative d'immolation d'un autre chômeur, Aboubaker Azzouz, 38 ans. Incendier «Aboubaker est venu s'immoler de son propre gré, il n'avait aucune relation avec la manifestation. Il n'en pouvait plus des promesses de travail non tenues du P/APC», explique Belkacem. Le siège de la commune n'a pas tardé à être investi par la police. Les six manifestants ont tous été embarqués et ont été contraints de passer la nuit au commissariat. «Les accusations sont totalement infondées. Les autorités locales veulent nous étouffer, mais nous n'allons pas nous arrêter tant que nous n'arracherons pas notre droit au travail», s'emporte Belkacem. Les chômeurs ont été libérés le lendemain et ont été présentés le même jour devant le procureur de la République. Leur procès est attendu à Laghouat. Un rassemblement est prévu le jour de l'audience. «Les autorités locales les accusent de vouloir incendier le siège de l'APC, alors qu'il n'y a absolument aucune relation entre les chômeurs et le jeune qui a tenté de s'immoler. Ce n'était même pas l'intention de ce dernier. Donc, les accusations n'ont vraiment aucun fondement», rassure maître Noureddine Ahmine, avocat des chômeurs. -Bouira. 32 manifestants contre le 4e mandat poursuivis en justice : Trente-deux manifestants dont deux mineurs originaires de la commune de Haizer, à 10 km à l'est de Bouira ont comparu, hier, devant le tribunal de la wilaya. Accusés d'avoir semé le trouble lors du dernier scrutin, ils sont poursuivis pour attroupement, outrage aux corps constitués, obstruction aux bureaux de vote, blocage d'une voie publique et destruction de biens d'autrui. Chose inattendue, c'est six mois après les faits que la justice s'intéresse à leur cas. Saïd Nedjaa, 29 ans, membre du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et diplômé en économie de l'université de Béjaïa, est l'un des poursuivis. «Le pouvoir a voulu nous imposer un homme malade et impuissant et nous avons réagi pour dire non à l'élection de la mascarade et non au 4e mandat, explique Saïd, joint par téléphone. Nous nous sommes opposés pacifiquement mais la provocation de la police a fait dégénéré la situation.» Acharnement Les faits qui leur sont reprochés remontent au 17 avril dernier. Ce jour-là, de violents affrontements se sont déclenchés, au bureau de vote du centre-ville, entre les forces de l'ordre et les opposants au 4e mandat. Haizer a été transformée en un champ de bataille. Les heurts ont continué jusqu'à une heure tardive. Bilan : quelques blessés et 14 manifestants interpellés, puis libérés le lendemain. Les habitants de Haizer se sont d'ores et déjà préparés à ce procès. Ils qualifient l'affaire d'«acharnement du pouvoir». «Force est de constater, qu'une fois de plus, le pouvoir algérien a eu recours à son arsenal antidémocratique et répressif dans le seul but de criminaliser et de bâillonner le droit à l'opposition, à la manifestation et à l'expression», lit-on dans le communiqué de la cellule de crise. -El Bayadh (Labiodh Sidi Cheikh). Le représentant des chômeurs attend son procès, trois fois reporté : Mohamed Boudiaf Boucif, 22 ans, représentant des chômeurs à Labiodh Sidi Cheikh, à 120 km à l'ouest d'El Bayadh et à 600 km au sud-ouest d'Alger, devra comparaître le 27 octobre devant le tribunal de Labiodh. Militant actif pour le droit au travail, il est poursuivi pour insulte et influence sur témoins par le président de la commune de Bnoud, à 200 km au sud de la wilaya, dans une affaire judicaire qui a opposé ce dernier à l'oncle de Mohamed Boudiaf. Sa première audience a été reportée trois fois de suite pour absence de la partie plaignante. «Mon affaire a un lien direct avec celle de mon oncle, Khaled Boucif (47 ans, ex-vice-président de l'APC de Bnoud, aux membres et au président de l'assemblée de la même commune) qui a été emprisonné pour diffamation pour avoir dénoncer la corruption de ces mêmes responsables, affirme Mohamed Boudiaf. C'est notre mouvement qui organisait les rassemblements de soutien à mon oncle.» Représailles Khaled Boucif, lorsqu'il était en fonction, était derrière les dénonciations de toutes les affaires de corruption qui ont gangrené la commune de Bnoud. Placé sous mandat de dépôt en mai 2013 pour diffamation pendant plus de neuf mois, Khaled a été acquitté. «Nous subissons des représailles depuis cette affaire. Les plaignants ne supportent pas le fait que Khaled Boucif ait gagné le procès. C'est un acharnement contre sa famille et contre ceux qui l'ont soutenu», dénonce Mohamed Boudiaf. L'avocate de l'accusé, Me Yakoubi, partage cette thèse. «Les plaignants déclarent avoir des témoins qui n'ont toujours pas affirmé les accusations. Donc, elles n'ont aucun fondement», assure l'avocate.