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Auteurs et éditeurs à cœur ouvert
19e salon international du livre d'Alger
Publié dans El Watan le 04 - 11 - 2014

Dans un Salon du livre, on rencontre beaucoup de personnes, souvent fort intéressantes. On discute avec les lecteurs tant du journal que des livres. On fait la connaissance de jeunes Algériens qui vous disent : «On vous a vu à la télé !». Et on salue les gens de lettres, on découvre de nouvelles maisons d'édition, des auteurs peu connus, des écrivains en herbe, des poètes qui sortent de l'ombre, des romanciers pleins d'idées, des essayistes prêts à débattre de tout, des éditeurs offensifs, des distributeurs de livres parfois déçus et des professionnels attachés au métier avec passion et détermination. Voici quelques belles rencontres faites sous le soleil de novembre au Palais des expositions des Pins maritimes où se poursuit jusqu'au 8 du mois en cours le 19e Salon international du livre d'Alger (SILA).
Fadéla Merabet
L'essayiste et docteur en biologie, Fadéla Merabet, écrit beaucoup ces dernières années. Après Le chat aux yeux d'or, une illusion algérienne, en 2006, elle a enchaîné plusieurs essais, avec notamment Alger, un théâtre de revenants en 2010, Le café de l'imam en 2011 et La salle d'attente en 2013. Elle revient cette année avec Une poussière d'étoiles, paru aux éditions Dalimen à Alger. «Je suis née révoltée par deux injustices. Celle faite à ma terre, l'Afrique, spoliée, calomniée, niée, affamée, qu'on veut exclure de l'Histoire. Et l'injustice faite aux femmes. Deux injustices qui sont aussi deux ingratitudes : envers la terre et envers la mère de l'humanité», écrit-elle dans cet essai. «Mes livres sont à la fois des autobiographies, des pamphlets, des essais. J'écris ce que j'ai vécu ou sur des faits dont j'étais témoin. Je suis une Histoire vivante. On dit de mon style qu'il est poétique. Ce que j'écris ne relève pas de la théorie. Je ne suis pas une historienne. J'évoque l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui. Je veux transmettre ce que j'ai vécu. La colonisation, la guerre d'Algérie, l'indépendance avec ses illusions, la décennie noire... Je n'aime pas qu'on dise que je suis romancière. Il n'y a pas de chronologie dans Une poussière d'étoiles. Il s'agit de réflexions. J'évoque les scènes quotidiennes, les voyages. Je reviens sur le dernier livre de Zohra Drif, sur les poseuses de bombes et sur les courageuses femmes de La Casbah d'Alger», explique Fadéla Merabet.

Ahmed Benzelikha
Le linguiste, chroniqueur et essayiste Ahmed Benzelikha vient de publier son premier roman, La fontaine de Sidi Hassan, aux éditions Casbah. Cette fontaine imaginaire se trouve quelque part à La Casbah d'Alger. «En arrivant à Alger, la veille du débarquement français, le peintre espagnol Michel Delbrezecque ne s'imaginait pas peindre un portrait du Bey sur fond d'arme secrète, d'idylle contrariée et d'implacable lutte du Bien ou du Mal....», est-il raconté dans ce roman écrit comme un conte. «C'est une histoire d'amour qui peut accrocher le lecteur de base. Ensuite, il y a un niveau philosophique qui rejoint quelque peu toutes les réflexions faites au début du siècle dernier. L'autre niveau est celui du questionnement existentiel sur l'homme et sa destinée. Je fais référence au mysticisme à travers les idées du personnage principal, Da Mohand, un cheikh de la confrérie Rahmania, qui a des visions. Des visions qui m'ont permis d'introduire des personnages qui n'étaient pas dans le roman», raconte Ahmed Benzelikha.
Karim Chikh
Karim Chikh est responsable des éditions APIC avec Samia Zenadi. Il est aussi chargé de l'espace Panaf (pour Festival culturel panafricain). «Cette année, nous avons suggéré à chaque éditeur africain de proposer un auteur de son catalogue, et de préférence un jeune auteur. Nous avons invité quatorze écrivains africains. Nous voulons fidéliser le lecteur avec certains éditeurs qui reviennent chaque année. L'espace Panaf, malgré tout, a pris une place particulière au SILA. Maintenant, il faut savoir le développer et lui donner le sens qui lui faut. C'est à nous de travailler pour que cet espace reste», plaide Karim Chikh. Les éditions APIC sont presque les seules à s'intéresser à la nouvelle littérature africaine en Algérie. Une littérature toujours peu connue dans le pays.

Assia Moussaï
Assia Moussaï dirige avec le journaliste et romancier Bachir Mefti les éditions algériennes El Ikhtilaf, lesquelles travaillent en étroite collaboration avec la maison d'édition libanaise Al Dhifaf. Une collaboration qui permet au roman algérien de trouver une place dans les librairies de tous les pays arabes à partir de Beyrouth. «Les éditions El Ikhtilaf existent depuis 1996. Nous étions au début une association culturelle. Ce que nous faisions relevait du volontariat. En 2003, nous avons fait la connaissance de l'éditeur libanais
Al Dhifaf qui s'est intéressé beaucoup à notre travail et nous a proposé de faire des choses ensemble. De 2003 à 2014, nous avons édité 500 livres ! C'est donc pratiquement une révolution. Nous publions des romans, des livres de philosophie, de critique littéraire, des nouvelles, des essais sur la sociologie, des pièces théâtrales... Nous faisons aussi beaucoup de traductions», relève Assia Moussaï qui se félicite de la réussite de la collaboration avec les éditions libanaises, moins exposées à la bureaucratie et aux blocages financiers. El Ikhtilaf a créé une autre maison d'édition appelée Hakaya qui va se spécialiser dans la littérature pour jeunesse.
Ihab Abderazak Kaïssi
Ihab Abderazak Kaïssi est responsable de la maison d'édition Dar Al Mada à Baghdad, en Irak. «Je pense que l'une des principales difficultés qui se dressent devant la distribution du livre dans les pays arabes est la situation sécuritaire et politique actuelle. Dans certains pays arabes, le livre est presque considéré comme un luxe en raison du chaos qui y règne. Les gens ont besoin dans ces conditions d'être rassurés sur leur vie et sur celle de leurs proches. Les nouvelles technologies freinent aussi d'une certaine manière la circulation des livres dans les pays arabes. Un paradoxe. J'estime que le roman est la forme littéraire la plus importante. Toute la culture commence par le roman. Je n'aime pas trop le recours à l'arabe parlé dans les romans arabes actuels. Cela dénature quelque peu l'écrit et le sens de l'écrit. Il faut que les auteurs arabes se ressaisissent...», souligne Ihab Abderazak Kaïssi.
Asia Baz
Asia Baz dirige les éditions Quipos d'Alger. Quipos réédite cette année quatre romans de Tahar Djaout, dont l'un sous le titre évocateur, 1954-2014, j'aurais eu 60 ans. «Je voulais acheter tous les droits des œuvres de Tahar Djaout aux éditions françaises du Seuil à l'occasion du vingtième anniversaire de son assassinat. Les seuls livres que j'ai trouvé en Algérie sont Les chercheurs d'os et Les vigiles dans quelques librairies. Les négociations avec le Seuil ont duré presque une année et demie. L'éditeur ne voulait pas céder les droits en français. J'ai avancé l'argument de l'hommage qu'on doit rendre à Tahar Djaout vingt ans après sa mort. Il fallait aussi affronter des tracas administratifs et financiers. En 2014, Tahar Djaout aurait eu 60 ans...», souligne Asia Baz. «Dans le coffret, le lecteur trouvera Les chercheurs d'os, Le dernier été de la raison, Les vigiles et L'invention du désert. Le dernier été de la raison est un ouvrage paru à titre posthume, l'écriture y est poétique», ajoute-t-elle.
El Hadji Diagola
El Hadji Diagola est un journaliste et romancier sénégalais. Dans Il est temps de se réveiller, roman publié aux éditions Menaibuc (France), El Hadji Diagola appelle les Africains à s'opposer à «la nouvelle» domination occidentale du continent, à se soulever. «Nous subissons des manipulations occidentales en Afrique. Mon livre montre comment les Africains ont été influencés et comment les pouvoirs en Afrique peuvent éviter les pièges dressés par l'Occident. La jeunesse africaine doit se réveiller pour que nos pays décollent en évitant justement ces pièges. Pour moi, l'Occident a formé les dirigeants africains pour qu'ils continuent le sale boulot en Afrique», estime El Hadji Diagola.


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